Des choix d’enfants aux choix adultes, dans le Scoutisme


Christine Burtin, mère de trois enfants, est responsable de la branche "adolescents" des Scouts de France. Elle développe pour nous la pédagogie du choix dans ce mouvement éducatif.

La Charte des Scouts de France, proclamée lors des Journées Nationales de 1983, s’adresse aux adultes du mouvement et les invite à y adhérer. Cette Charte, dans sa partie qui aborde la "Mission", "reconnaît en tout homme une vocation unique à l’humanité" et continue en affirmant que "nous croyons que le Christ nous appelle à éclairer chez les jeunes des vocations uniques à l’humanité". La proposition éducative du scoutisme vise avant tout à permettre à chaque jeune de progresser, de se développer.
Chaque enfant, chaque jeune est unique, appelé à "une vocation unique à l’humanité". Il n’est donc pas question de tracer la même route pour tous. L’ambition du scoutisme est de l’accompagner dans la découverte et la construction de cette vocation. Toutefois, si chaque jeune se développe d’une manière "unique", il le fait dans le cadre d’un scoutisme qui lui propose un support, une aide, un soutien et un certain nombre de points de repère.

La loi : une invitation, un appel

En rédigeant la loi scoute, comme un appel à une vie plus évangélique, le Père Sevin, fondateur des Scouts de France en 1920, signifiait le pont qui existe entre le message chrétien et le scoutisme : une aventure commune dont le sens et l’ouverture nous viennent de Dieu. Une loi donc, non pas comme une barrière à franchir, un mur à passer, mais comme une "invitation", un appel.
Cette invitation a évolué avec le temps et l’expérience. En 1964, les mots, et non le sens, furent adaptés pour coller au plus près à une jeunesse et une société en mutation, en évolution. Loi qui s’approche, qui rejoint ceux pour lesquels elle est une règle, une référence dans leur vie.
Aujourd’hui la loi s’est faite proche du louveteau, de la louvette (8-12 ans) et du scout(e) (11-15 ans). Elle a pris la forme d’une Charte pour les pionniers et les pionnières (14-18 ans) et les Compagnons (17-21 ans). C’est sur ces textes, qui ont le même sens et la même base de départ, mais avec un vocabulaire adapté, qu’est proposé à chaque jeune le premier choix  : celui de faire sa promesse pour les plus jeunes ou de s’engager pour les plus vieux.
Ce premier choix, c’est une façon d’exprimer sa volonté, de donner sa "parole", et de s’inscrire dans la durée. Accepter d’être au commencement d’une grande aventure, d’une tranche de sa vie, c’est se mouiller, se mettre en route au sein de l’unité en la prenant à témoin.
L’engagement, la promesse n’ont de sens pour le garçon ou pour la fille que parce qu’il est prononcé librement, devant la sizaine, la patrouille ou l’équipe c’est-à-dire devant ses pairs ; garçons et filles se reconnaissant dans cet acte et par là-même soutenant, accompagnant fraternellement celui ou celle qui choisit de dire "OUI".
La meute, la troupe, le poste ou le relais sont les communautés dans lesquelles l’engagement, la promesse prennent tout leur sens. Le garçon ou la fille qui choisit de s’intégrer à ce groupe, choisit d’agir dans cette communauté, d’y être acteur, c’est-à-dire un homme ou une femme en marche et de prendre des risques qui vont remettre en cause sa tranquillité, son confort. S’engager, c’est prendre un pari sur l’avenir, c’est se projeter dans l’avenir. Ce "passage" de la promesse, cette cérémonie de l’engagement sont précédés par un temps d’observation (de quelques semaines à quelques mois), un temps de découverte ; le temps de prendre ses marques, ses repères, de voir ce qui se fait !
Le louveteau, la louvette sont à "l’affût", les scouts garçons ou filles, sont dans "le temps de l’accueil", les pionniers et les pionnières dans celui de "la découverte", et les Compagnons garçons et filles, dans le temps de l’adhésion. Dans l’action, aidé et accompagné par ses coéquipiers, l’enfant et le jeune découvrent les éléments de base (vie d’équipe, projet, loi, activités...) de la vie de groupe qui vont lui permettre de choisir, en connaissance de cause s’il reste ou non, s’il s’engage ou pas !
Lors de cet engagement, de cette promesse il est remis au louveteau, au scout un insigne, au pionnier une croix et au compagnon un médaillon. Ce signe lui rappelle durant son passage dans la branche, qu’il s’est engagé à vivre et à respecter la loi, la charte et à vivre en scout. Il devient, pour tous, celui sur lequel "on peut compter" !

Faire le choix de l’équipe

Les scouts se déplacent rarement seuls. A six ou sept, ils expérimentent la bande ou plutôt la patrouille ! Les scouts de France ont fait le choix de l’équipe, comme lieu de vie et de progression de l’enfant et du jeune. Dans cette équipe, cette patrouille ou cette sizaine, le garçon ou la fille, choisit de tenir un rôle, d’assurer une fonction qui le responsabilise, lui donne une vraie place. Chacun(e) a un rôle, une fonction qui permet au petit groupe qui se forme de s’organiser, de faire avancer le projet, l’action et de permettre la progression de chacun. C’est l’équipe, par les différentes personnes qui la composent et par la dynamique de discussions, de concertations, d’informations réciproques, qui permet le choix, l’expression des personnalités, des particularités. Richesse du partage, lorsque de la concertation surgit un projet qui fait l’unanimité. Richesse de la découverte lorsqu’émergent dans l’action, des talents cachés, des personnalités ignorées. Richesse de la rencontre lorsque l’équipe permet l’ouverture sur la prière, la recherche de Jésus-Christ.
L’apprentissage de la vie d’équipe est parfois long et difficile. Il faut souvent réajuster les éléments les uns aux autres, "rabouter" et expliquer. Les conseils, réunions de concertation, de décision et d’évaluation permettent à l’équipe de se redire les objectifs qu’elle s’est fixés, le sens de son action et la responsabilité que chacun occupe en son sein.
Pas de fort qui écrase le faible, pas de frustration ni de "m’as-tu vu" mais le rappel de la responsabilité de chacun à faire vivre l’équipe. L’équipe, la sizaine, la patrouille ont un style, une organisation, une dynamique et même un nom. Durant une année, sauf cas de réajustement, l’équipe est l’objet de tous les soins des équipiers. Si elle ne se porte pas bien, si elle traîne, si elle est mal organisée, ce n’est pas de la faute des autres, des chefs, mais des équipiers. L’équipe c’est aussi l’apprentissage de l’écoute, du partage et de la solidarité.
C’est aussi la conjugaison des efforts et des énergies ; celle des idées et de la créativité ; celle du partage de la Parole et de la prière ; celle de l’accompagnement dans une démarche sacramentelle d’un des équipiers. Bref, c’est un lieu où il fait bon vivre et se retrouver. Choisir l’équipe, c’est faire barrage au "chacun pour soi", c’est découvrir que ce que l’on pensait impossible à faire seul, l’équipe le rend possible.

Le Projet : une progression personnelle et communautaire

Les Scouts de France ont fait le choix du projet et de la progression personnelle par le projet. De l’enfant au jeune adulte, du Louveteau au Compagnon, les idées, les rêves s’expriment dans les projets.
La Chasse pour le louveteau ou la louvette, l’Aventure pour le ou la scout(e), l’Entreprise pour le pionnier ou la pionnière, le Projet pour le ou la compagnon sont autant de supports qui expriment tout un dynamisme, un développement, un imaginaire propices à l’action et par là-même à la progression personnelle et communautaire.
Projet choisi après discussions, concertations en équipe, en unité, qui tout au long de l’année, à un rythme correspondant à la tranche d’âge, tire en avant, mobilise les énergies, et se révèle être le "fil rouge" de l’unité. C’est lui qui va permettre à chacun(e) de développer son identité et toutes ses capacités pour les mettre au service des autres. C’est encore lui qui révèle en chacun(e) ses compétences, ses dons et les fait fructifier. Le projet donne au jeune et à l’enfant la pleine possibilité de ses moyens. Les adultes qui l’encadrent lui donnent les moyens d’aller jusqu’au bout et de réussir. C’est cette réussite qui développe chez l’enfant et le jeune, la "confiance" en lui dont il a tant besoin pour grandir.
Projet "entretenu" et "ravivé" chaque jour à la manière d’un feu, de peur qu’il ne s’éteigne et ne nous fasse moins grand, moins rayonnant, moins beau.
Projet porté comme un "trophée", résultat de la solidarité dans l’équipe, dans l’unité, de la progression et des découvertes des uns et des autres : Trophée qui ressemble à ces garçons et ces filles hommes et femmes de demain, qui choisissent d’être des "entrepreneurs", d’agir dans ce monde et d’y être des "bâtisseurs" ; qui choisissent dans les chantiers qu’ils entreprennent et les actions de développement qu’ils mènent partout dans le monde, de répondre à l’Appel de Jésus-Christ après sa résurrection : "Allez dans le monde entier. proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création". ou encore "Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à Moi que vous l’avez fait".
"Etre prêt" devise du scoutisme, c’est se mettre au service, dans sa vie de collégien, de travailleur, dans sa vie professionnelle, syndicale, familiale ou religieuse. C’est s’y préparer. Le projet permet l’expérimentation de techniques, de situations diverses augmentant pour chacun son capital technique et intellectuel. Par leur diversité, les lieux d’apprentissage, dans la nature ou en pleine cité, sont autant de champs d’expérience et d’expérimentation pour l’enfant ou le jeune.
Ces projets, cette devise "être prêt" disent bien l’éducation à l’ouverture et à la solidarité qui est faite dans toutes les branches du mouvement.
Les Scouts de France ont fait, en 1982, le choix de la co-éducation. Le choix d’éduquer ensemble les garçons et les filles des différentes tranches d’âge.
Partenaires dans le "jeu" de l’enfance, se découvrant différents et pourtant complémentaires à l’adolescence pour s’associer, égaux et solidaires, à l’âge adulte, le garçon et la fille font l’apprentissage de la co-éducation. Guidés, soutenus et éduqués par des adultes qui font le choix, en concertation avec les familles, d’être éducateurs d’enfants ou de jeunes, de témoigner de leurs engagements personnels, d’être ceux qui, ayant déjà avancé sur leur route, accompagnent l’enfant ou le jeune sur la sienne. Couples témoignant de leur engagement dans le mariage, séminaristes témoins de l’appel de Dieu à tout homme, adultes faisant le choix de l’accompagnement d’enfants ou de jeunes témoignant ainsi de la place qu’ils veulent leur donner, jeunes hommes et jeunes femmes choisissant d’être, un temps, au service des jeunes, des "accompagnateurs de rêve" ! "L’Engagement des adultes fonde la promesse des jeunes..." (Charte des Scouts de France).

Conduire le jeune vers ses engagements d’adulte

Dans l’action, le jeu, les discussions, les échanges qui jalonnent leurs activités, garçons et filles font le choix de la solidarité et de l’ouverture les uns par rapport aux autres. En s’épaulant, en enrichissant leurs points de vue de celui des autres, en acceptant le partage des tâches, en mettant de côté les a priori, les lieux communs, ils bousculent les conventions. Adolescents et jeunes adultes se découvrent prêts à être des hommes et des femmes dans le monde, insérés dans la société, attelés à la même tâche, oeuvrant à la même construction du Royaume et porteurs du même message de la Bonne Nouvelle.
Cela se réalise par l’expérience des choix faits ensemble, chacun donnant son point de vue ; par la confrontation des idées, chacun prenant celle de l’autre en comppte ; par la découverte de l’autre enrichissant par sa différence. Par cette expérience, les garçons et les filles se révèlent être des bâtisseurs de paix et de développement. Toutes ces possibilités de choix, d’engagement, de responsabilisation, de projets choisis, sont autant d’étapes qui conduisent l’enfant, puis le jeune vers ses engagements d’adulte.
Tous ces choix dont il a étayé sa vie rendent le jeune plus libre. La vie communautaire lui apprend à respecter les choix des autres et à s’y intéresser. Elle lui apprend à aimer l’autre dans sa différence. Le dépassement de soi, l’action menée jusqu’au bout, le projet réussi, l’amitié partagée, la solidarité renouvelée, développent en lui, en elle, la confiance dans ce qu’il ou elle entreprend, une attention aux autres et au monde qui l’entoure et l’envie de s’engager, le jour venu, dans la vie de la société.

Les Scouts de France ont fait le choix de la citoyenneté. "Etre un citoyen utile et heureux" sont les maîtres mots et les ambitions du scoutisme. Heureux parce que se sentant utile ; utile à soi-même en se donnant la possibilité d’agir, de choisir, d’avoir prise sur sa vie ; utile aux autres parce que toutes ces capacités développées, ces talents révélés peuvent être mis au service d’une communauté.
"Vous êtes la lumière du monde ... Quand on allume une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous le boisseau mais sur son support et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison" (Mat. 5, 14-16)
Utile parce que le rôle, la fonction qui lui est confiée ou qu’il a choisi de remplir est indispensable à la vie de l’équipe, de l’unité, du projet. Citoyen parce que choisissant de participer à la vie de la société. Le scout choisissant avec sa patrouille de faire un "atout" c’est-à-dire un service pour une association ou une communauté agit dans sa cité. La pionnière, avec son équipe, participant à la course Tiers-Monde du C.C.F.D. après avoir animé une soirée sur le thème du développement, agit dans la société. L’équipe Compagnon travaillant en partenaire avec une O.N.G. et faisant du soutien scolaire sur sa ville, agit dans la cité. Agir pour le développement, pour la paix c’est prendre sa part dans la mission qui lui est confiée. L’enfant et le jeune apprennent à choisir tout au long de leur vie scoute. Choisir de faire partie du "jeu" de la vie.

Christine Burtin


document annexe
LA CHARTE DES SCOUTS DE FRANCE

Le développement de l’homme

Nous voulons le développement de tout l’homme et de tous les hommes.

L’homme dans la pleine vérité de son existence. L’homme, homme et femme.
L’homme de toute l’humanité et l’homme dans son identité singulière et sa culture.
L’homme, personne et communauté.
L’homme dans son corps et l’homme dans son esprit.
L’homme du monde quotidien et l’homme dans son histoire.
Ce développement, croissance de l’humanité de l’homme, fonde les arts, les sciences et les techniques.
L’homme donne sens à toute croissance et à toute vie.
Nous voulons participer à cette tâche de notre temps.

l’éducation

Nous agissons pour ce développement par l’éducation.

Nous agissons pour que cette éducation de l’homme révèle la profondeur de son humanité et ne se réduise ni à des savoirs, ni à des loisirs.
Nous agissons avec les familles qui sont le premier lieu d’éducation.
Chacun est responsable de son développement.
Chacun se développe dans la solidarité.
Chacun est responsable de la croissance humaine de sa communauté.
Nous agissons avec les jeunes, pour notre libération mutuelle.
Nous agissons pour qu’ils soient, dans leur vie, des artisans de développement.

la mission

Nous croyons qu’agir pour ce développement est missionnaire.

Dieu s’est rendu présent sous la tente, faisant route avec son peuple, jeune et nomade.
Le Christ a planté sa tente parmi nous, s’unissant à tout homme.
L’Esprit construit une tente plus grande et plus parfaite, élargissant à tous les hommes la Rencontre de Dieu.
Nous croyons que l’homme est la route fondamentale de l’Eglise, Peuple de Dieu.
Nous croyons que Jésus-Christ est la route de tout homme.
Nous croyons que nos déserts et nos camps sont expérience de l’Esprit.
La mission reconnaît d’abord en tout homme une vocation unique à l’humanité.
Nous croyons que le Christ nous appelle pour éclairer, chez les jeunes, des vocations uniques à l’humanité.

l’engagement scout

Nous choisissons d’être responsables Scouts de France, associés dans un mouvement.

Nous choisissons l’équpe pour agir dans une communauté locale.
Nous choisissons en personnes libres, pour fonder les promesses des jeunes.
Dans la pleine connaissance de ses buts, principes et méthodes, nous choisissons le mouvement scout :

- une fraternité mondiale de volontaires,

- une rencontre des croyances spirituelles de l’homme,

- une éducation à la coopération et à la paix.

Dans l’Espérance chrétienne, nous choisissons le scoutisme catholique :

- un projet : le développement intégral de l’homme, image de Dieu,

- un service : l’Evangile sur les routes des jeunes et dans leurs camps,

- une mission : élargir nos tentes jusqu’à la Tente de Dieu.