Familles et vocation contemplative


Quel est le rôle des familles dans l’éveil et l’accueil de vocations religieuses contemplatives ?

Ce sujet est difficile à traiter ; chaque vocation est "unique" dans son appel comme dans son cheminement et notre approche de cette réalité si fluctuante reste très limité.
Les points de vue qui suivent sont le résultat d’une petite enquête faite auprès de quelques monastères de sept Ordres différents et situés dans diverses régions de France

Sur 16 communautés contactées, 14 ont répondu à partir d’expériences qui touchent environ 80 jeunes au total.
Il y a tous les "cas"...depuis l’opposition familiale et la rupture, jusqu’à la famille qui prie pour qu’un de ses enfants soit religieuse. Mais plus de la moitié des vocations viennent de familles chrétiennes et pratiquantes. Un bon tiers de milieu indifférent. Le reste se partage entre l’incompréhension et l’hostilité plus ou moins prononcées qui s’atténuent souvent peu à peu, au fur et à mesure de l’"apprivoisement". Rares sont les cas où le dialogue reste bloqué.
Il se manifeste aussi une plus grande réticence pour une vocation contemplative, qui souffre encore de vieux clichés, que pour une vocation apostolique.
Dans l’ensemble, on note peu d’évolution depuis dix ans. Pour certaines, il semble cependant que les réactions soient moins négatives que dans les années 1968-80. il est vrai que bien des choses se sont assouplies, qui deviennent plus légitimement humaines. Il semble aussi qu’on ose davantage, dans certaines familles chrétiennes, parler "vocation" aux enfants. Ce qui est frappant aussi, c’est le nombre de couples engagés dans les S.D.V. et qui font beaucoup pour l’éveil des vocations, mais pas forcément auprès de leurs propres enfants !

Il serait peut-être intéressant de faire une étude sur l’évolution de la famille elle-même, souvent éclatée à l’heure actuelle ; d’où manque de repères et de structuration pour les jeunes. Un monastère écrit :
"La mise en réalisation de la vocation est parfois très liée à ce que la jeune a pu vivre en famille. C’est peut-être là que je note la plus grande modification dans les dix dernières années. Il semble que la mise en cause de la cellule familiale, sa réduction à la famille nucléaire où les relations sont chaleureuses mais peu variées (papa, maman, un ou deux enfants) - sa stabilité plus ou moins menacée par les divorces, les séparations - sa vie propre peu développée à cause des professions qui sortent les deux parents du lieu familial - le manque de relations profondes et vraies à cause de l’importance des médias, la télé à outrance...
Tout cela peut rendre plus difficile à une jeune l’entrée dans un type de vie contemplative où les relations sont diverses avec des personnes non choisies ; la stabilité nécessaire à l’ancrage profond dans la prière peut être ressentie comme un carcan...et même provoquer l’angoisse chez celles qui n’ont jamais connu le bonheur d’un foyer stable et uni ; quant à l’abnégation (si je puis me permettre ce mot à peu près inconnu aujourd’hui) que requiert nécessairement une vie commune évangélique, où ont-elles pu la voir en oeuvre si chacun fait du foyer un self-service où chacun se débrouille et vit de manière assez individualiste ? De même qu’est difficile aussi le passage des relations affectives très chaleureuses à la vie commune théologale avec des soeurs que vous n’avez pas choisies."

Un monastère remarque que la moitié de ses jeunes soeurs viennent de familles nombreuses (5, 7 ou 8 enfants).

On peut encore ajouter que dans la plupart des cas où l’accueil est d’abord hostile ou indifférent, il y a évolution :"si tu es heureuse, on accepte". La situation se détend souvent au moment de la profession solennelle, quand les parents constatent que la fille est bien à sa place et épanouie, la réticence peut même se changer en fierté ! Puis c’est la confiance vis-à-vis de la communauté et l’on se rend compte de l’importance de l’accueil des familles par nos monastères. Mais malgré cette confiance, les réactions peuvent être très diverses :

- le frère d’une moniale qui vient avec ses cinq enfants se dit prêt à en donner trois ou quatre au Seigneur, ne demandant que d’en garder une

- un autre couple avec deux petites filles ne cache pas sa crainte de la possibilité d’une vocation contemplative : "Tout, sauf cela !".

Peut-on conclure, avec un monastère, par cette comparaison :
"Un pommier peut être florissant en terre normande. Il portera des fruits magnifiques, grâce à son enracinement ancestral. Mais si je me promène dans les Alpes, je trouve à une altitude assez élevée, des pommiers de plein vent. On voit tout de suite qu’ils ont lutté contre le vent et les intempéries. Leur silhouette en est marquée. Pourra-t-on dire que leurs fruits seront moins beaux ? La vocation contemplative est un don de Dieu, comme toute vocation, mais un don spécialement marqué par la gratuité. D’abord du côté de l’appel, Dieu choisit qui Il veut. Elle est aussi, dans la réponse. Une moniale est façonnée sa vie durant, pétrie dans la main de Dieu qui connaît sa glaise. Le reste est l’affaire de la liberté et de la grâce
(Extrait de la revue "Appels" - diocèse de Lyon)