L’accueil en monastère


Expérience modeste de ces cinq dernières années. Je dis modeste parce qu’on ne peut pas prétendre connaître les jeunes dont la diversité est énorme

Diversité
Il y a une très grande diversité de jeunes du même âge, de par

      • leur milieu
      • leur culture
      • leur expérience.

Et j’ajouterai, diversité de par les dons mêmes que Dieu a inculqués en chacune. Il faut donc dès le départ se refuser de dresser des catalogues. Mais en général on peut dire que les jeunes sont marqués par l’insécurité de la société :
par une vie de famille pas toujours disloquée mais souvent envahie par des soucis matériels
par une indépendance très précoce qui, au lieu de les mûrir, les empêche de se structurer et de faire de vrais choix. D’où, peut-être, le retard de leur maturité
par une culture cloisonnée : on apprend beaucoup de choses sans avoir le temps ou la possibilité de les assimiler et de les intégrer dans la vie
par l’abondance de notre société de consommation dont l’étalage suscite des besoins jamais assouvis.

Accueil
Nous avons accueilli ces dernières années sept jeunes et moins jeunes. Trois seulement continuent leur chemin chez nous. (Soit dit en passant, ce sont les trois plus jeunes). Etant donné la diversité de leurs origines, elle n’ont eu aucune influence les unes sur les autres. Il est donc difficile de dire que les jeunes appellent les jeunes, comme on l’entend souvent.
Le premier temps, me semble-t-il, est un temps d’accueil désintéressé et chaleureux, car les jeunes vivent dans un monde dur où se vit un anonymat lourd à porter. Il est très important de leur faire sentir qu’elles comptent aux yeux de quelqu’un et d’abord et surtout aux yeux de Dieu, qu’elles sont aimées, comprises et que l’on cherche leur bien. Dans un climat de totale confiance, elles prennent conscience qu’elle existent. Car souvent, il faut commencer par les mettre debout avant toute chose. Elles sont parfois marquées par des expériences négatives qui ont laissé des séquelles profondes et douloureuses. Et si cela resurgit avec acuité au début de la vie religieuse c’est tout simplement parce que la solitude, le silence et l’expérience de Dieu nous révèlent à nous-mêmes.
C’est un temps d’épreuve où il faut beaucoup de patience et de compassion. Je le considère comme un temps totalement gratuit. Il faut vraiment que l’Esprit saint vienne à notre secours pour ne pas voir trop vite dans la première jeune qui se présente, une chantre, une économe ou je ne sais quelle officière qui nous manque.

Dans un second temps que j’appellerai d’écoute, il faut investir beaucoup de temps pour écouter.
Leur donner la possibilité de se dire, de se raconter. Il faut qu’elles trouvent une oreille attentive à tout et à n’importe quoi sans leur faire sentir préjugés ou a priori. Les rejoindre là où elles sont sans devancer l’appel.
Etre très attentive à ce qui n’est jamais abordé. Ce qui passe systématiquement sous silence, souvent inconsciemment, mais qui peut cacher un traumatisme ou une peur de la vérité.

Dans un troisième temps on peut, me semble-t-il, essayer de repérer les motivations de leur recherche.
Il faudra beaucoup débroussailler l’influence psychologique sur leur vie spirituelle, car elles vivent beaucoup au niveau de la sensibilité.
Voir quelle est la profondeur de leur foi, et quel est le Dieu qui les attire. Si c’est bien le Dieu de Jésus-Christ ou si c’est n’importe quelles croyances véhiculées par la télévision (le Nouvel Age a ici quelquefois beaucoup de place). Et ce n’est pas leur faute si elles ont bu à toutes les sources. Voir aussi quelle est leur assiduité à la prière.
Quelle est leur insertion dans une vie de groupe ou paroissiale.

Ce que l’on peut exiger dès les débuts
Qu’elles viennent régulièrement au monastère. Cela permet de se rendre compte q’il y a évolution dans tel ou tel aspect, s’il y a une soif d’apprendre et de connaître.
On peut leur demander de modifier (quand c’est possible) le rythme de vie en vue d’approfondir leur foi et de consacrer du temps à la prière. Non pas en leur donnant une Règle de vie trop lourde à porter mais simplement une certaine rigueur dans les choix, surtout des loisirs.
Qu’elles s’habituent à la prière solitaire. Il me semble important qu’elles fassent l’expérience du regard de Dieu posé sur elles, avant d’entrer au monastère.
Les jeunes apprécient qu’on ne leur cache pas les exigences réelles de la vie monastique. C’est assez facile de les leur inculquer si elles sentent notre amour compréhensif et si, déjà, la confiance est bien établie entre elles et la Sœur qui les écoute. Si elles sentent qu’on ne cherche que leur bien, elles acceptent une certaine fermeté dès les débuts, et c’est pour nous un signe qu’elles ont pris un bon chemin.

Dans cette période on doit percevoir un certain mûrissement, afin que tout ne reste pas au même niveau que le premier jour.

Temps de discernement
Puis vient le temps du discernement, le temps de voir dans les échanges quelle est leur faim spirituelle, si elles s’arrêtent à l’essentiel d’une vie consacrée totalement au Christ ou s’il y a des retours continuels sur des choses secondaires comme la nourriture, le sommeil, la toilette, ou même, à un autre niveau, sur des questions d’affectivité. Et si, au contraire, on ne parle que de spiritualité (ce n’est pas mieux) quand on ne veut pas "s’abaisser" à parler de choses concrètes et vitales (un jour, une jeune m’a parlé de ses parents terrestres...). Ce manque de réalisme ne me paraît pas bon pour préparer une vie contemplative.
Ensuite, la question doit se poser, sans les influencer par nos expériences et nos désirs : Pourquoi tel Ordre plutôt qu’un autre ? Je serais tentée de croire que, si elles frappent à notre porte, le Seigneur a déjà parlé au fond de leur cœur et qu’il n’est pas indispensable de leur donner des catalogues de tous les Ordres, quoique habituellement je leur pose la question : Que savez-vous des autres Ordres ?
Alors vient le moment de voir si la solitude, le silence, la vie communautaire sont désirés en vue d’aimer Dieu ou comme des fins en soi.

On peut voir aussi si elles goûtent à la littérature de l’Ordre.

Une carmélite