Une lecture de Pastores dabo vobis


Voici la présentation de la lettre Pastores dabo vobis proposée par Mgr Gaston Poulain, Evêque de Périgueux, et président de la Commission épiscopale du clergé et des séminaires.

L’exhortation apostolique post-synodale "Pastores dabo vobis" est un message adressé par Jean-Paul II au "coeur" de tous les fidèles, en particulier aux prêtres et à tous ceux qui sont engagés dans le ministère de leur formation.
Elle est aussi une somme doctrinale, spirituelle et pastorale : elle présente le ministère et la vie des prêtres dans l’Eglise qui évangélise notre monde et elle propose des orientations fondamentales pour la formation initiale et permanente des prêtres.
Je soulignerai les insistances majeures du document. Que ce soit une invitation à le travailler ; nous y percevrons des appels significatifs pour les communautés chrétiennes, et pas seulement pour les responsables de la formation des prêtres.

Un horizon pastoral et missionnaire

A la suite du synode, en fidélité à ses orientations, Jean Paul II situe le ministère des prêtres et leur formation "face aux défis de la fin du second millénaire".
Il s’agit de la place du Sacerdoce pastoral dans l’Eglise qui a mission d’annoncer l’Evangile. Les dynamismes et les espoirs qui travaillent notre monde sont esquissés ; les ombres et les lumières à l’horizon de l’an 2000 sont manifestées. Chez les jeunes, on reconnaît les résistances à l’Evangile et à la vocation sacerdotale, mais aussi des richesses, des soifs et des ouvertures, "avec la force et la fraîcheur de leur âge".
Le pape appelle à un discernement évangélique qui permettra de répondre à la question : "Comment former des prêtres qui soient à la hauteur des circonstances actuelles, capables d’évangéliser le monde d’aujourd’hui ?"
Sur ce terrain aussi l’Eglise est capable d’affronter les défis de cette nouvelle ère de notre Histoire.

Des pasteurs pour cette Eglise qui évangélise

Avec le Synode, Jean Paul II éclaire l’identité du prêtre à partir d’une "contemplation" du Mystère de Jésus-Christ, et dans cette même lumière il développe les conséquences pour la formation sacerdotale. L’identité chrétienne et aussi l’identité du prêtre et de son ministère se révèlent à l’intérieur de l’Eglise "mystère de communion trinitaire en tension missionnaire".
La référence au Christ est la clef nécessaire pour comprendre le Sacerdoce pastoral : référence à Jésus-Christ Serviteur, consacré et envoyé "porter la bonne nouvelle aux pauvres", à Jésus-Christ Tête et Pasteur. Les prêtres participent à l’onction et à la mission de Jésus-Christ. Les prêtres font de l’Eglise "une communauté annonciatrice et témoin de l’Evangile"
A la source du ministère du prêtre, il y a l’appel et l’institution des Douze. Par le don de l’Esprit et l’imposition des mains, des hommes sont appelés et habilités à continuer le ministère apostolique, à prolonger la mission du Christ ressuscité qui les a envoyés à tous les hommes de tous les temps.
Défini par cette relation à Jésus-Christ, Pasteur et Serviteur, en référence à la mission des Apôtres, le Sacerdoce pastoral apparaît essentiellement apostolique et missionnaire.
Reprenant les affirmations du Concile Vatican II, Jean-Paul II rappelle aux prêtres que leur mission est "d’ampleur universelle", qu’ils exercent leur ministère "animés d’un profond esprit missionnaire, d’un esprit vraiment catholique".
"Hommes de la communion, qu’ils soient des hommes de la Mission et du dialogue"
, attentifs tout spécialement aux pauvres et aux plus faibles. L’identité du prêtres est exprimée avec force dans la perspective de la mission d’évangélisation.. En collaboration nécessaire avec les laïcs, les prêtres de l’an 2000 sont en vérité les hommes de l’Evangélisation.

Appelés à la sainteté, des hommes évangéliques

Avec tous les baptisés, les pasteurs sont appelés à la sainteté de tous ; ils le sont aussi spécifiquement en tant que prêtres, au titre de leur ordination. La vie spirituelle des prêtres est fondée dans la configuration à Jésus-Christ Pasteur et Serviteur. Elle trouve son unité dans la charité pastorale.
A partir de cet amour pastoral, le rapport entre la vie spirituelle et l’exercice du ministère est explicité. On retrouve les accents du décret conciliaire sur le ministère et la vie des prêtres. L’exhortation manifeste ce rapport intime entre la vie spirituelle, les exigences et les conditions du triple ministère sacerdotal : service de la Parole, célébration des Sacrements et service de la Communion.
Nous accueillons, ardemment proposée par les Pères du Synode, l’invitation à une vie évangélique, à l’obéissance "apostolique", avec son exigence communautaire, au célibat consacré "à cause du Règne de Dieu", "signe et stimulant de la charité pastorale", à la pauvreté évangélique pour une disponibilité missionnaire.
Comme au Synode lui-même, le célibat sacerdotal est affirmé et reconnu : il est un don de Dieu inestimable pour l’Eglise "signe de l’amour de Dieu envers ce monde, ainsi que de l’amour sans partage du prêtre envers Dieu et le peuple de Dieu". La volonté de l’Eglise en ce domaine est motivée, précise le pape, "dans le lien du célibat avec l’Ordination sacrée qui configure le prêtre à Jésus-Christ Tête et Epoux de l’Eglise".
Le choix évangélique du célibat apparaît ici en cohérence étroite avec l’insistance sur la configuration à Jésus Pasteur. C’est une invitation au "radicalisme évangélique" qui est faite aux serviteurs de l’Evangile, à ceux qui ont à agir "au nom et en la personne du Christ lui-même".
C’est dans le contexte de l’appel à la sainteté que sont situés l’appartenance et le dévouement à l’Eglise particulière. Les composantes d’une spiritualité du prêtre diocésain sont évoqués ici : relation à l’évêque, insertion dans le presbyterium, service d’un peuple et ouverture universelle...

"L’Evangile de la Vocation"

La question de la vocation apparaît comme essentielle à toute la pastorale de l’Eglise, "Assemblée des appelés". C’est à partir de la vocation chrétienne qu’est située la vocation sacerdotale.
Dans la lumière de l’Ecriture, la vocation est présentée comme l’histoire "d’un ineffable dialogue entre Dieu et l’homme". C’est le dialogue entre "l’amour de Dieu qui appelle et la liberté de l’homme qui, dans l’amour, répond à Dieu". La liberté est essentielle à la vocation.
L’exhortation rappelle les conditions d’une réponse libre. Plus précisément, elle définit une pastorale des vocations, et affirme la responsabilité de tous dans l’éveil et le soutien des vocations. Une place particulière est accordée aux prêtres et à la famille dans le développement des vocations sacerdotales.
"C’est un problème vital qui est au coeur même de l’Eglise". Il est "au centre de l’amour de tout chrétien pour l’Eglise".

La formation des candidats au sacerdoce :

"Vivre à la suite du Christ comme les Apôtres". "Il en institua Douze pour être ses compagnons". C’est dans la lumière de l’appel des Apôtres engagés à la suite de Jésus qu’est présentée la formation initiale.
Cette lumière est projetée sur tous les aspects de la formation : humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale. On remarquera la cohérence du propos : il s’agit bien de faire "des prêtres à la manière des Apôtres."

Les exigences d’une formation humaine sont marquées avec précision dans le contexte culturel de ce temps : maturité affective, éducation de la sexualité, formation spécifique au célibat, à la liberté et à la responsabilité.

La formation spirituelle, c’est l’éducation "d’une vie intimement unie à Jésus-Christ" ; les moyens habituels sont rappelés : prière, écoute de la parole de Dieu, vie sacramentelle (Eucharistie et Pénitence), et aussi "apprendre à chercher le Christ dans les hommes" ; il s’agit d’initier à la charité pastorale.

Pour la formation intellectuelle, les exigences particulières de notre temps sont prises en compte : des urgences sont manifestées dont doit tenir compte la Ratio des études, en philosophie, en théologie, au niveau des sciences de l’homme, et dans une perspective d’évangélisation des cultures ...

Quant à la formation pastorale, elle apparaît comme une initiation à la charité de Jésus-Christ, le Bon Pasteur. Elle comporte aussi l’acquisition d’une compétence pastorale. Elle suppose des exercices pratiques, des "expériences pastorales", "un vrai noviciat pastoral" à organiser et à évaluer. La formation à la collaboration avec les laïcs s’impose de façon toute particulière.La formation est bien reliée à la vie de l’Eglise locale, avec la participation de pasteurs expérimentés, et celle de laïcs, hommes et femmes.

C’est vraiment la finalité pastorale qui unifie et spécifie toute la formation des futurs prêtres.

"Le Grand séminaire, communauté ecclésiale éducative".

Le séminaire est une expérience exigeante de la vie de l’Eglise. Sa nature profonde est d’être à sa manière une continuation dans l’Eglise "de la Communauté apostolique groupée autour de Jésus".Il n’en est pas moins institution humaine qui a connu dans l’histoire des formes diverses.
Un esprit apostolique, un régime de vie, une vie communautaire, un temps et un lieu, des programmes, bref, une véritable charte des séminaires est définie.
La finalité de la formation, ses objectifs et ses moyens, sont ré-exprimés selon le décret Optatam totius de Vatican II sur la formation sacerdotale.
Des affirmations très fortes caractérisent le Séminaire, qui n’est pas simple lieu d’habitation et d’étude, mais il doit être considéré "comme une communauté spécifiquement ecclésiale, une communauté qui revive l’expérience des Douze unis à Jésus". Monsieur Olier, fondateur de Saint Sulpice, l’appelait "Collège apostolique", "Maison apostolique".
La responsabilité de l’évêque est affirmée, il est "le premier représentant du Christ" dans la formation sacerdotale. Unis à l’évêque, les formateurs ont une mission essentielle. De leur communion dans l’unité dépend la valeur de la communauté éducative qui se construit autour d’eux. Le choix des formateurs, leur formation, leur soutien, engagent la responsabilité particulière des évêques.
L’exhortation invite les évêques et les responsables à s’interroger et à prendre des initiatives pour la formation sacerdotale, compte tenu des conditions locales.

  • Dans la situation actuelle, on observe un contraste entre le style de vie des jeunes et le style de vie de la vie au séminaire ; les jeunes ne sont pas préparés à bénéficier de la formation du séminaire. Aussi, le pape demande, avec les Pères du Synode, qu’il y ait une période convenable de préparation précédant la formation donnée au séminaire. On continuera à étudier les modalités de "cette préparation ou période propédeutique"
  • La fonction des Petits séminaires est rappelée, et là où ces maisons ne peuvent exister, on mettra en place d’autres moyens d’accompagnement des enfants, des adolescents et des jeunes "en recherche de vocation".
  • Le document prévoit des formes particulières d’accompagnement et de formation pour des candidats adultes se présentant avec une expérience de vie laïque et d’engagement professionnel. Il n’est pas toujours possible, ni même opportun, de les inviter à "suivre l’itinéraire éducatif du Grand séminaire."

La formation permanente.
"Son âme : la charité pastorale"

Comme le Synode lui-même, l’exhortation fonde la nécessité de la formation permanente. Cette formation est "fidélité au ministère sacerdotal" et "processus de conversion continue". Des expressions très fortes la qualifient : elle est "acte d’amour envers le peuple de Dieu" dont le prêtre est le serviteur, elle est "acte de justice", le prêtre doit en rendre compte. C’est "un droit du peuple de Dieu".
Le pape reconnaît là "une exigence intrinsèque du don de l’Ordination et du ministère sacramentel ainsi reçu". Il le rattache aux exigences de la Mission de l’Eglise à la fin du second millénaire.
Cette mise en valeur de la nécessité de la formation permanente est originale dans ce document du magistère.
L’exhortation définit les responsabilités : le prêtre est le premier responsable de sa formation permanente, et bien sûr l’évêque et le presbyterium. Le texte analyse les diverses dimensions de cette formation spirituelle, intellectuelle et pastorale, en relation avec la formation initiale. Cette formation permanente est au service de la croissance comme membre du presbyterium uni à l’évêque. Elle est au service de la participation à la Mission de l’Eglise. Elle s’impose à tout âge et dans toute condition de vie.

Une place particulière est faite aux jeunes prêtres dans la situation actuelle. Leur accompagnement et leur soutien retiennent l’attention. Le pape demande que soit "créée une structure spéciale de soutien avec des conseillers et des maîtres appropriés".. C’est l’occasion d’inciter les diocèses à s’unir pour mettre en commun les ressources nécessaires et élaborer des propositions adaptées. Les Conférences épiscopales et les diocèses seront provoqués pour la mise en oeuvre de ces orientations précises et neuves de l’exhortation.
Avec réalisme et ferveur, c’est l’avenir du sacerdoce pastoral qui est envisagé.

En conclusion

Nous recevons cette exhortation apostolique à un moment où nous éprouvons la pénurie des vocations sacerdotales ; le presbyterium, les communautés chrétiennes ressentent douloureusement cette raréfaction, guettent l’arrivée de nouveaux prêtres et les signes d’une remontée caractéristiques des vocations. Le printemps tarde à se manifester.

Nous devons travailler ce document que nous adresse le pape pour le Jeudi Saint et la Pâque 1992. Nous le recevons comme un appel à l’Espérance. Nous y reconnaîtrons le visage et le coeur des pasteurs qui se consacrent à l’Evangile et au service de notre Eglise. Notre attente active de vocations nouvelles se fera plus éclairée et plus forte.
Evêques, prêtres et diacres apprécieront mieux encore le Don qui leur est fait et qui ne sera pas refusé à notre Eglise et à ce monde.
Consacrés, chrétiens laïcs seront stimulés pour la prière et aidés à s’interroger sérieusement sur les conditions de l’éveil et du soutien des vocations dans les communautés chrétiennes, dans les familles, berceau naturel et spirituel des vocations.
Futurs prêtres, jeunes en recherche de vocation, percevront quelle invitation est faite à leur jeune liberté : "Venez et voyez".
Responsables de la formation, investis d’une tâche délicate et exaltante, trouveront là un guide et une charte précise pour leur ministère quotidien.

Toute l’Eglise animée par l’Esprit est engagée dans l’appel et la formation de ses pasteurs, nous a dit le pape. Il nous a rappelé la promesse du Seigneur à son peuple :

"Je vous donnerai des pasteurs selon mon coeur"

Notre Dieu est fidèle.


Mgr Gaston POULAIN
Président de la Commission épiscopale
du clergé et des séminaires.

Publié avec l’aimable autorisation des Editions du Centurion