Catéchèse et accompagnement


Anne Bayart
Sainte Jeanne d’Arc/Don Bosco, Mulhouse

Diocèse de Strasbourg

Des expériences formatrices

La préparation au Sacrement de la confirmation, n’est pas d’abord et avant tout un « rappel du catéchisme » ou un parcours intellectuel. Elle se base aussi sur d’autres éléments… tels que le silence, le temps, l’intériorité, la prière et la célébration chrétienne, la Parole et le partage de la Parole, la vie en équipe, le partage de vie, la relecture, l’accompagnement personnel, l’engagement sous toutes ses formes et la solidarité.

Il est en effet constaté que souvent, des jeunes n’ont jamais tenté telle ou telle expérience « vitale » parce qu’elle sort de leur cadre habituel. En bonne démarche chrétienne (comme en démarche éducative) il est impossible de décrire dans l’abstrait les expériences et les fruits qu’on peut en tirer. On ne peut que proposer le « faisons quelques pas ensemble, on en parlera après » ! D’où la nécessité de bien lier l’expérience et la reprise…

Le silence

Rester seul et dans un temps de silence un peu prolongé est impensable pour beaucoup : peur de se retrouver en face de soi-même, peur du vide, peur de l’ennui… Dans les rencontres, on n’hésitera pas à proposer de temps en temps un moment de silence et de solitude : dans la prière (même si les autres ne sont pas loin – mais en mettant une certaine distance entre les personnes), dans la nature (lors d’un temps-fort ou d’un week-end, dans sa chambre, le soir).

Pour être bien vécu, il est quelquefois nécessaire d’introduire ce temps et de donner à chacun des outils pour le vivre (textes bibliques, prières et poèmes, pistes de réflexion ou questions…). Quand le temps est plus long, il est même sécurisant de savoir qu’il est possible d’avoir recours à des adultes-ressource en cas de panique ou si des pensées trop « sombres » envahissent tel ou tel.
C’est aussi dans ces temps de silence et de solitude que peut être expérimentée l’intériorité.

L’intériorité

L’intériorité c’est un peu l’expérience du « je t’ai cherché de partout… et je t’ai trouvé au plus profond de moi. Dieu plus intérieur à moi que moi-même ! » Nous chantons : « car il habite nos silences et nos prières »… Sentir, goûter le fait que Dieu m’habite, que son Esprit me parle au cœur. Expérimenter que la vraie parole sort du silence : une parole mûrie, personnalisée, mise en perspective avec la Parole de Dieu…
Une capacité d’écoute de l’autre et du Tout-Autre en toute disponibilité, sans préjugés et sans idées toutes faites… Une expérience du « je » suis devant toi, « je » pense, « je » dis… loin du « on » ou du « nous pensons tous la même chose »…

Le temps

On est – c’est en tout cas ce qui se dit souvent – dans la civilisation du « tout tout de suite ». Faire l’expérience du temps, c’est rejoindre une expérience biblique : le temps de l’épreuve et du désert, le temps du salut, le temps de l’organisation du peuple, le temps de l’attente, le temps de la maturation, le temps de la mission… C’est rejoindre, bien sûr, une expérience profondément humaine : le temps de la croissance, le temps de la maturation personnelle, le temps des responsabilités, le temps de trouver des amis et de durer… le temps de la fidélité…

Le temps de la préparation est, en soi, éducatif, s’il n’est pas une manière de traîner en longueur. Il sera d’autant plus éducatif s’il est accompagné d’évaluations et de relectures : que s’est-il passé depuis la dernière fois, depuis le début ? Le temps qui s’est passé m’a fait avancer, grandir !

La prière

S’il est vrai que la prière est une relation d’amour, l’animateur ne peut faire plus que de conduire chacun jusque devant la porte où l’attend son bien-aimé et l’inviter à y entrer, seul, en toute confiance en refermant derrière lui la porte.

Encore faut-il oser indiquer la beauté de cette rencontre, y inviter et y inciter, y accompagner jusqu’au seuil et se retirer pour permettre la rencontre personnelle. Rien de pire que de parler à la place des jeunes, de leur servir « du prédigéré »…(ce qui n’empêche pas de donner des outils…). On fera, bien entendu, découvrir les différentes manières de prier.

La célébration chrétienne

Comme pour toute expérience, on ne remplacera jamais la démarche par une explication. Dans l’expérience de la célébration, les enjeux sont très importants et fortement liés à la confirmation. Il s’agit en effet de favoriser une expérience de communauté, une expérience d’Eglise. On n’est pas chrétien tout seul ; on a besoin de se retrouver avec d’autres pour exprimer sa foi, pour rendre grâce…

Dans toute célébration, il y a un rythme, une progression, des temps-forts et des temps faibles Par sa construction et son déroulement, c’est la célébration tout entière qui parle .

C’est évidemment l’Eucharistie qui est la célébration chrétienne par excellence. Mais, n’oublions pas qu’elle n’est pas la seule. Il est possible de faire découvrir « la Prière des Heures », en particulier dans une expérience monastique, de vivre des célébrations de la Parole, de faire jouer la symbolique dans les « para-liturgies »…

La Parole et le partage de la Parole

Quand on fait « le point zéro » sur la prière, avec des jeunes, ils disent souvent que la prière c’est « parler à Dieu ». On oublie que c’est toujours Dieu qui parle le premier !

Voilà une expérience vitale à mettre en œuvre… et pour y aider les jeunes, il est important de lire la Parole, non pas comme une « histoire » qu’ils connaissent déjà mais comme un récit où chacun est engagé.

Le partage de la Parole ne sera pas, alors, « une explication de texte » (le moins possible), mais un partage de « ce qui se joue en moi » à l’écoute de cette Parole. Qu’est-ce qui bouge, en moi, quand « la Parole fonctionne » ? Qu’est-ce que Dieu me dit ? (« je n’entends jamais Dieu me parler ! »), qu’est-ce que Jésus fait pour moi ? Comment je m’engage dans la réponse ?…

La vie en équipe

Quand on écoute les confirmands lors de leurs rencontres-bilan, à l’occasion de leur rencontre avec celui qui va leur conférer la confirmation ou dans leur lettre à l’évêque, on s’aperçoit que la vie en équipe, les réunions régulières, la discussion, la confrontation, l’accueil des différences, la vérité, l’amitié..., sont des éléments qui les auront marqués. Même si, de temps en temps, les rencontres auront paru lourdes, elles resteront pour eux un « cadeau ». La vie en équipe n’est donc pas seulement un « passage obligé », elle peut et doit être pensée comme un élément pédagogique d’avancée, de croissance et de maturation. Elle devra leur permettre d’expérimenter que la poursuite des rencontres, dans une équipe de jeunes (et de moins jeunes !) soutient la foi et réalise la communauté.

Le partage de vie

Un peu comme le partage de la Parole, il ne s’agit pas de « raconter sa vie » mais d’exprimer ce qui se passe en moi dans telle ou telle situation de vie : comment cet événement me touche ? Vers quoi il me conduit ? Comment Dieu me parle dans tel événement ?… En somme, comment je vis ma vie en enfant de Dieu, sous le regard d’un Père, dans les pas de Jésus, dans la force de l’Esprit ?…

La relecture

La relecture n’est pas une démarche facile, surtout avec les plus jeunes. Apprendre à repérer les passages de ma vie qui m’ont rempli de joie, de paix, les zones d’ombres et de ténèbres, les refus et les fermetures… et les remettre en lien avec d’autres moments où j’ai entendu les mêmes appels, répondu de la même manière, laissé traîner de la même manière… suppose attention personnelle (des traces écrites) et un vis-à-vis qui fait tout pour être témoin et rappel. Ce point est à mettre fortement en relation avec le suivant : « l’accompagnement personnel ».

L’accompagnement personnel

Beaucoup de jeunes se retrouvent seul pour vivre et pour décider et n’ont jamais la possibilité de rendre compte de ce qui les meut… Quelques rares fois, ils peuvent le faire avec un « copain » ou un « ami ». Malheureusement, le copain et l’ami sont dans les mêmes problématiques, n’ont pas toujours beaucoup de recul et peuvent même être complices. Surtout, ils n’ont pas la formation pour « accompagner » (être témoin et rappel – cf. plus haut). Les parents prennent peu de temps pour cet accompagnement et, de par leur position, sont « juge et partie »… A l’adolescence, on ne peut pas tout dire à ses parents !

Il est donc intéressant que le parcours de la confirmation permette cette expérience qui peut conduire un jeune jusqu’à un accompagnement spirituel régulier et en profondeur sur le chemin de sa maturation et des décisions de vie.

Dans le parcours de la confirmation, ce qui est dit plus loin pour les étapes et les reprises, mérite d’être exprimé par le jeune en face, en vis-à-vis d’un de ses animateurs (si ceux-ci ont suffisamment d’expérience). C’est, pour le jeune, une manière d’expérimenter que sa démarche, il ne la fait pas seul, il peut en rendre compte devant quelqu’un et qu’une certaine forme d’Eglise s’y vit : Dieu m’a donné cela : ensemble, nous en rendons grâce ! Dieu me demandait cela et je n’ai pas voulu entendre ! Je sentais qu’il fallait que… et…

Il n’est pas interdit, même, d’aller jusqu’à lier cette possibilité de rencontre au sacrement du pardon, expérimenté en vis-à-vis avec un prêtre… Il y aurait beaucoup à dire et beaucoup à expérimenter !

La démarche du sacrement de la Réconciliation

On sait, en effet, que les temps forts vécus avec des jeunes, favorisent et soutiennent la démarche personnelle vers le sacrement de la réconciliation. Permettre à un jeune de parler de ses blessures, de dire ses efforts avec ses réussites et ses échecs, de se réconcilier avec lui-même, avec la vie, avec son entourage et avec Dieu est un service à rendre, une expérience à vivre. Dans la préparation à la confirmation, aller jusqu’à entendre personnellement que Dieu nous aime, tel que nous sommes, qu’il nous relève et qu’il marchera toujours auprès de nous est fondamental.

L’engagement… et la solidarité

Tout le monde sait et dit que le jeune grandit quand on lui fait confiance et que la confiance s’expérimente par-dessus tout dans la prise de responsabilité.
Dans un parcours de confirmation, proposer de véritables responsabilités, si possible vécues avec d’autres chrétiens, au service des plus pauvres ou au service du groupe et savoir relire ces moments de responsabilités est une pédagogie de la maturation, une propédeutique à l’Eglise…

Savons-nous faire l’inventaire des engagements possibles, des témoins (ils aiment beaucoup les témoignages qui collent…) ?

Les témoins

Les jeunes sont marqués par les témoins authentiques, encore faut-il qu’ils ne soient pas trop « un idéal qui n’est pas pour moi » et qu’ils donnent vraiment envie de s’engager avec eux…, qu’ils sachent montrer aussi qu’il leur faut de temps en temps se relever et même reconnaître leurs erreurs…

L’équipe d’accompagnement

Pour garantir une bonne préparation des jeunes à la confirmation, il est important que l’équipe d’accompagnateurs puisse être constituée de manière réfléchie et cohérente.

On veut faire découvrir l’Eglise et la diversité des engagements dans l’Eglise… Que l’équipe d’animation soit diverse et représentative de visages différents (âge, situation, vocation…).

On veut favoriser l’approfondissement de la foi et le partage des expériences… Que l’équipe d’animation prenne le temps de partager sa foi, ses questions, ses expériences et puisse laisser transparaître aux jeunes le bonheur qu’elle a de partager, de confronter, de chercher ensemble…

On veut initier et accompagner les jeunes dans la prière et le silence, dans l’écoute de la Parole… Que l’équipe des accompagnateurs sache prendre du temps pour prier, célébrer, pour lire et méditer la Parole…

Il peut être très judicieux aussi de rencontrer d’autres groupes de préparation à la confirmation (surtout si le groupe est restreint ou si les animateurs sont peu nombreux). Ces rencontres permettraient de voir d’autres manières de faire, d’autres jeunes et d’autres animateurs et de croiser les pratiques…


Des jeunes accompagnateurs, pourquoi pas ?

Pour préparer ce témoignage, je m’inspire de ce que j’ai écrit en réponse à l’enquête proposée en vue des Assises. Il s’agit de l’expérience menée dans les paroisses Saint Jean Bosco et Sainte Jeanne d’Arc de Mulhouse depuis plus de 20 ans.

La confirmation fait suite à la profession de foi pour les jeunes motivés qui en expriment le désir. La démarche a lieu sur deux ans, après la profession de foi, sachant que la préparation directe de la célébration se fait sur les deux ou trois derniers mois. Les jeunes sont répartis en équipes, de 4 à 8 membres qui se réunissent tous les quinze jours ou toutes les semaines selon la demande des jeunes et les possibilités des animateurs.

Le groupe

Grâce à une tradition salésienne bien établie, les jeunes confirmés (16 ans) deviennent à leur tour animateurs des plus jeunes. Cette responsabilité s’exerce d’abord dans l’animation des week-ends et de la retraite de 4 jours (pendant les vacances de printemps) où ils apprennent de leurs aînés une certaine technique d’animation (veillées, temps de prière, temps d’accueil). Plus tard, ils accompagnent les équipes pendant ces différents temps-forts. Certains d’entre eux, enfin, accompagneront les équipes de jeunes dans leurs rencontres hebdomadaires ou bi-mensuelles. Ils commencent cette expérience à deux, et sont en relation régulière avec le responsable du groupe des jeunes (Jean-Noël Vivès jusqu’en juin, et moi-même).

Certains jeunes reviennent un an ou deux après leur confirmation, d’autres plus longtemps, parfois au-delà de 25 ans. Jusqu’à un passé récent, il existait un groupe de jeunes dans chacune des deux paroisses. Depuis deux ans les deux groupes ont fusionné, ce qui donne plus de vitalité à tous.

Le groupe des jeunes animateurs se retrouve de manière régulière, le plus souvent pour la préparation directe d’un week-end ou d’un temps-fort, mais aussi pour des temps conviviaux (repas, fêtes), ou pour travailler l’un ou l’autre point plus précis.

Un petit parcours est proposé aux plus jeunes, ceux qui viennent de vivre la confirmation. Ce parcours comporte une dimension d’animation et une dimension d’approfondissement de la foi. Les rencontres et week-ends d’animateurs sont aussi des temps de formation, en particulier grâce aux temps de bilans :

A la fin de chaque retraite ou week-end a lieu un temps d’évaluation (dit « bilan ») entre animateurs. C’est l’occasion de dire ce qui a bien marché, ce qui a posé question, ce qui serait à améliorer : dans le contenu proposé, dans les relations entre les jeunes, entre jeunes et animateurs, et entre animateurs. C’est un temps de parole libre à l’intérieur du groupe.

Chaque année a lieu un bilan où chacun peut dire comment il a vécu l’année, et à quoi il est prêt à s’engager pour la suite. Le moment est peu favorable car c’est la période des examens, mais cela prépare le terrain pour la suite. La réunion se termine par un repas auquel sont invités les nouveaux confirmés.

Les équipes

Les équipes sont animées par de jeunes aînés. Elles cheminent ensemble durant deux années scolaires. La première année est consacrée à la rencontre de témoins, ainsi qu’à des thèmes rejoignant la vie des jeunes. La seconde année est une préparation plus directe de la célébration : la messe, rôle et symboles de l’Esprit Saint, et la préparation directe de la célébration de confirmation.

Chances et limites

Limites

- Les jeunes animateurs aiment beaucoup se retrouver entre eux, et préparer des temps-forts. Cependant, peu s’engagent dans l’accompagnement des équipes qui demandent un investissement beaucoup plus grand, et une régularité qu’ils ont parfois du mal à assumer.

- Même s’ils savent que je peux les aider dans leur préparation, le contenu de leur proposition est parfois léger, souvent par manque de préparation. S’ils sont « bons » dans l’animation en général, le point faible est sans doute celui qu’on pourrait appeler « doctrinal ».

- Leur capacité à gérer un groupe parfois fragile. Certains ont de la difficulté à se laisser aider. C’est pour cela qu’une animation à deux est préférable, et c’est plus facile d’en parler ensuite.

Chances

- Etant donné le contexte socio-économique du quartier, c’est difficile de trouver des adultes à qui on pourrait demander ce type d’accompagnement.

- Leur énorme apport, c’est que les animateurs sont proches des plus jeunes, bien plus que nous, et leur donnent envie de s’engager à leur tour.

- Les temps d’évaluation et de bilan sont extrêmement formateurs, non seulement pour l’animation en cours, mais pour la structuration de leur vie de foi, et de leur vie de jeune « tout court ». Certains le redisent des années plus tard.

- L’expérience de faire partie d’un groupe, de construire ensemble des propositions pour des plus jeunes (retraites, week-ends, accompagnement des équipes), est très dynamisante pour tous. Même si eux n’emploieront pas ces mots-là, ils font une expérience réelle d’Eglise qui les enrichit et les construit. La visibilité de l’expérience suscite chez les plus jeunes le désir de les rejoindre et de vivre avec eux quelque chose de fort.

Pour terminer

Accompagner ce groupe de jeunes, cheminer avec eux, pas à pas, à leur pas, pouvoir constater l’évolution de leur vie de jeunes et de leur vie de foi, parfois sur de longues années, provoque en moi une joie très profonde dont je ne cesse de rendre grâce.