Qui sont-ils, ces jeunes qui répondent à l’Appel


Agnès Hédon, religieuse du Cénacle, nous propose de recencer les traits dominants des jeunes qui, aujourd’hui, sont accompagnés en vue d’un discernement.

Beaucoup plus que le résultat de ma seule expérience, cet article est la synthèse des réponses données par huit religieuses du Cénacle engagées à divers titres dans l’accompagnement (retraites spirituelles, Service Diocésain des Vocations, aumôneries...) et que j’ai sollicitées en leur posant ces trois questions :

"Vous avez accompagné des jeunes qui ont choisi et réalisé leur choix. Pou- vez-vous exprimer :

- Qui sont ceux et celles qui ont répondu à un Appel ?

- Quels sont leurs traits caractéristiques (s’ils en ont) ?

- Sur quoi insister en accompagnement, face à ces jeunes ?"

1) Qui sont ceux et celles qui ont répondu à l’Appel ?

Nous parlerons ici de jeunes connus et accompagnés dans le cadre d’un Service des Vocations, en retraites de choix de vie ou lors d’un accompagnement spirituel.
Parmi ceux qui se posaient la question de la vie religieuse ou du sacerdoce, une petite moitié est effectivement entrée dans un séminaire, une congrégation, un monastère, un institut séculier ou dans une communauté nouvelle. Ne sont pas comptés dans ce calcul tous ceux et celles que la question traverse à un moment de leur cheminement et qui, pour autant, ne vont pas jusqu’à prendre les moyens d’engager une réponse, ainsi que ceux pour lesquels il est assez rapidement clair qu’ils cherchent tout simplement à orienter leur vie d’une manière plus évangélique.
A cette question : "Qui sont ceux qui ont répondu ?", une enquête sociologique répondrait avec précision. Nous n’avons pas de données de cet ordre et les jeunes que nous avons connus ne sont pas les jeunes mais des jeunes. D’après notre expérience, limitée pour ce qui est du nombre, mais variée quant aux zones géographiques en France et en Suisse, voici ce que nous observons :

  • Ces jeunes sont originaires de différents milieux, issus de familles nombreuses ou non, non pratiquantes ou très engagées dans l’Eglise. Ils ont des niveaux d’études très variés... Il n’y a donc pas de profil bien typé. (Il semble bien que l’Appel du Seigneur résonne très largement).
  • Les jeunes femmes sont souvent engagées dans des professions à caractère social ou médical ou dans l’enseignement, alors que du côté des jeunes hommes, la palette des professions ou études engagées est plus large.
    Une forte proportion fait partie d’un mouvement caritatif (SOS Jeunes, Equipes St Vincent, ATD...), d’autres sont dans des mouvements de jeunes (MEJ, Scoutisme, JOC...)
  • Plusieurs ont vécu une expérience d’entr’aide dans un pays du Tiers-Monde, en coopération, ou en lien avec une congrégation ou dans un organisme tel que Médecins sans frontières.
  • Les âges varient de 17 à 42 ans ! Aussi faut-il distinguer, parmi ceux qui ont répondu à un Appel :
      • les jeunes entre 17 et 22 ans : tout juste sortis du Bac ou étudiants,
      • les jeunes de 23 à 28 ans terminant des études longues ou ayant déjà une expérience professionnelle (ou une expérience de chômage !),
      • les "jeunes" entre 29 et 35 ans (parfois plus) dont l’histoire est déjà "lourde".

2) Quels sont leurs traits caractéristiques ?

Ces jeunes sont de leur génération : une "génération en mal d’héritage" (1), une génération "sans Histoire", ayant de grandes aspirations et beaucoup de nostalgies et de peurs, génération indécise, qui trouve refuge dans la famille (2). Ils viennent d’un monde marqué par l’individualisme, le pluralisme culturel et religieux, l’indifférence religieuse, le vide de repères, l’éclatement familial, la banalisation des relations sexuelles, le poids des enjeux planétaires, les fragilités psychologiques, la peur du chômage, la société de consommation... Ils en portent la marque, comme nous tous d’ailleurs, même s’ils contestent ce monde et parfois en ont peur.
Chacun est unique, fonceur ou timide, responsabilisé ou infantile, ayant une histoire douloureuse ou ordinaire, capable de décision ou instable et pourtant nous pouvons souligner quelques constantes ou accents qui, s’ils ne se retrouvent pas chez tous, sont suffisamment présents pour être des points de vigilance ou des points d’appuis pour ceux et celles qui les accompagnent dans cette étape de leur réponse à l’Appel :

Une certaine fragilité psychologique qui a deux "sources" : le monde du travail et la famille.
Nés en pleine société de consommation où théoriquement tout était facile, ils affrontent, à l’âge adulte, un avenir incertain pour lequel ils n’ont pas été préparés, une société qui ne les intègre pas dans le monde du travail (et ceci quelle que soit la longueur des études !). Ils sont au chômage avant d’avoir commencé à travailler, en sont réduits à de petits boulots précaires ou vivent leurs études en ne sachant pas si celles-ci leur seront utiles : un climat où domine l’instabilité et le provisoire ! Pas facile dans ces conditions de prendre des responsabilités aussi bien dans le monde professionnel, que dans une association ou dans l’Eglise : à quoi bon s’engager quelque part si tout peut être remis en cause du jour au lendemain ! Pas facile non plus d’envisager du définitif quand on a si peu de sécurités !
Ce contexte qui demande une bonne capacité d’adaptation peut être l’occasion d’une ouverture mais il constitue aussi une difficulté à "se fixer" comme à "se risquer" et donc à décider.
La famille est plus que jamais un pôle de référence, un refuge, alors même qu’elle est davantage (?) un lieu de fragilité psychologique. Plusieurs sont issus de familles monoparentales, d’autres ont connu des décès (après une longue maladie, un suicide...), pour d’autres, c’est le chômage d’un parent qui a pesé pendant des années... Ils partiront volontiers à l’autre bout de la planète mais ne manqueront pas de passer du temps gratuit en famille, quitte à prolonger un peu longuement une dépendance dont ils ne semblent pas souffrir mais qu’ils rechercheraient plutôt ! Là encore, la famille qui ne leur a pas épargné la souffrance peut être une chance pour affronter la vie mais elle constitue aussi un obstacle lorsqu’elle devient un cocon protecteur, mais étouffant, ou lorsque les blessures qui se sont constituées à travers les événements douloureux de l’entourage proche sont trop prégnantes.
Le contexte social et familial n’est donc pas toujours aidant. Il faut souvent un long temps de maturation pour aider ces jeunes à devenir des hommes et des femmes suffisamment structurés pour pouvoir poser des choix d’adulte qui engagent toute une vie. Ils ont acquis sur le plan professionnel des compétences et les moyens d’une réelle autonomie mais sont, en même temps, très démunis psychologiquement.

La prédominance du pôle affectif  : L’affectif joue un grand rôle dans un monde marqué par la technique, le rendement, l’efficacité... Ils ont besoin de gratuité et privilégient les relations en dehors du circuit du travail ou des études. Ils contestent à leur manière ce monde "sec". D’où l’importance des décisions "coup de cœur" aussi bien pour une destination de vacances ou pour la participation à tel ou tel groupe que pour le choix d’une congrégation ou d’un monastère ! Le critère "Je m’y sens bien", "Je m’y retrouve moi-même" risque d’être le seul déterminant quand ce n’est pas seulement l’enthousiasme qu’un ami a su faire partager ! Il s’agit donc de les aider à découvrir une vocation personnelle où la dimension affective ait sa place dans le discernement mais pas toute la place... pour un choix vraiment libre. Ce qui suppose que chacun soit capable de vivre par lui-même, dans une certaine autonomie et apprenne à gérer son affectivité.
Quand la dominante d’un engagement, de quelque ordre qu’il soit, est la charge émotionnelle, le retour à la vie ordinaire les laisse désemparés, parfois découragés, car l’acceptation d’un cheminement dans la durée, avec ses passages par l’obscurité, le combat, le désert émotionnel n’est pas facile. Et ceci se retrouve particulièrement dans la prière puisque nombre d’entre eux ont découvert ou redécouvert la foi dans un temps fort (camp, grand rassemblement, Taizé, etc...) où le climat était particulièrement porteur. La prédominance du pôle affectif se retrouve aussi dans leur goût pour les communautés chaleureuses, accueillantes...

L’importance du ponctuel  : Ils sont souvent très motivés par des actions ponctuelles, par exemple un pèlerinage, une action caritative dont les effets sont mesurables rapidement... Tout ce qui demande du temps leur est difficile. On peut invoquer, bien sûr, la société de consommation, le "tout, tout de suite" que véhicule cette société mais cela tient aussi aux deux points soulevés précédemment : le manque de maturité psychologique et le primat de l’affectif. Or la cohérence d’un choix ne se vérifie qu’à l’épreuve du temps !

Le désir d’expérimenter et de connaître avant de se décider. Un désir bien légitime mais qui soulève deux types de difficultés :
Si un jeune, manquant de repères objectifs, ne peut se fier qu’à son désir immédiat : "J’ai envie de vivre de telle façon", nul doute qu’il lui faille voir de près et même partager la vie du groupe. Mais c’est avec le risque de se déterminer sur des aspects secondaires, au lieu de situer le discernement au niveau d’un appel personnel, tenant compte de ce qu’il est profondément et de la possibilité d’y répondre dans telle ou telle communauté dont le charisme trouve un réel écho en lui. Avec le risque aussi de multiplier ces expériences sans parvenir à une décision et de les vivre finalement, plus ou moins consciemment, comme des échecs.
Beaucoup demandent à participer à la vie de telle ou telle communauté alors même qu’ils ne sont pas proches d’une décision. On constate donc un certain écart entre la demande du jeune au point où se situe sa recherche et ce que le groupe ou la communauté qui accueille comprend quand on lui demande d’ouvrir ses portes et de se laisser regarder. D’ou parfois quelques incompréhensions de part et d’autre mais aussi quelques décisions ou invitations un peu hâtives.

L’ouverture aux défavorisés, la sensibilité aux injustices, la vision internationale et même mondiale des événements.
Les actions, dans lesquelles ils s’engagent volontiers, concernent de façon privilégiée les handicapés, les personnes âgées, les milieux défavorisés, l’aide aux pays du Tiers-Monde ou de l’Est. Plusieurs ont consacré des vacances entières ou une année à l’Arche, chez Mère Teresa, dans un pays en voie de développement... Cette générosité leur est comme naturelle et c’est sans conteste un aspect très positif. Il faudra cependant vérifier s’il n’y a pas là une fuite du quotidien, la recherche d’un ailleurs que la vie "ordinaire" ne fournit pas... Reste qu’ils regardent, à juste titre, l’ouverture et la capacité d’accueil d’une communauté où d’un groupe aux blessés de la vie comme un signe authentique de vie évangélique.
Ils ont accès par les médias et par leur formation profane à une vision mondiale des problèmes ; celle-ci peut être écrasante, démobilisatrice ou au contraire susciter un sentiment d’urgence qui mobilise pour un projet d’envergure...

Une grande exigence d’authenticité : Ils sont très sensibles à la cohérence entre foi, paroles et actes, à la radicalité évangélique (en réaction sans doute devant une saturation matérielle, sexuelle...), à la nécessité d’être"vrai avec soi-même" ; ils souhaiteraient vivre l’Evangile avec audace, faire de leur vie une annonce claire et explicite et se disent prêts à des choix qui vont à contre courant du "monde" (style de vie, simplicité, partage des biens). Il y a là une soif authentique qui pourra s’enrichir par la suite d’humilité et de consentements à leurs propres limites et à celles des autres !
Globalement ils ne sont pas embarrassés par la peur du jugement d’autrui, ils sont demandeurs de visibilité plutôt que d’enfouissement, sans doute en partie pour se rassurer ou être rassurés par des structures extérieures.

Une grande soif spirituelle. Je place cette caractéristique en dernière position, non parce qu’elle serait secondaire - elle est celle qui apparaît d’emblée, et massivement, dans le type de rencontre qui est le nôtre avec eux - mais parce que nous ne devons pas oublier l’arrière fond humain au sein duquel elle surgit.
Ces jeunes mettent l’accent sur la prière sous diverses formes, apprécient les liturgies belles et priantes, ne sont pas rebutés par des formes "anciennes" de dévotion qui sont, pour beaucoup, une découverte récente.
Ils attendent de l’Eglise qu’elle leur offre des lieux de vie communautaire marqués par l’accueil, la fraternité, la convivialité, l’écoute, "lieux de pardon et de fête" (Jean Vanier), dans le respect des différences. Ils ont besoin d’éprouver un sentiment d’appartenance.
Ils pressentent bien que c’est dans une relation à Jésus-Christ qu’ils pourront se construire, s’unifier, trouver ou donner sens à leur vie.
Ils désirent annoncer l’Evangile.
Mais tout cela est souvent confus et mêlé de religieux "païen" qui s’explique précisément par ce qui a été dit plus haut. Beaucoup découvrent ou redécouvrent la foi en même temps qu’une vocation et, dans un monde dur, ils éprouvent le besoin de trouver des assurances à travers un certain merveilleux. Ils sont tentés d’échapper au lent travail de relecture, de réflexion et de discernement en court-circuitant les médiations humaines : ouvrir la Bible au hasard pour trouver une réponse, se laisser porter par un groupe où les "recettes" sont données avec force, où la foi est de l’ordre de l’évidence, accorder plus de crédit à celui qui vous dit là où Dieu vous veut plutôt qu’à l’accompagnateur qui aide patiemment à faire surgir le vrai désir...
Pour l’accompagnateur, il faut une grande vigilance pour ne pas devenir le "gourou" mais privilégier la rencontre de Jésus (Dieu incarné), pour les aider à s’appuyer sur une Parole qui n’est pas magique mais efficace, une Parole qui interpelle aujourd’hui déjà dans le quotidien. Il faut d’autant plus de vigilance qu’ils sont pleins de bonne volonté, généreux... et impatients de se donner au service du Seigneur !

Une certaine ignorance religieuse : Il y a un grand décalage entre leurs acquis intellectuels profanes et leur intelligence de la foi. Des pans entiers du credo sont inconnus. La catéchèse reçue leur a donné de "fréquenter" Jésus mais ils viennent d’un monde d’indifférence et sentent la difficulté à "rendre compte de l’espérance qui est en eux". Ils souhaiteraient avoir davantage de moyens pour affronter des discussions entre amis. Quand ils avancent dans leur recherche, ce souhait devient davantage un désir de croître dans la connaissance de Jésus-Christ et de son Eglise.

Une grande simplicité pour parler de leur recherche... Ils en parlent à tous ceux qui, d’après eux, peuvent les aider ; ceci explique le nombre assez important de personnes "intervenant" dans leur décision.

Un grand sérieux, lorsqu’ils ont entrepris un chemin de discernement avec un accompagnement régulier, dans une attitude de disponibilité, avec un grand désir de correspondre à l’appel du Seigneur.

Toutes ces caractéristiques (fragilité psychologique, primat de l’affectif et du ponctuel, besoin d’expérimenter, ouverture aux plus démunis, soif d’authenticité et soif spirituelle, ignorance religieuse, simplicité et sérieux) sont plus ou moins présentes pour chacun de ces jeunes, avec les marques propres à chaque âge où se pose la question d’un Appel :

  • entre 17 et 22 ans l’aspect "manque de maturité" affective, psychologique est plus prégnant avec aussi une générosité et une certaine impatience ;
  • entre 23 et 28 ans c’est la tranche d’âge qui accepte le plus facilement une démarche de discernement et un accompagnement ;
  • entre 29 et 34 ans beaucoup traînent en longueur, n’arrivant pas à prendre une décision, vivent difficilement un célibat non choisi, ont plus de mal à quitter profession, habitat, amis, famille, région. Ils ont déjà des habitudes et surtout ont traversé des expériences douloureuses, des échecs qu’il faut prendre le temps de gérer.

3) Sur quoi insister en accompagnement, face à ces jeunes ?

a) Sur la formation humaine c’est-à-dire prendre le temps de les aider à se structurer intérieurement. Et tout d’abord en faisant de l’accompagnement lui-même un lieu de croissance :

  • passer "contrat" avec le jeune, poser des exigences (heures de rendez-vous, préparation de la rencontre, régularité...) quitte à les re-discuter s’il le faut ;
  • faire des propositions concrètes (rythme de prière, temps fort spirituels, lectures, telle ou telle activité ou voyage, tel engagement...) ;
  • faire de l’accompagnement un lieu d’accueil et d’écoute chaleureuse où confiance et vérité puissent éclore.

La formation humaine pourra prendre ensuite différentes formes selon les manques que nous aurons pu constater. Voici quelques pistes :

  • leur apprendre à vivre une certaine solitude (alléger les agendas surchargés...), à être cohérent dans les relations avec l’autre sexe (un célibat chaste cela se prépare...), à trouver une juste autonomie par rapport à la famille et à établir un rapport sain au temps et au corps (nourriture, sommeil, sport, télé) ;
  • les aider à vivre de petits choix (journaliers) et à s’y tenir. Aider à l’apprentissage de décisions libres, c’est-à-dire des décisions priées, réfléchies, relues, confirmées ;
  • proposer, encourager, soutenir la prise de responsabilités et la durée dans les engagements pris en les aidant, par exemple, à dépasser des déceptions, à consentir aux limites humaines, les leurs et celles des autres.

Deux remarques à propos de la formation humaine :

  • L’Appel ne résonne pas de façon sélective mais les moyens de répondre à cet Appel varient en fonction de la possibilité qu’a eue la personne de se structurer intérieurement.
  • Il y a des "expériences" qui, même relues, assumées, confiées à la miséricorde de Dieu, devenues expériences de la réalité du salut en Jésus-Christ, restent des handicaps pour oser une décision à caractère durable et pour envisager une vie communautaire.

b) Sur l’articulation entre spirituel et humain, en d’autres termes, aider à trouver et à servir Dieu en toutes choses et faire émerger le vrai désir. Voici quelques moyens à adapter au point où chacun se trouve :

  • donner de la valeur au quotidien, par la pratique de la relecture priée de la journée ;
  • les aider à découvrir l’épaisseur humaine de leur vie, leur histoire sainte, par la relecture d’une tranche de vie, d’un stage (3)... afin de dégager déjà un faisceau de traits convergents, une cohérence propre à leur histoire ;
  • relire les événements, les choix ou errances qui les ont douloureusement blessés pour qu’ils deviennent aussi des lieux où ils font déjà ou feront l’expérience concrète du Salut ;
  • proposer des modèles d’hommes ou de femmes, croyants ou non, dont la vie et les œuvres sont capables de soulever des désirs, de susciter un élan mais qui soient des modèles accessibles, proches, concrets, "humains" (par des lectures, des témoignages, des rencontres, des films, des vies de saints bien insérés dans leur temps) ;
  • aider à passer d’un désir idéalisé à un projet concret, en les invitant à incarner leur idéal dès aujourd’hui dans la situation qui est la leur ;
  • apprendre à aimer ce monde, à le voir comme Dieu le voit : blessé, certes, mais sauvé et en marche vers le Royaume (inviter à trouver chaque jour autour de soi des signes du Royaume, inviter à diversifier ses sources d’informations) ; les aider à trouver ce qui les passionne, la part qu’ils veulent prendre dans ce monde.`

c) Sur la croissance d’une authentique vie spirituelle chrétienne. Cela pourra prendre différentes formes en fonction de l’histoire de chacun :

  • nourrir leur foi d’une image aussi juste que possible de Dieu : un "Dieu qui me veut du bien" et un Dieu qui s’incarne ! Il faut vérifier si le jeune reçoit l’Appel comme un "plus" à sa vie et non comme une mutilation... et donc "travailler" au niveau des images de Dieu (par le choix des textes d’Ecriture, par l’insistance sur l’action de grâce dans la relecture priée de la journée) ;
  • favoriser la connaissance intérieure et l’attachement au Christ (par la fréquentation des Evangiles, la mise en place, à un rythme régulier, de l’oraison avec un texte de l’Ecriture, par des lectures simples et savoureuses (4). Ils découvriront que l’appel du Christ est d’abord appel à vivre l’Evangile, un appel qui s’adresse à tous (et donc que l’appel à une vocation spécifique est une manière, parmi d’autres, de vivre concrètement cet appel fondamental lié au Baptême) ;
  • les préparer à vivre le combat spirituel en leur donnant, à l’occasion de ce qu’ils apportent comme événements de leur vie courante, des bases, des repères pour le discernement des esprits ;
  • favoriser l’attachement à l’Eglise, Corps du Christ et Peuple de Dieu ; encourager et parfois initier à la pratique des sacrements en particulier la réconciliation (et s’assurer qu’ils ont été confirmés !), veiller à ce qu’ils se rattachent à une communauté ecclésiale dont ils se sentent partie prenante, cultiver chez eux une attitude de respect, de solidarité, d’ouverture vis-à-vis de tout chrétien et de la hiérarchie (face aux soupçons et critiques des médias... ou des intégristes), aider à recevoir l’héritage chrétien (histoire de l’Eglise, Art, voyage à Rome, en Terre Sainte...) ;
  • ré-équilibrer niveau culturel et intelligence de la foi par une catéchèse adaptée à leur rythme de vie, à leur niveau d’études, à leurs lacunes (lectures, cours du soir, sessions, cycles de formation), une formation qui soit un "espace de sécurité libérant" afin de donner une assise à une foi qui serait trop affective ; une formation où ils trouvent des repères pour croire et agir. Les ouvrages d’éthique (je pense particulièrement aux ouvrages de X. Thévenot), peuvent être à la foi très structurants, dynamisants et libérants, permettant d’entrer dans l’intelligence des interdits, des normes et conseils que l’Eglise propose à ses membres. Ces lectures peuvent aussi être l’occasion d’échanges très profonds et vrais avec l’accompagnateur sur des aspects essentiels de leur vie.

d) Sur le discernement plus précis d’une vocation spécifique quand le terrain est prêt :

  • Faire raconter l’histoire de l’Appel. Ce peut être un attrait qui s’enracine loin dans l’enfance ou une idée qui a surgi à l’occasion d’une conversion ou reconversion, ou une interpellation entendue profondément... Il est important, pour celui qui accompagne, de pouvoir reconnaître, dans ce qui est absolument unique à chaque histoire, cette note de liberté, de goût, d’élan qui, d’une manière ou d’une autre, signe l’Appel, et de pouvoir entendre, au contraire, s’il y a fuite ou pression même inconsciente de l’entourage ou difficulté à assumer un célibat non choisi (le cap des 30 ans est important) ou une générosité mal orientée... Il est important aussi de pouvoir peser jusqu’à quel point un parcours humain par trop chaotique peut poser des problèmes pour une vie communautaire par exemple ;
  • proposer la participation à une équipe de partage dans le Service des Vocations de son diocèse où le jeune apprend à parler de lui, à nommer ce qu’il vit, ressent, désire, où il peut découvrir la réponse personnelle qu’il veut donner à l’Appel du Seigneur en se positionnant par rapport à d’autres qui ont d’autres désirs, où, enfin, il rencontre des témoins, découvre différentes façons de répondre à l’Appel ;
  • aider à trouver une ligne spirituelle (par des lectures, par la fréquentation de différentes spiritualités...) ;
  • et savoir proposer une retraite d’élection au bon moment !

Et du côté de l’accompagnateur... ! Nous devons garder présent à l’esprit qu’une vocation est toujours en devenir ; nous n’accompagnons qu’une étape de leur réponse à l’Appel (ils auront encore toute une vie pour incarner cette réponse). Et nous voudrions être signe qu’une personne peut, avec la grâce de Dieu, répondre à l’Appel du Christ et être heureuse au service du Seigneur dans la fidélité au choix fait.

Agnès Hédon

Notes :

1) Luc Pareydt, "Génération en mal d’héritage", supplément n° 7 aux "Cahiers pour croire aujourd’hui", 1992, Assas Editions [ Retour au Texte ]

2) Panorama n°254, novembre 1991 : "Les 20-30 ans ont pris la parole", 20 000 réponses à une enquête, analyse de Guy Lescanne. [ Retour au Texte ]

3) revue "Vocations 75...95", n° 73, 1er trimestre 1986, "Je te conduis par le chemin où tu marches" [ Retour au Texte ]

4) Eloi Leclerc, "Le Royaume caché", DDB 1987 [ Retour au Texte ]