Ouverture


Samedi 30 octobre 1993, 14 h OO.
Soeur Dominique Sadoux, de l’équipe du Service national des vocations, présente aux participants l’orientation générale de la rencontre.

Le funambule et son fil

Nous voici rassemblés ce soir, tous et toutes intéressés, préoccupés par les vocations nécessaires à l’Eglise pour remplir sa mission dans le monde, particulièrement par les vocations de religieuses et de religieux apostoliques.
Nous voici pour approfondir ce qu’est notre vie religieuse apostolique à l’heure où s’ouvrent des chemins nouveaux.
L’image qui me vient, qui m’est venue en pensant à l’objectif de cette session, c’est celle d’un funambule. Pourquoi un funambule ?

Tout d’abord parce qu’on ne distingue pas bien le fil sur lequel il se déplace... Il est à peine visible ce chemin, on le devine, on le pressent seulement à la manière dont se comporte l’acrobate ! A son attention, à sa concentration, à sa présence, à sa souplesse... Alors seulement, découvre-t-on avec émerveillement le chemin discret, risqué, osé du funambule... La vie religieuse apostolique, chemin discret en ce temps de mutation. Comment des jeunes peuvent-ils (elles) percevoir ce chemin pour ensuite s’y engager ? nous aurons l’occasion d’en reparler...
Le funambule sur son fil à peine visible... sur son chemin discret mais aussi sur son chemin risqué, osé ! Les risques ne manquent pas aujourd’hui, en cette période de raréfaction des vocations :

- Risque de se replier frileusement sur son Institut, de se crisper amèrement sur son recrutement à tout prix ! risque de mort !

- Risque aussi devant le foisonnement de tout ce qui naît dans l’Eglise, de se laisser tellement impressionner qu’on doute de sa propre identité... qu’on perd la flamme qui brûlait le cœur à l’heure du premier appel...

- Risque d’agressivité, risque de ne plus être en état d’Appel !

A fixer le vide, le funambule risque d’y tomber...

En ouvrant cette session, n’oublions pas non plus que l’Esprit Saint est toujours à l’œuvre. Il souffle partout, dans ce qui naît comme dans ce qui a bravé l’épreuve du temps. Il fait du neuf et du varié !

La nouveauté de l’Esprit surgit dans la vie religieuse apostolique elle-même, mais à côté, à plus ou moins grande distance... Elle surgit, si nous accueillons cette grâce de nos propres vies, lorsque de nos Instituts deux ou trois se rassemblent, ouvrent leurs yeux sur le monde, laissent leur cœur se renouveler par leur charisme fondateur, tendent leurs mains pour une nouvelle forme de mission...

La nouveauté de l’Esprit est au milieu de nous ce soir dans la multiplicité de nos charismes apostoliques, mais aussi avec ceux et celles qui représentent les Instituts de vie contemplative, les Instituts missionnaires et avec nos invités : moines ou moniales, membres d’Institut séculier et laïques consacrées, membres des Communautés nouvelles, vicaires épiscopaux délégués à la vie religieuse, prêtres et membres des équipes des Services diocésains des vocations, mouvements tel le scoutisme.

Tous ensemble nous nous engageons dans l’aventure de cette session. Nous aurons sans cesse présents au cœur les jeunes en recherche.
Jésus nous l’a dit : "Priez le maître de la Moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson" C’est notre première pastorale des vocations.

Vie religieuse apostolique : qui es-tu ?

Les jeunes en recherche de vocation peuvent nous poser la question : "Vie religieuse apostolique, qui es-tu donc ?" ils ont droit à une réponse.
Or aujourd’hui la vie religieuse apostolique subit de profondes mutations. Pour la situer il convient de la considérer d’abord à partir du mystère de l’Eglise. Une Eglise de Vatican II, une Eglise Corps du Christ, où chacun, chacune, apporte sa part, sa vocation, une Eglise Sacrement où chaque vocation signifie ce que toutes les autres ont aussi à vivre, chacune pour sa part... Une Eglise Peuple de Dieu dans un monde où tous les baptisés ont la charge d’annoncer la Bonne Nouvelle du Salut.
Or si la vie religieuse apostolique a toujours été et reste enracinée dans le baptême, celui-ci aujourd’hui est, pourrait-on dire "dans tout son éclat et dans tous ses états" ! Et cela n’est pas sans modifier la place des religieux et des religieuses.
Non seulement voit-on se lever un peuple de catéchumènes mais les laïcs redécouvrent la force de leur appel, l’éclat de leur baptême et s’engagent de plus en plus dans l’Eglise pour la mission (Christi Fideles Laïci).
Aujourd’hui, des laïcs conscients de leur vocation s’aventurent sur des terrains hier réservés à la vie religieuse apostolique...

Le Baptême dans tout son éclat ! fait que le nombre de religieux apostoliques se restreint inévitablement, même si ce fait n’est pas le seul responsable de ce petit nombre.
Le Baptême dans tous ses états ! Non seulement l’Esprit ne cesse de faire grandir les laïcs à leur pleine stature de baptisés, mais il suscite de nouvelles formes de vocations particulières. Vocations à la vie consacrée, vocations au radicalisme évangélique.

La vie religieuse en subit un déplacement qui la force à repréciser son identité et c’est sa chance. Ce déplacement est si important qu’il est signifié clairement dans le nouveau code de droit canonique de 1983.

La vie religieuse devient une forme de vie consacrée, elle n’a plus, comme dans le droit canon de 1917 l’apanage de la vie consacrée.
Les Instituts de vie consacrée comportent des normes communes que les Instituts religieux ont à vivre. C’est le canon 573 : ces normes comportent la profession des conseils évangéliques dans des Instituts érigés canoniquement. A l’intérieur de ceux-ci, viennent les Instituts religieux. Canon 607 :
"En tant que consécration de toute la personne, la vie religieuse, monastique et active, manifeste dans l’Eglise l’admirable union sponsale établie par Dieu signe du siècle à venir. Ainsi le religieux accomplit sa pleine donation comme un sacrifice offert à Dieu par lequel toute son existence devient un culte continuel rendu à Dieu dans la Charité." Le Code poursuit : "L’Institut religieux est une société dans laquelle les membres prononcent, selon le droit propre, des voeux publics perpétuels ou temporaires à renouveler à échéance et mettent en commun la vie fraternelle."
Vœux : profession publique et vie fraternelle dans un Institut de droit propre, voilà le spécifique de la vie dite "religieuse".

Des vœux perpétuels prononcés dans un Institut où se pratique la vie communautaire en vue de la mission.
Le droit canon traite ensuite de l’apostolat des religieux. Il y est dit que toute vie religieuse est apostolique. On y parle de la secrète fécondité de la vie monastique. Mais pour les Instituts voués à l’apostolat, l’action apostolique appartient à la nature même de la vie religieuse. C’est pourquoi toute la vie des membres est imprégnée d’esprit apostolique et toute leur action apostolique est animée d’esprit religieux : une vie religieuse dont on ne peut séparer l’être et le faire, tout comme on ne sépare pas la consécration de la mission de Jésus.

Les jeunes en recherche de vocation ne connaissent pas ou connaissent peu la vie religieuse apostolique aujourd’hui. Ils parlent plus volontiers de vie évangélique voire de vie consacrée.
A nous, bien situés en Eglise, dans l’éventail de la vie consacrée, à savoir leur présenter cette riche variété lorsque c’est nécessaire : religieux, religieuses, moines ou moniales, Instituts séculiers, ermites, laïques consacrées, sociétés de vie apostolique. Telles se nomment les formes de la vie consacrée aujourd’hui. Sans oublier les frontières fluantes avec les communautés nouvelles dont plusieurs sont encore des associations de fidèles.
Pour les jeunes qui frappent à nos portes, ce qui se présente à leurs yeux au gré des rencontres ce sont des images de groupes ou de personnes consacrées, c’est-à-dire ayant mis leurs pas dans ceux du Christ pour Le suivre de manière particulière.

Images médiatiques, images claires qui offrent une clarté car elles expriment une articulation nette entre un style de vie, une urgence apostolique, une visibilité.
Images renaissantes de la vie religieuse apostolique conventuelle où ministère de la parole et vie fraternelle assidue s’harmonisent.
Images moins claires, plus cachées, de la vie religieuse apostolique qui a appris à durer dans la proximité des défavorisés ici, dans nos HLM, en monde rural. Vie religieuse en pastorale au coude à coude dans un travail professionnel ou au loin. Images missionnaires, images des vocations séculières et des laïques consacrées. Image des communautés nouvelles qui attirent les jeunes... images aussi de la vie religieuse apostolique de nos Instituts aujourd’hui, en ce moment où s’ouvrent de nouveaux chemins à inventer pour répondre aux besoins nouveaux de la mission... inspirés par nos charismes si divers.

Nous avons à aider à discerner et pour cela à situer les vocations les unes par rapport aux autres. Alors ce que nous sommes, religieux et religieuses apostoliques prendra sa place dans le concert des vocations...
Ouvrir nos yeux et notre coeur sur l’Eglise et tout ce qui jaillit de nouveauté en elle, en nous tous, ne peut que fortifier notre identité et permettre aux jeunes de nous situer, de nous connaître et peut-être d’oser s’aventurer avec nous sur le chemin discret et risqué de la vie religieuse apostolique. C’est d’elle que nous parlerons en cette session. Il était bon de la situer.
"La vie religieuse est le lieu, un lieu, celui d’une pratique communautaire et d’un geste, à savoir partir, passer un seuil (seuil des vœux, seuil de ces raccourcis qui veulent annoncer le Royaume) et tenir ce geste, même comme un mode de vie. Ainsi le veut l’assurance que l’on peut mettre dans la faiblesse du croire" (Michel de Certeau)
Soyons forts de cette faiblesse de notre Foi !

Sœur Dominique Sadoux (rscj)
S.N.V.