En C.R.V.


Intervention des responsables régionaux de la Pastorale familiale à la CRV. de Bordeaux, le 21 octobre 1992

Trois remarques  :

- Ce sont deux Services diocésains : et qui dit service suppose quelqu’un à servir et un "plat" à servir. Qu’en est-il au niveau du Service des Vocations ? Difficile à dire pour nous autres. Mais ce que nous pouvons dire, c’est la difficulté que nous avons à nous situer en tant que Service Diocésain de Pastorale familiale. Il faut inventer, proposer, "vendre"... Ce n’est pas une demande à la base qui nous entraîne, mais beaucoup plus un désir de donner à la famille sa place dans une pastorale diocésaine. l’impulsion est trop souvent donnée d’en haut et pas assez sollicitée d’en bas.

- Ce que nous constatons, et notre présence ici le manifeste, c’est le décloisonnement qu’il nous faut vivre de plus en plus dans nos Services Diocésains. Chacun fait ce qu’il peut, comme il peut, mais il y aurait une plate-forme d’ensemble à trouver qui permettrait à tous les services d’investir ensemble de temps en temps et non plus d’avancer au coup par coup. Petit détail non négligeable : le coût de fonctionnement de chaque Service, le poids du courrier reçu par les curés tous les mois...

- Quelle communication est possible avec la base : il y a afflux d’informations qui arrivent au niveau des paroisses, groupes, mouvements, aumôneries... Pas toujours évident pour les personnes à la base de donner toute leur place aux propositions qui leur viennent des Services.

Ceci dit, voyons comment nous nous situons en tant que Pastorale Familiale.
1) Ce qu’elle rassemble : les différents mouvements
2) Ce qu’elle est ou voudrait être :

Communion,
Communication,
Information,
Impulsion.

3) Ce qu’elle vit réellement : différent selon les diocèses.

Quelques convictions  :
1) Elargir la notion de vocation au mariage
On a trop souvent l’idée que la vocation ne concerne que les prêtres, religieux ou religieuses. Et l’on oublie qu’à la base du mariage, il y a un appel reçu par deux personnes pour fonder une communauté de vie à la suite de Jésus-Christ.
Ceci est valable autant au niveau de nos Services de Pastorale familiale qu’au niveau d’une certaine présentation des vocations dans l’Eglise dans les Services des Vocations.

Le mariage est aussi un appel et qui dit appel dit deux aspects complémentaires : il y a quelqu’un qui appelle et cela par l’intermédiaire de l’Eglise et quelqu’un qui envoie. Cela ne semble pas assez souligné actuellement. Comme bien des sacrements, il y a une privatisation du mariage : c’est l’affaire de deux personnes avec leur histoire propre, plus que l’affaire d’une Eglise en marche dans la vie du monde au travers de ses baptisés.

2) La vocation prend la totalité de l’être
Cela semble évident dans la vocation sacerdotale ou religieuse. Mais c’est plus difficile à percevoir dans la présentation du mariage.
Un des points importants qui nous travaille actuellement, c’est la préparation au mariage. S’il est vrai que pour préparer un homme ou une femme à la vocation religieuse ou sacerdotale il faut des années entières, nous nous rendons compte qu’il n’y a rien de pareil pour la préparation au mariage. L’on se contente de bien peu pour un engagement tout aussi important qui engage une vie et dont dépend tout autant la vie de l’Eglise. Et en même temps, l’on ne saurait demander 5 ans de préparation au mariage. Ce qu’a été pendant longtemps la période des fiançailles pour des jeunes n’a pas trouvé son équivalent.

3) Quelques points importants pour l’éveil aux vocations spécifiques
Il ne peut y avoir d’éveil à une vocation que s’il y a une intériorité chez l’enfant. Il ne s’agit pas tant de favoriser une intimité avec Dieu. Il s’agit davantage de permettre à la personne de découvrir cette zone profonde de son être d’où peut jaillir tout appel. La vocation jaillit d’en bas.
Nous nous heurtons aussi à une certaine mort du désir chez les personnes. Chacun essayant de se donner ce dont il a besoin, immédiatement, on perd la notion de temps, d’attente. Nous le voyons bien dans les domaines de la vie d’aujourd’hui, par exemple au niveau de la cohabitation avant le mariage. Les enfants font de nombreuses demandes que les parents essayent de satisfaire ou qu’ils refusent tout d’un bloc. Résultat, les enfants ne savent plus ce qu’est le désir et à plus forte raison le désir de Dieu.
Autre aspect important pour que naisse et grandisse une vocation : la gratuité. A force d’avancer dans la vie avec la règle du donnant-donnant, ou du "combien je te dois ?", les enfants comme les adultes perdent le sens de la gratuité. Or que ce soit au niveau de l’amour conjugal ou d’une vocation spécifique, la gratuité reste un des éléments essentiels.
Les familles ont à faire un grand travail d’éducation sur ces trois aspects importants.

Constat de résistances :
Ce que nous notons aussi, ce sont les résistances qui existent de la part des parents ou des personnes devant la vocation sacerdotale ou religieuse, et nous pourrions ajouter devant la vraie vocation au mariage.
Elles sont de toutes sortes

- Le statut du prêtre surtout du prêtre diocésain est bien mal défini. Prêtre pour quoi faire ou pour quoi être ? L’évolution de la société actuelle est telle que le prêtre est mal "connu", mal "perçu" par les gens. Quelle est sa rentabilité ? Quelle est sa place dans la vie du monde moderne ?

- Lié à cela, le prêtre apparaît toujours comme quelqu’un qui court après le temps : il ne vit qu’avec son agenda ! Et s’il fut un temps où le prêtre prenait le temps de rencontrer les gens, de partager la vie d’un village ou d’un quartier, il apparaît aujourd’hui dépassé. Il est plus l’homme d’une institution qu’il fait vivre comme il peut et souvent avec beaucoup de dévouement que l’homme d’une vie réelle. Il apparaît donc plus l’homme auquel on fait appel à certains moments de sa vie (baptême, mariage, décès...) que l’homme de Dieu, le témoin d’un appel à une vie communautaire au service du monde.

- C’est vrai que cela est aussi lié à l’individualisme sécrété par notre monde qui n’aide guère les personnes à se sentir concernées par la vie du monde. Et si l’on parle de crise des vocations, il serait plus juste de parler de crise de l’engagement à quelque niveau de la société où nous nous situons.

- Il y a aussi cette peur de l’avenir que nous retrouvons chez beaucoup de gens ; peur de l’avenir dans un double sens : avenir lié à la fidélité, au célibat, avenir lié à l’Eglise de demain. Y aura-t-il encore des chrétiens demain ?
D’autre part, dans une société où la promotion tient une grande place, quelle promotion peut-on trouver dans cette voie ?
De même, dans une société où ce que l’on a, ce que l’on gagne, ce que l’on fait, est la mesure d’un homme, le prêtre apparaît comme une bête curieuse qui marche à contre courant. Il y a une certaine image du prêtre ancrée dans la tête des gens : c’est celle du prêtre "pauvre", "dépendant", qui vit tant bien que mal, et surtout de la charité des gens ! Et peut-on dire que les prêtres d’aujourd’hui se détachent eux-mêmes facilement de cette image ?

- Enfin, il faut signaler le déplacement qui s’est effectué quant au rôle du prêtre : la société civile a mis en place bien des structures qui autrefois étaient l’apanage de l’Eglise : charité, conseils de toutes sortes, loisirs comme patronages... Nous ne pouvons le regretter, mais cela a conduit le prêtre à être renvoyé dans sa sacristie. Et malheureusement, quelques-uns ne s’y trouvent pas si mal que ça !

Questions
Les Services des Vocations font-ils une recherche sur ce statut du prêtre ? En tant que Pastorale familiale, cela nous semblerait une priorité. Prêtre, mais pour quoi être, pour quoi vivre ? Religieux(se), mais dans quel but ?
Il me semble me souvenir qu’il y a quelques années, un travail a été effectué sur la paroisse : quelle paroisse pour demain ? Aujourd’hui l’accent semble être mis sur l’Evangélisation. Mais pour qu’une telle mission puisse se réaliser, ne faudrait-il pas mener une réflexion sur l’importance de la communion de la communauté comme base à toute évangélisation ? En disant cela, il nous semble qu’il y a tout un travail à faire sur la FAMILLE comme communauté d’Eglise envoyée dans le monde.

Autres résistances
La précarité dans laquelle vivent bien des familles est source de bien des hésitations dans nombre de domaines de leur vie. Tout engagement définitif fait peur. Résultat, "on fait moins d’enfants", on hésite à aller jusqu’au bout de la grossesse,. On s’engage peu, et par voie de conséquence, il y a moins de "matière première" pour les vocations spécifiques dans l’Eglise. On ne saurait voir d’un bon oeil que "l’héritier" abandonne la pérennité de la famille.

En terminant sur ces résistances que nous notons aujourd’hui quant aux obstacles que peut rencontrer l’éveil aux vocations, je voudrais signaler aussi cette impression donnée par le "corps sacerdotal" : que de réflexions entendues sur ce que vous appelez la "CONVIVIALITE SACERDOTALE". On se demande parfois si les prêtres s’aiment entre eux.

Alors se pose la question : mais quel travail faire aujourd’hui entre Pastorale familiale et Pastorale des Vocations ?

- Il y a tout d’abord à noter l’importance des grands parents dans leur relation aux enfants. Un contact avec la "Vie Montante" serait nécessaire.

- Il y a aussi la catéchèse des enfants : une présentation de la vie chrétienne comme réponse à un APPEL de Dieu devrait être encore mieux réalisée, en insistant sur le mariage comme vocation.`

- Il y a à développer ces lieux où les jeunes peuvent s’éveiller à une vocation : camps, pélé, aumôneries...

- Pour notre part, au niveau de la pastorale familiale, il y aurait tout un travail à faire avec les mouvements de foyers : END, Cana, Amour et Vérité...pour mettre les familles en face de leur responsabilité quant à l’appel aux vocations spécifiques.

- Comme exprimé en commençant, des rencontres diocésaines entre les différents Services, surtout Pastorale familiale, Pastorale des Vocations, Pastorale des Jeunes et catéchèse sembleraient indispensables pour avancer et établir des activités communes sur le plan local et une réflexion sur l’éveil à toutes les formes de vocations.