Parole d’un évêque aux prêtres de son diocèse


Faire prendre conscience aux laïcs de leur vocation et de leur mission dans l’Eglise et dans le monde, c’est nécessaire, mais est-ce suffisant ?

Au cours de nos entretiens à Rome pendant la Visite ad limina, plusieurs de nos amis et partenaires ont exprimé ainsi leur perplexité : "Comment se fait-il que les efforts déployés en France en faveur des vocations portent si peu de fruits ?"

De fait, nous l’avouons. Il y a là quelque chose de mystérieux. Peut-être faut-il préciser que ces efforts constatés ne sont pas les efforts de tout un peuple, pasteurs et fidèles, mais ceux de quelques-uns seulement.

Les prêtres de Seine & Marne font tout pour assurer à l’Eglise diocésaine un dynamisme réconfortant. Et ils ne le font pas seuls : les laïcs sont là. Mais il faut tenir les deux bouts de la chaîne : d’une part faire prendre conscience aux laïcs de leur vocation et de leur mission dans l’Eglise et dans le monde ; mais aussi, d’autre part, ne pas faire comme s’ils devaient être seuls, sans prêtre pour faire Eglise.

Il y va de l’avenir du laïcat : il faut des prêtres. Il y a nécessité de veiller, d’appeler, de discerner, d’accueillir les hommes jeunes dont nous estimons, ensemble, qu’ils peuvent être prêtres. Nous ne manquons pas d’audace pour appeler des laïcs fidèles du CHRIST. Nous questionnons, discutons, encourageons. Mais on ne peut plus appeler des laïcs sans appeler en même temps des prêtres à leur service. Certains mouvements d’Action catholique ont adopté cette stratégie : appelant des permanents ils appellent aussi des prêtres.

Alors pourquoi cette timidité quand il s’agit du Sacerdoce ? L’appel est un acte d’es-pérance. Douterions-nous des jeunes à ce point ? Un certain nombre nous en ont fait confidence quand nous les rencontrons : le Sacerdoce est pour eux une éventualité.

Le récent Congrès du Service national des vocations à Lourdes a rappelé énergiquement le rôle de l’ensemble du Peuple de Dieu dans l’appel et le soutien des vocations spécifiques. Ces appels, ce soutien doivent être l’objet d’une bienveillance patiente et désintéressée et d’une prière d’intercession de toutes les communautés.
Je dis bienveillance : trop de critiques stérilisent les appels et la capacité d’appeler : critiques des prêtres, de l’Eglise, de ceux qui partagent avec eux la charge pastorale ; critiques entre prêtres, critiques entre laïcs.

Il est des lieux où l’appel se fait entendre. Le "Frat", les pélerinages : Lourdes en particulier, la préparation et la célébration de la Confirmation, les Aumôneries, les Mouvements de jeunes, les Paroisses : beaucoup plus qu’on ne le pense.
Le tissu favorable aux vocations sacerdotales et diaconales et aux vocations à la vie consacrée est à recréer ou à entretenir avec soin. Les "antennes" mises en place par le Service diocésain des vocations y travaillent. Mais leur développement n’est qu’à son début.

Il faut de plus établir des liens entre les jeunes qui cherchent comment répondre au premier appel. Le S.D.V., le monastère de la Fortelle ont mission pour conduire cette action.Ne leur ménageons pas notre confiance. Un coup de téléphone confiant aux responsables et c’est peut-être le début d’un beau chemin.

Mais il nous faut solidairement surtout "Veiller dans la prière" pour que le maître envoie des ouvriers à son abondante moisson Seine & Marnaise. S’il était possible qu’à chaque premier vendredi du mois, repère facile, toutes les communauté avec ou sans prêtres organisent un temps, convenable et accessible au plus grand nombre, de prière pour les vocations : il faut faire le siège du Maître de la Moisson.

Cette permanence de la prière associée aux efforts de pédagogie de la foi des aumôneries, des écoles libres, des mouvements, portera du fruit. Et l’un des tout premiers fruits pourrait être la mise en place d’une antenne. Il n’y a pas besoin d’être nombreux pour donner le signe de cette prière, pour accompagner les jeunes dans leurs démarches, les transporter, les aider. De plus je porpose encore aux antennes un pèlerinage de prière à Ars, les 12 et 13 juin 1993. Il faudra préparer.

Frères prêtres, nous vous le demandons avec gravité : priez ensemble pour les vocations, concertez-vous en doyenné ou autres équipes fraternelles pour répercuter opportunément les appels de DIEU. Il m’est arrivé de proposer ici ou là de passer à la mise en oeuvre d’un rappel fait par Vatican II dans le décret sur "Le Ministère et la vie des prêtres" n° 11. Il est de la nature même du ministère sacerdotal d’appeler, et d’appeler des prêtres (voir aussi "Pastores dabo vobis" n° 36 à 40).

Cette exigence peut être vécue collégialement car chacun sait que le charisme de l’appel n’apparaît pas toujours clairement chez tous les prêtres. Mais ce qui est difficile à un seul devient possible à plusieurs. Pourquoi, en équipe de prêtres, de doyenné ou d’aumônerie ne pas s’interroger ensemble sur la capacité de tels ou tels jeunes de répondre activement à l’appel de Dieu ? En se mettant à l’écoute de l’ESPRIT SAINT, je vois bien cet acte de premier discernement prendre place dans le déroulement de nos réunions pastorales.

Cette recherche appelle ensuite une action suggestive où les charismes des prêtres peuvent se déployer pour porter personnellement la parole de l’appel, et engager un accompagnement spirituel à l’égard de ceux qui s’y montrent sensibles.

Ne vous laissez pas rebuter par ce qu’on appelle des échecs ou des erreeurs de discernement. Il y en a toujours eu. Nous ne pouvons plus être spectateurs désabusés devant cette question. C’est notre affaire collégialement et personnellement. On ne peut se plaindre qu’une chose ne marche pas quand on n’a jamais essayé de la mettre en route !

Les possibilités de répartition des prêtres, les quadrillages ont atteint leurs limites à l’intérieur du diocèse (mais pas de la région). L’avenir du clergé Seine & Marnais c’est les prêtres de demain appelés dès aujourd’hui.

Prière et appel sont complémentaires. Demandons-en la grâce, la force, la lumière, la patience.

 

Mgr Louis CORNET
Evêque de Seine-et-Marne et accompagnateur du SNV