Une lecture de l’enquête


Samedi 15 h 15.
Thérèse Revault et Hubert Bonnet-Eymard présentent, à leur tour, une relecture à deux voix de l’enquête du SNV.

Introduction : D’où parlons-nous ?

A - Comment nous avons reçu l’enquête
B - Que pointer plus précisément ?

I - Une pastorale enracinée dans l’éveil à la foi
II- Donner à voir des charismes - Le témoignage

    • Des propositions
        • Communauté
        • Jeunes (Fêtes - Oser dire - Cté d’accueil - accompagnement )
    • Une problématique

C - Quelle épreuve ?!

Introduction

Thérèse : Je suis de la congrégation des Filles du Saint Esprit, je suis en communauté en banlieue parisienne à Créteil et j’ai relu l’enquête très habitée par ce que je vivais quotidiennement auprès d’étudiants en aumônerie universitaire. Un lieu où les questions d’orientation de vie sont de tous les jours. Aumônerie étudiante qui d’ailleurs avait choisi comme thème de sa dernière session nationale : "profession, engagement, vocation, choisir aujourd’hui pour le service de Dieu et des hommes". Cette question court donc dans les aumôneries.
Cette enquête je l’ai reçue aussi en me souvenant de ce que j’avais découvert au Service National des Vocations, avant Dominique, et je me suis rappelée les trois sessions précédentes où nous avions déjà réfléchi ces questions. Certains d’entre vous, ici, les ont peut-être vécues. Souvenons-nous toujours d’hier : en 1984, Issy-les-Moulineaux, session sur l’appel à la vie religieuse (pour les Services des Vocations) ; puis en 1985, les Supérieures Majeures qui comme nous aujourd’hui s’étaient retrouvées sur le sujet : "Comment vivons- nous cette question dans nos Instituts ? " Et en 1986 , à Meudon, les religieuses en Services des Vocations s’étaient retrouvées sur le même thème.
Alors je me suis souvenue de tout cela pour pointer : tiens, qu’est-ce qui m’apparaît un peu neuf aujourd’hui ?

Hubert : Je suis religieux depuis 1968 - j’avais alors 20 ans - prêtre depuis 1983. J’ai une formation scientifique, j’ai été enseignant (professeur de Physique).
Aujourd’hui je suis responsable avec une équipe, de la pastorale des vocations dans la Province de France des Pères Maristes. C’est une congrégation née au début du XIXème siècle, qui connaît une profonde crise de "recrutement"- du moins dans les pays industrialisés - dont l’esprit "intéresse" aujourd’hui des laïcs (en France). La moyenne d’âge en France est de 70 ans. Il y a deux novices pour cinq Provinces d’Europe du Nord.
Je suis directeur du Forum : lieu de rencontre entre expérience chrétienne et Nouveaux Mouvements Religieux, et aumônier d’étudiants (C.G.E. et Supélec)
"Voisin" de la Fraternité Nazareth qui est une communauté d’accueil installée dans la même maison que ma communauté, au 104 rue de Vaugirard (VIe).

A - Comment avons-nous reçu l’enquête ?

(Thérèse)

Comme une avancée au niveau des convictions :

  • Des charismes d’Institut mieux cernés. On y croit.... On en parle, parfois, d’une manière enflammée (!) On cherche comment les faire mieux connaître, y compris aux jeunes. A ce niveau l’enquête témoigne d’une inventivité, d’un courage.
  • Elle témoigne aussi d’un désir d’être, en même temps, partie prenante d’une Pastorale des Vocations en Eglise. Mais - étonnant ! - on fait peu allusion au lien avec les Services Diocésains des Vocations.
  • Dans l’ensemble, l’enquête fait ressortir combien cette question "vocation" est portée dans un contexte assez éprouvé, sur fond de réelle pénurie... d’où un risque de crispation, voire d’enfermement.
  • Au niveau institutionnel, des questions difficiles, voire cruciales sont clairement posées. Ce qui me fait dire : "Cette session tombe bien !", il faudrait oser regarder ensemble ces questions. Et surtout opter pour un parler vrai, en mettant nos pratiques, nos questions, bien "à plat".

"A l’heure où s’ouvrent des chemins nouveaux..." dans nos Instituts, mais aussi autour de nous : congrégations nouvelles, communautés nouvelles, j’ai regretté que deux d’entre elles seulement aient répondu à l’enquête. Je l’ai regretté car beaucoup d’initiatives, en direction des jeunes, partent d’elles et touchent un grand nombre.
Je souhaite que ces trois jours puissent provoquer une écoute de ce qui se vit, une écoute allant jusqu’à une confrontation... avec un "parler vrai".

Hubert
J’ai été frappé par des écarts, des oppositions. J’en note deux, tout en étant conscient du risque de simplifier et de caricaturer.

a) Les réponses à l’enquête s’inscrivent dans un éventail qui va de la modestie à une certaine utopie. Je dis "une certaine" car je crois qu’il n’y a pas de vie religieuse sans utopie. Je veux parler ici d’une utopie un peu mégalo qui, pour définir la vie religieuse, utilise un langage de totalité au ton plutôt exhortatif.
Je sens cela dans les descriptions de certains charismes ou dans la manière de répondre à la seconde question (à propos de l’adéquation entre le charisme et les besoins du monde) :

- "un don total en Jésus-Christ".

- "une disponibilité à quiconque et partout".

- "notre disponibilité c’est tout ce qui touche à la vie... aussi nous sommes persuadés que nécessairement notre charisme rencontre les appels du monde et de l’Eglise".

- des religieux "suivent le Seigneur en se dépouillant de tout intérêt personnel pour que rien ne fasse obstacle à l’écoute de la Parole de Dieu".

- ils "consacrent tout ce qu’ils ont et tout ce qu’ils sont au service de l’Evangile partout où ils peuvent être envoyés...".

A l’autre bout de l’éventail, je suis plus sensible à une certaine modestie :

- à plusieurs reprises on parle de la vocation de l’Institut, mais en termes de but à atteindre, qui exige humble fidélité.

- on parle d’"essai", de "difficultés", de "beaucoup de modestie".

- on a conscience de s’adresser à "de petits cercles d’Eglise".

Voilà déjà une première impression au contact de vos réponses. La réalité à laquelle je me coltine tous les jours me rend sensible à ce qui risque d’être un immense décalage entre l’ampleur de la vision et le petit nombre de ceux et celles auxquels nous nous adressons (lecture très subjective qui laisse intacte, bien sûr, l’immense générosité et la disponibilité qui transparaissent à la lecture de vos réponses).

b) Les réponses à l’enquête m’ont paru, en second lieu, s’inscrire entre les extrêmes d’un autre éventail (là encore risque de caricature) :
D’un côté il y aurait le charisme pour le charisme...

  • une pastorale des vocations pour le service de la congrégation (pastorale nécessaire mais à condition qu’elle ne soit pas fixée sur le charisme pour lui-même)
  • avec une difficulté sous-jacente à penser l’intégration/l’incorporation d’un(e) jeune en d’autres termes que ceux que nous avons nous-mêmes connus.

... De l’autre côté on assiste au déploiement de la mission aux couleurs d’un charisme :

- une pastorale des vocations pour le service du Royaume :

  • "intéresser des jeunes à la mission franciscaine en milieu musulman"
  • "sensibiliser les jeunes à la mission en Europe à partir de ses diversités"
  • "des communautés franciscaines sur le terrain et des communautés chrétiennes de base"
  • "nous leur proposons d’aller chercher les enfants dans les quartiers populaires"
  • "nous offrons de partager notre mission pendant l’été"

- une pastorale des vocations à l’écoute des jeunes tels qu’ils sont, au point où ils en sont :

  • "par ces activités nous voulons offrir aux jeunes la possibilité de vivre des expériences fortes qui, après relecture, leur permettent de se situer, de se décider dans leur vie quotidienne et face à leur avenir"

- une pastorale des vocations aux couleurs d’un charisme

  • par le biais de la mission, cf. ci-dessus
  • par le biais de la communauté :"Quand nous réfléchissons aux quelques cas de vocations qui ont trouvé leur place dans notre Province durant ces dernières années, il nous arrive souvent de dire "C’est la spiritualité du carmel qui l’a attiré ; mais c’est la communauté qui l’a séduit et retenu".

B ) A partir de cette enquête, que pointer plus précisément ?

I - une pastorale enracinée dans l’éveil à la foi
II- ...tout en "donnant à voir" des charismes

(Thérèse )

Hubert vient de dire qu’il a été sensible au déploiement de la Mission aux "couleurs d’un charisme", et cela à l’écoute des jeunes tels qu’ils sont, au point où ils en sont.
je reviendrais volontiers sur cet aspect de la pastorale des vocations.

I - Une pastorale enracinée dans l’éveil à la foi
Oui, les pratiques évoquées soulignent bien que :

- le premier enjeu, la première question qui se pose est bien celle d’un Eveil à la Foi... à une Foi personnelle.
Aider des jeunes à passer d’un intérêt pour "le religieux" à "une Foi chrétienne",
aider la rencontre d’un Dieu qui devient quelqu’un, Quelqu’un qui compte, qui séduit et qui appelle pour un envoi. Telle est bien la base d’une pastorale vocationnelle : éveiller à une Foi qui appelle à être indissociablement disciple et témoin.

L’une de vous écrit :
"Je leur dis souvent ’quel est ton Dieu ?’... Et s’il avait besoin de toi, aujourd’hui, pour manifester sa tendresse infinie pour tout homme, particulièrement le pauvre, le blessé de la vie, le laissé pour compte... ?"

Ce premier point souligne l’importance, dans toutes les propositions de ce qui touche l’éducation à la prière en même temps que de l’ouverture à la Mission, ici...et ailleurs. J’ai pointé avec intérêt combien bon nombre de propositions portaient bien ce double souci. L’enquête évoque des rassemblements européens, des séjours en d’autres pays où la congrégation est en mission... occasion pour des jeunes, de saisir des manières diverses de Vivre la foi, de faire Eglise. Vous les évoquez comme des moments "d’initiation" assez importants.

- Un éveil à la Foi "aux couleurs du charisme"
disait Hubert. Cet aspect m’a frappée et intéressée. Engagés avec d’autres dans l’évangélisation, mais porteurs de la grâce d’un charisme propre. Entre autres l’intérêt de projets éducatifs salésiens, lasalliens, ou autres, soucieux d’une pédagogie cohérente avec le charisme d’un Jean Bosco, d’un Jean-Baptiste de La Salle, etc.

- L’enquête évoque aussi des pédagogies spirituelles mises au service de la structuration humaine et chrétienne des jeunes (pédagogie ignatienne, de nombreuses fois citée, mais aussi école d’oraison carmélitaine...) Tout cela mis en œuvre par des religieux(ses) mais aussi par des laïcs touchés, nourris eux-mêmes par ces charismes et associés au niveau de l’évangélisation.

- Telle autre évoque comment "le Mystère du Saint Sacrement", auquel se réfère le charisme de son Institut, est invitation à chercher comment "donner à Dieu des Adorateurs" pour aujourd’hui

Ces quelques exemples - beaucoup d’autres pourraient être cités - parlent bien de charismes considérés, non pas comme des "en soi" - le charisme pour le charisme - mais comme une des manières propres de servir l’évangélisation. Vous êtes nombreux à dire "C’est le lieu premier de notre investissement, avec d’autres, en Eglise".

- Cependant l’enquête fait état d’initiatives plus "internes", plus en "circuit fermé"
Par exemple : une commission vocations d’un Institut organise, dans sa maison-mère, un temps fort pour des jeunes de l’après confirmation
Ou encore des rencontres de jeunes garçons et filles autour d’un thème sans précision d’objectif...
Je me suis dit : "Est-ce à nous, Congrégations, d’organiser cela ? Que cherche-t-on vraiment à travers de telles initiatives ?". Il me semble que certaines pratiques mériteraient une évaluation.

Une remarque :
Dans la réponse de deux communautés nouvelles, j’ai vu soulignée l’importance d’une proposition de formation pensée sur une longue durée cf. école de la Foi, année sabbatique. Je pense aussi à l’Année "Jeunesse Lumière", aux temps forts nombreux proposés par la communauté du Chemin neuf. Un atelier regardera ces pratiques. Je crois qu’il serait important, durant ces trois jours, de nous écouter sur ces points, de nous informer, de confronter.

II -" Donner à voir des charismes"

- L’enquête posait une question claire : "Comment présentez-vous le charisme de votre Institut à des jeunes ?" Michel vient d’évoquer différentes pratiques. A ce niveau l’enquête fait état de deux tendances.

- Il y a ceux pour qui le témoignage suffit
"Nous n’avons pas de procédures d’éveil des vocations."
"Nous pensons que c’est la qualité (ou non) de notre travail apostolique qui suscitera les vocations..."
Ou encore :
"Je n’ai jamais fait grand chose pour présenter le charisme de mon Institut à des jeunes, sauf répondre à telle ou telle question. Je redoute tout ce qui peut ressembler, de près ou de loin, à de la pub ou à des pressions."

Un autre ajoute :
"J’ai plutôt l’impression que les jeunes découvrent le charisme d’abord dans un compagnonnage, sur une durée, avec les Sœurs... et par leurs passages fréquents dans les communautés."
Compagnonnage évoqué aussi dans le cadre du travail :
"Le coude à coude du travail permet beaucoup de partage avec des jeunes. C’est possible à cause d’un vécu ensemble. On se découvre progressivement ; des liens se nouent peu à peu avec la communauté."

- Et puis il y a ceux qui proposent :
L’enquête fait état de deux types d’initiatives pour faire découvrir le charisme à des jeunes, mais aussi pour stimuler, renouveler le "goût d’appeler" dans nos propres communautés.

a) En direction des communautés
Pour ma part je suis très sensible à ce deuxième aspect. Dans bon nombre d’Instituts qui ont traversé une vraie"crise d’identité" une re-motivation du "Corps" s’impose.
"Pourquoi nous demander de changer, pour d’hypothétiques vocations ?" cri de l’une de nos frères qui rejoint celui de beaucoup d’autres.
Une congrégation écrit : "Si notre foi en notre charisme se renouvelle, nous ferons tout ce qui dépend de nous pour qu’il se communique." Oui, ne serait-ce pas inutile, voire dangereux, de risquer des propositions aux jeunes si une conviction n’habitait le "Corps" ?
L’enquête souligne d’ailleurs, très fort, combien c’est le souci des "Commissions Vocations" de faire avancer cette re-sensibilisation, aidées :

- tantôt par des "structures" (cf. correspondants-vocations dans chaque communauté, équipe-relais, antennes, etc.)

- tantôt par des Temps forts de congrégation

- tantôt par des moyens ponctuels : lettres aux communautés, grilles de réflexion, etc.

b) En direction des jeunes
L’enquête évoque de multiples propositions. Michel et Hubert les ont pointées. Il y aurait beaucoup à prendre, et à reprendre, de ce vécu si riche. Je me contenterai, ici, de réflexions porteuses chacune de questions qu’il nous sera bon, peut-être de reprendre ces jours-ci.

  • Lorsque nous invitons des jeunes à des fêtes de congrégation (engagements, anniversaires, etc.)
      • nous interrogeons-nous sur notre visée ; cela sert à quoi ? à qui ?
      • en quoi est-ce aidant pour les jeunes invités ?
      • Et quelles suites ? Avons-nous le souci des "lendemains de fête" ?

Il me semble important d’évaluer aussi, les différentes activités proposées (camps et autres...) et qui témoignent d’une grande créativité.

    • quel objectif visé ? quelle pédagogie ?
    • quelle mise en œuvre
    • entre nous seulement ou avec d’autres ?
    • savons-nous retirer une proposition si nous constatons que le besoin du jeune est ailleurs (attitude de gratuité) ?
      Je crois que cette session pourrait aider à un partage et provoquer, peut-être, plus de concertation à ce niveau.

L’enquête souligne l’importance "d’oser dire qui nous sommes", de chercher les mots pour le dire... des mots simples, qui ne fassent pas "jargon", etc.
Et elle évoque les nombreux dépliants, plaquettes, vidéos, etc. auxquels nous nous sommes risqués. Beaucoup d’initiatives intéressantes, nécessaires même ! Mais savons-nous, aussi, écouter ce que les autres nous renvoient, nous disent de notre charisme ? Savons-nous susciter des réactions ?

Cette question m’est venue en réalisant que sur les 120 réponses, 40 seulement apportent des éléments, invitant à présenter ce que nous faisons, à un groupe de notre choix. Et sur ces 40, la moitié environ s’est adressée à des gens "du sérail".
Pour ma part, je crois que le questionnement d’autres partenaires, en Eglise, mais aussi "à la frange", peut nous aider à avancer, à nous renouveler.

(Hubert )
A propos des communautés d’accueil : L’enquête fait état de 29 communautés de ce type. Il s’agit d’une réalité relativement neuve ; il est donc d’autant plus important de s’y rendre attentif. Un atelier sera d’ailleurs consacré à cette question.
Sans doute plaçons-nous sous cette dénomination de "communauté d’accueil" des réalités assez différentes. En ce qui concerne les initiatives prises par les religieux - pour des communautés qui peuvent d’ailleurs être mixtes - j’ai connaissance d’une douzaine de réalisations, trois à Paris ou en région parisienne et neuf en province.

Cinq points d’attention me paraissent nécessiter une vigilance particulière :

1 - Il est bon que l’objectif soit clair et, peut-être, de parler en termes de contrat. Un document écrit peut en préciser les termes : rythmes de vie de la communauté, rythmes de prière, partage des tâches, retraite annuelle, accompagnement personnel, coût de la chambre... Il est bon qu’un point soit fait régulièrement avec le responsable, sur la base de ce qui a été convenu en début d’année.

2 - Il me paraît nécessaire de vérifier que les personnes trouvent bien leur liberté dans ce cadre : maturation de leur recherche propre, prise d’initiatives, constitution du groupe avec ses jeux d’affinités et de conflits, circulation de la parole...

3 - Il me paraît souhaitable de favoriser une juste et saine tolérance ecclésiale ! Certains qui aspirent à une grande visibilité de l’Eglise, et du prêtre en particulier - du moins pour ce que je connais mieux - adopteront des comportements que d’autres récuseront. Il importe donc d’aider à relativiser ce qui doit l’être et à discerner les points qui engagent la communion.

4 - Il me paraît plus que souhaitable d’être clair sur la nature ecclésiale du service rendu. S’agit-il d’une initiative au service de toutes les vocations ? Et si c’est bien le cas, pourquoi ne pas imaginer qu’une concertation ait lieu - la plus large possible - avant que de telles initiatives soient prises ? Sur le plan apostolique, la concertation existe largement... mais en matière de vocations, il arrive que le "chacun pour soi" ait la vie dure !

5 - Un dernier point me semble requérir notre attention : je veux parler de la bonne santé des personnes qui assurent l’accompagnement de ce type de communauté. Le contexte de crise que nous connaissons bien rend la tâche difficile et délicate. Il importe qu’elles soient soutenues.

(Thérèse)
Enfin un autre point a retenu tout particulièrement mon attention : celui de l’accompagnement. On perçoit des différences :
- Au niveau de la conception même de cet accompagnement :
On parle d’accompagnement pour évoquer ce qui est plutôt de l’ordre de l’approfondissement spirituel. On confond "accompagnement" et "compagnonnage". D’où la nécessité d’éclairer entre nous, ici, cette notion même d’accompagnement visant à aider un discernement vocationnel.
- Au niveau des acteurs :
Est-ce une communauté ? Un accompagnateur "ami" ou "à distance" ?
Est-il opportun que des Maîtres ou Maîtresses de novices, des membres du Conseil accompagnent la recherche d’un jeune qui pense se diriger vers leur Institut ?
Oui, l’enquête soulève bien des questions sur ce point. Et le Service Diocésain des Vocations dans tout cela ?Un atelier regardera ces questions, mais il me semble qu’elles nous concernent vraiment tous et toutes.

(Hubert)
En écho aux propos de Thérèse, je voudrais souligner ce qui me paraît être de l’ordre de la problématique  : Pourquoi ? Parce qu’on revient de loin.

  • mise en cause profonde de la vie religieuse
  • crise de confiance
  • déstructuration des tissus ecclésiaux

et parce qu’il convient de pouvoir animer une saine pastorale des vocations, sans mauvaise conscience ni culpabilité latente (par peur plus ou moins consciente de tout ce qui pourrait ressembler à de la "récupération").
Reprendre les différents points que suppose toute pastorale des vocations :

éveil à la foi
structuration de la foi
ouverture à la mission
inscription dans une communauté
aux couleurs d’un charisme et d’une pédagogie

C - Quelle épreuve ?!

L’enquête évoque des pratiques. Mais elle énumère aussi des questions :
Le charisme peut-il être actif dans une congrégation vieillissante ?
Comment vivre la mission en "grand âge" ?
Est-ce raisonnable de chercher à accueillir les jeunes ?
Comment changer notre façon de vivre pour répondre aux besoins urgents de l’Eglise et des jeunes ?
Pourquoi changer et nous remettre en question en vue d’hypothétiques vocations ?
On n’ose pas appeler : quelle est notre peur profonde ?
Comment présenter la mission ? le témoignage ne suffit plus...
Nos vœux et notre sécurité dans un monde de précarité ?

Nous sommes éprouvés : la session nous invite à voir la vie religieuse apostolique sous l’image du funambule !

Les signes sont connus :

- des entrées rares ; et quand des gens se présentent, quelles fragilités !

- des départs en nombre

- le poids des responsabilités qui se concentre sur quelques-uns

- le sentiment de devenir de plus en plus archaïque, témoin d’un passé qui, s’il est évoqué, l’est au titre du folklore

- alors même que des questions de fond se posent gravement : quid de la pertinence du célibat ? de l’engagement à vie ?

- et que, pendant ce temps-là, des communautés nouvelles ou des congrégations nouvelles accueillent massivement.

Autant d’éléments qui pèsent lourd si on ne craint pas l’euphémisme ! Mais ce sont autant d’éléments dont on sent bien qu’ils ne sont pourtant pas le dernier mot des choses. Nous sommes conviés à la foi, à l’espérance, à avancer un peu comme Abraham, sans trop savoir où ça va. Il y a quelque chose de l’Exode dans la traversée qui est la nôtre aujourd’hui. L’épreuve, au sens de la traversée du désert.
Je voudrais me faire bien comprendre : ce ne sont ni pessimisme, ni désolation, ni morbidité qui me poussent à tenir ce langage. C’est simplement le désir, autant que c’est possible, d’appeler les choses par leur nom (tout en faisant mien ce mot attribué à Ben Gourion et que l’on rappelait récemment, lors des accords Israël-OLP : "Celui qui ne croit pas au miracle n’est pas réaliste" !).
La preuve que ce ne sont ni pessimisme, ni désolation, ni morbidité qui commandent ce propos ? Cette preuve m’est donnée par l’étonnante créativité dont vos réponses font état, Thérèse l’a souligné.

- en matière de lutte contre les formes de pauvreté que nous pouvons connaître,

- de présence aux hommes et aux femmes de ce temps, là où ils se trouvent (quartiers, associations, grands débats... dans le rural)

- de significations dont, malgré tout, nos communautés fraternelles et nos engagements sont porteurs.
Transparaissent, entre les lignes, des hommes et des femmes que le Christ a saisis et qui, au cœur même de l’épreuve, témoignent d’une joie et d’une liberté indéfectibles. Dans le désert, Dieu nourrit son peuple.

L’épreuve est là. Pour la vie religieuse mais aussi pour la foi et pour l’Eglise tout entière. Nous sommes conviés à une attitude pascale. En lisant l’enquête j’étais frappé de ce que certains charismes présentent des arêtes vives :

- des insertions très spécifiques : malades, tiers-monde, tel ou tel "milieu",

- rapport au judaïsme,

- ou bien les spiritualités marquées par une haute figure.
Mais il m’arrive de m’interroger sur l’avenir de tel ou tel charisme : qu’en reste-t-il quand les structures, hospitalières ou scolaires par exemple, qui en assuraient la visibilité ont disparu ? Reste-t-il une pédagogie spirituelle propre à structurer des personnalités dans la foi et dans un engagement de type religieux ?
Nul ne peut décider de sa propre mort. Cela qui est vrai des personnes l’est également de nos Instituts. Je plaide seulement pour que notre travail de ces jours-ci soit placé sous le signe du réalisme et de l’espérance, et finalement de la vérité. Il en va de la liberté à laquelle nous sommes promis à la suite du Christ.

Conclusion

(Thérèse)
Faudrait-il conclure ? Certainement pas !
Ces quelques réactions et réflexions se voulaient essentiellement "apéritives" ! Une manière de nous aider à entrer, tous ensemble, dans le vif du sujet.
En partageant et confrontant notre lecture de cette enquête, une double attitude a grandi en nous, une conviction qui est un fameux appel :

"attachement" et "détachement"

L’Esprit qui a conduit notre "Retour aux Sources" est à l’œuvre dans nos Instituts et il attend la réponse de notre conviction. Mais il veut creuser, en même temps, des cœurs livrés, détachés, ouverts à sa nouveauté.
Et c’est à Marc Leboucher que nous emprunterons le mot final, dans son récent ouvrage : "Les religieuses... des femmes d’Eglise se racontent".
Citant l’une d’elles, il écrit :
"L’avenir ne nous appartient pas...Nous n’avons pas à être devins... En revanche nous sommes appelés comme chrétiens, comme religieux, religieuses à être prophètes c’est-à-dire capables de déchiffrer le sens des événements présents..."
"C’est sans doute à ce prix, en étant inventifs, que nous pourrons susciter des nouveaux lieux de Mission et des vocations nouvelles pour y répondre."

"A l’heure où s’ouvrent des chemins nouveaux..." il est bon que nous soyons ici, tous ensemble. Il est bon que nous parlions sans crainte, comme des frères et sœurs heureux de vivre le charisme de leur institut et disponibles face à son a-venir."