En Allemagne et en Autriche


Le Père Johannes Haas (osfs) nous décrit un aspect original de la pastorale des vocations en Allemagne et en Autriche. A son origine, une initiative d’une congrégation religieuse qui a su fédérer les énergies des autres instituts. En s’ouvrant à l’ensemble des vocations.

La vocation reste la préoccupation principale de chaque communauté religieuse : chaque religieuse vit par elle, chaque religieux vit à partir de l’histoire de sa propre vocation, à partir de son cheminement personnel avec ses avancées et ses reculs. C’est pourquoi la pastorale de la vocation est un thème central des communautés religieuses.
Une vue d’ensemble en Allemagne et en Autriche révèle que les communautés religieuses ont eu, au cours de la dernière décennie, diverses initiatives qui visaient à encourager les vocations - tout d’abord, bien sûr, dans le but d’en susciter pour sa propre communauté religieuse. En s’agrandissant les communautés religieuses apprennent à former avec d’autres représentants de la pastorale de la vocation un réseau de vocation commun. Un large réseau a été établi - dans l’espoir qu’une "pêche" plus abondante soit aujourd’hui offerte à l’Eglise (cf. Jn 21, 1-14).
Même si quelques communautés religieuses isolées continuent à établir leurs propres initiatives et à inviter des jeunes, il apparaît cependant nettement une tendance à coordonner une pastorale de la vocation avec d’autres ordres religieux et d’autres œuvres diocésaines : prospectus communs, invitations communes, travail d’équipe lors de rencontres, d’orientations, d’exercices, de pèlerinages et de fêtes avec des jeunes. Par exemple : en Allemagne et en Autriche des brochures communes dans lesquelles des communautés religieuses se présentent, sont publiées, ainsi que de prospectus présentant leurs offres. Il existe deux brochures annuelles qui rendent compte des diverses possibilités. Il s’agit de :

  • "Kloster auf Zeit - Angebote der Frauen und Männerorden in der Bundesrepublik Deutschland" (Couvent d’aujourd’hui - Propositions des religieuses et des religieux de la République fédérale d’Allemagne)
  • "Energie für die Seele tanken. Oasen für mein Leben. Ein Initiative der österreichischen Ordensgemeinschaften" (Puiser de l’énergie pour l’âme. Des oasis pour ma vie. Une initiative des communautés religieuses autrichiennes).

Les propositions des religieux sont diverses, de nombreux religieux invitent leur communauté à "vivre, prier, travailler ensemble" dans "Kloster auf Zeit" et "Kloster zum Mitleben" ("couvent pour vivre ensemble"), à des réunions d’informations, à des journées de méditation et d’exercices, à la grande fête de la liturgie dans le cadre de l’année ecclésiastique, à des rencontres de jeunes ainsi qu’à des vacances au couvent.
Lors de ces occasions, des jeunes gens peuvent découvrir de près la vie cléricale, apprendre à connaître le rythme de prière, s’initier au travail et au temps libre, participer à la vie monastique, découvrir la spiritualité et s’informer des devoirs qui incombent à l’ordre. Lors de conversations avec des religieux et au cours de prières, des questions personnelles et professionnelles peuvent être discutées, touchant à la vocation, comme : "Quelles sont, mon Dieu, tes intentions à mon égard ? Quelle est ma place au sein de l’Eglise et de la société ? Dans quelle profession puis-je vivre ma vocation ? Quelle décision quant à ma vie et à ma profession est bonne pour moi ?"

Les communautés religieuses ne se contentent pas seulement d’inviter dans leur couvent , les religieux font aussi route commune avec des jeunes en dehors de la communauté. Par exemple : il existe des groupes dans les paroisses et dans les écoles pour "partager la Bible", des randonnées ("Bible avec sac à dos" entre autres), des actions ponctuelles dans le cadre de "Un seul Monde", une recherche commune de réponse aux signes du temps, des rencontres entre des chrétiens et des jeunes, lors de manifestations pour la jeunesse, des journées catholiques, des voyages et des pèlerinages à pied sur les traces de fondateurs d’ordres religieux.

La pastorale diocésaine de la vocation constitue un cadre dans lequel les ordres religieux peuvent développer leur pastorale. Le travail en commun entre les différents responsables des diocèses et des ordres religieux est recherché et développé des deux côtés. Des religieux travaillent dans les services d’Eglise et participent avec les diocèses à différentes manifestations.
Des conférences et des communautés de travail se sont créées à différents niveaux (diocèses et archevêchés) dans le but de développer et de coordonner ensemble la pastorale de la vocations des ordres religieux. Par exemple le groupement d’études pour la pastorale des professions ecclésiastiques dans les communautés d’ordres religieux (AGMO : Arbeitsgemeinschaft für die Pastoral der geistlichen Berufe in den Ordensgemeinschaften) groupement dans lequel des religieux allemands sont représentés.
Des communautés religieuses contribuent aussi à favoriser la connaissance de soi dans le domaine "professions ecclésiastiques". Ainsi avec leur revue "Wegbereiter. Magazin für Berufe der Kirche" (Magazine pour les professions ecclésiastiques), les "Salvatorianer" de l’Allemagne du sud favorisent le jour de prière mensuel pour ces professions et proposent un forum où diocèses et instituts religieux peuvent se présenter.

Mouvements

Dans le cadre de la collaboration entre communautés religieuses, différents mouvements se sont développés. Pour finir, trois exemples représentatifs sont cités :

  • le "Mouvement Confronto" (Confronto Bewegung") s’est développé en 1988, lors du centième anniversaire de la mort de Don Bosco. Ce mouvement de jeunes est représenté par les Salésiens de Don Bosco et les sœurs de Don Bosco en Autriche et Allemagne du sud.

  • les "Missionnaires d’Aujourd’hui" ("Missionnar/in auf Zeit" : MAZ)
    "Donner et recevoir" et, par là même, apprendre ensemble de façon fraternelle, c’est ce que veulent les jeunes qui prennent un engagement limité dans le temps , comme missionnaires. Les "Missionnaires d’Aujourd’hui" se considèrent comme un pont entre les hommes et apprennent que l’on peut travailler fraternellement à travers le monde entier. Ils s’engagent avec des hommes et des femmes d’autres cultures pour un monde plus juste et font part d’expériences et de différentes formes d’expression de la foi chrétienne.

  • Les "Jeunes Eglises" (Jugen Kirchen) invitent des hommes et des femmes qui vivent et travaillent avec eux de façon solidaire, qui apportent leurs capacités, leurs talents, leur apprentissage et leurs expériences et donnent un témoignage de leur foi. Ce sont des personnes qui croient en ce monde "unique" et en l’Eglise et qui consacrent pour cela les meilleures années de leur vie. A leur retour, les "Missionnaires d’Aujourd’hui" s’efforcent de créer chez nous les conditions pour un monde plus juste. Ils enrichissent notre Eglise occidentale par leurs expériences des autres cultures. Ils contribuent de plus, par là-même, à ce qu’une compréhension fraternelle entre communautés religieuses du monde entier grandisse. Pour atteindre à ce "vivre, prier, travailler ensemble dans une communauté religieuse à caractère missionnaire", deux modèles sont proposés :
    - Pour une durée de trois ans : la communauté religieuse et les "missionnaires d’aujourd’hui" établissent les règles de vie commune et des travaux par un contrat.
    - pour une durée de 6 à 24 mois : la communauté religieuse fournit le logement, la nourriture et l’encadrement. Les autres frais (avion, assurance) sont à la charge des jeunes gens eux-mêmes. Les douze communautés religieuses à caractère missionnaire qui sont à l’origine de ce projet vivent aussi cela comme un champ productif de la pastorale des vocations. C’est dans la vie et le travail en commun que se prennent et se précisent les décisions pour telle ou telle communauté religieuse, pour différentes professions, pour différents offices ecclésiastiques.

  • Le "Cercle des Jeunes Missionnaires" ("Kreis Junger Missionare", KJM)
    Ce mouvement de jeunes, créé en 1962 à partir d’un ordre religieux (Oblats de St François de Sales) et dès le départ ouvert à tous les ordres religieux est très répandu en Allemagne et en Autriche. De la fondation à nos jours, il a toujours été clair que le KJM n’est pas une œuvre interne ayant pour seul but de favoriser le développement de l’ordre religieux, il s’agit bien plus d’une œuvre ouverte à la collaboration de tous ceux qui veulent s’inspirer de l’idée du KJM et la réaliser. Cette ébauche, qui correspond dans le temps au renouveau du concile apparut bientôt dans la construction de formes analogues de travail en commun. Différentes communautés religieuses s’intéressèrent à cette nouvelle idée ; sous l’appellation commune de KJM, elles développèrent dans leurs domaines la pastorale de la vocation dans laquelle bien sûr elles introduisirent également le spécifisme religieux de la pastorale pour la jeunesse. Le KJM est l’hôte de leurs couvents et, inversement, elles se sentent chez elles au KJM. Le sigle KJM montre depuis plus de trente ans ce qui, entre temps, est devenu un consensus : la pastorale de la vocation est moins l’œuvre d’un seul ordre, elle se développe bien plus dans la coopération de différents représentants de la pastorale de la vocation. Le cœur du mouvement KJM est la "cellule biblique" où de jeunes gens se rencontrent régulièrement afin de découvrir la Bible en tant que livre pour leur vie, en tant que livre de leur vocation. Dans la mesure du possible, une personne issue d’une profession ecclésiastique les accompagne dans cette démarche et s’y investit avec sa propre vocation. Les trois lettres signifient un programme triple :
    - K : "Kreis" (cercle) - C’est en tant que "cercle de jeunes missionnaires" que des jeunes veulent ensemble être ouverts à l’appel de Dieu. Il est plus facile de se demander ce que Dieu a prévu pour soi-même en présence d’une communauté ayant les mêmes opinions. Ce qui d’ordinaire est souvent un tabou devient avec le KJM un véritable thème : le dessein de Dieu pour moi, les projets de Dieu pour moi. Le KJM est un mouvement de vocation.
    - J : "Jung" (jeune) - le KJM veut encourager les vocations chez les jeunes gens . Les vocations de Dieu pour son Eglise sont aussi multicolores qu’un arc-en-ciel. C’est de cette diversité que naît une Eglise variée, une Eglise jeune comme l’Eglise dans le concile. Le KJM a été créé la même année que le concile. C’est un mouvement du concile.
    - M : "Missionare" (missionnaires) - Ce que les jeunes reçoivent régulièrement dans leur "cellule biblique", lors des journées de recueillement et des week-end, lors des cours du KJM et des pèlerinages, ils souhaitent ensuite le transmettre. Ils veulent apporter dans le monde "lumière et vie" et contribuer à une Eglise vivante. Voici quelques-unes des plus récentes phrases-clés montrant la voie : "Oser une Eglise vivante. Tu es appelé. Tu es utile" - "Suivre le chemin de Jésus. Lever le masque" et "connaître Jésus-Christ et se décider". Le KJM veut encourager des jeunes gens à découvrir des traces de Dieu dans leur vie et à emprunter le chemin de Jésus-Christ, dans ces professions pour lesquelles la vocation de Dieu leur est offerte : des professions dans l’Eglise et dans la société.
    "C’est alors que nous découvrons notre dignité et nos talents. Ainsi nous vivons nos vocations comme un don et un devoir. Nous nous enrichissons et nous recherchons à nous parfaire en imitant Jésus-Christ. Cela suscite en nous des conséquences et des décisions vitales. C’est dans la quête d’une existence humaine accomplie que nous vivons nos vocations dans notre métier, dans le mariage ou le célibat. En tant qu’action de la jeunesse pour les vocations dans l’Eglise, nous favorisons l’office sacerdotal, la vie religieuse, les offices les plus divers dans l’Eglise ainsi que les nouvelles vocations que Dieu offre de nos jours." (1991).

La pastorale des vocations des congrégations :
Expériences - Valeurs des expériences

Le cheminement des jeunes gens se développe de façon favorable lorsqu’ils font la connaissance de directeur(trice)s de conscience qui ont eux-mêmes découvert et approfondi leur chemin au sein du KJM. Lorsqu’au travers d’une rencontre avec eux, des jeunes gens apprennent comment ils ont progressivement découvert leur vocation, ils ont alors le courage d’oser eux-mêmes des pas dans un avenir qui leur est ouvert. Il est également opportun que des jeunes fassent l’expérience de la vie et du travail en commun de religieux issus de différentes communautés. La diversité dans le domaine de la spiritualité et dans la manière de vivre attire l’attention sur la diversité des vocations dans laquelle des jeunes peuvent découvrir la vocation choisie pour eux par Dieu. C’est dans la diversité des voies possibles que leur chemin avec Dieu - le chemin de Dieu avec eux - se révèlera à eux. C’est dans la libre approche d’une forme particulière de vocation que grandit la capacité à s’engager dans cette forme de vie qui, du point de vue de Dieu, doit être le don de soi. Le fait qu’une communauté religieuse ne soit pas trop concentrée sur elle-même et sur ses préoccupations quant à l’urgence d’une relève a également un effet positif. La vocation se développe dans un espace de liberté. Dans cette optique, reste à définir vers où Dieu veut mener les jeunes gens : vers telle ou telle communauté, vers la manière de vivre des conseils évangéliques ou bien vers une autre forme d’Evangile vivant. Une telle patience est fille de l’Amour divin ; cela a été montré par St François de Sales lorsqu’il fit découvrir à ses Sœurs que le champ des vocations s’étend également au-delà des murs du couvent (24 juillet 1621) :
"Si nous pouvons avoir l’esprit d’une totale dépendance à l’égard de la préoccupation paternelle de Dieu, alors nous pourrons constater avec joie que les fleurs d’autres jardins se multiplient et nous remenrotayercierons Dieu, comme si cela se passait dans notre propre jardin."

Johannes Haas, osfs
Traduit de l’allemand par Karine Bouhelier