La vocation des laïcs consacrés


Les laïcs consacrés ne sont pas des super-chrétiens. Choisis par le Christ pour être le levain dans le monde, Ils assument discrètement leur tâche. Ce sont des semeurs de l’Evangile en plein vent qui, dans l’Eglise, transmettent les grandes questions des hommes.

Quand Dieu décide de la création du monde et de la vie de l’homme, II voit grand, Il voit beau, II voit bon. Dès lors que Dieu donne, Il ne le fait pas avec parcimonie. Au contraire : sa largesse est immense, on pourrait dire sans bornes ! Déjà le psalmiste s’écriait : "O Seigneur notre Dieu qu’il est grand ton nom par tout l’univers !" (Ps. 8). Et pourtant, il n’en savait que ce que son oeil nu lui permettait de voir. Cet univers, l’homme du XXème siècle avec ses appareils de plus en plus performants le découvre toujours plus grand, toujours plus reculé. Il sait qu’il ne connaît qu’une infime partie du cosmos et que les années lumière l’entraînent toujours plus loin vers l’infini. En même temps, il avance dans la connaissance du plus petit.

Grandeur de l’infiniment grand, grandeur de l’infiniment petit. Quoi de plus beau que le ciel étoilé, la mer fougueuse ou calme, aux reflets changeants, la montagne majestueuse, les ombres frissonnantes de la forêt, l’embrasement des soirs d’orage ?

Dieu, parce qu’il est Dieu, ne peut créer du médiocre, Il installe l’homme dans la beauté.

Dieu aime sa création ...

L’homme lui-même est grandeur et beauté "Merveille que je suis, merveilles que tes oeuvres !" (Ps.l38) créé à l’image de Dieu, homme et femme pour s’ouvrir à l’autre, se donner, vivre par et pour l’autre dans la communion. Communion avec la nature, communion entre les êtres, communion de la créature humaine avec son créateur. "Et Dieu vit que cela était bon" (Gen.2, 31). L’auteur de la Genèse insiste : lorsque la création fut achevée, Dieu dit que : "c’était très bien".

Dieu est content de son oeuvre. Il pose son regard satisfait sur "tout ce qu’il a fait". Il aime le ciel et les grands luminaires ; la mer et les êtres vivants qui grouillent en elle, la terre et tout ce qu’elle produit, les oiseaux et animaux de toutes sortes et surtout l’homme à qui Il confie cette terre. L’oeuvre de l’homme sera de la soumettre et de s’y multiplier. Cette terre, bonne pour lui, elle sera le lieu de sa tâche. Quand il se sera multiplié, il devra la rendre habitable pour tous et la faire produire selon ce qui lui sera nécessaire.

... d’un amour immense

Créé à l’image de Dieu, l’homme n’en demeure pas moins une créature capable seulement de se reconnaître comme telle et de savoir tenir sa vie d’un Dieu aimant.

Mais Dieu veut bien plus pour lui. Son dessein est plus grand qu’une destinée de l’homme à vivre en harmonie avec son créateur. Ce qu’il veut, c’est "tout récapituler dans le Christ" (Ep.1, 10) parce que "Il nous a choisis en lui, dès avant la fondation du monde. Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs par Jésus-Christ." (Ep. 1, 4-5)

Créant l’homme, Dieu ne l’engendre pas comme le Fils, sinon il serait un autre Fils, de même nature que le premier. Si Dieu crée du non divin, Il ne veut pas que subsiste la distance entre sa créature et lui-même. Il veut la hausser jusqu’à lui, la diviniser en en faisant un fils par adoption. Pour cela, Il la voit en son Fils dont "tout fut créé par lui et pour lui" (Ep.1,16). Ainsi, c’est le Fils qui pré-existe à la création qui lui donne sa consistance ; et c’est encore le Fils que Dieu envoie dans cette création en devenant un homme.

Le péché de l’homme qui, se voulant Dieu lui-même rejettera Dieu, ne rebute ni le Père, ni le Fils. Parce qu’il séparera davantage l’homme de son Dieu et le plongera dans le malheur, il provoquera la pitié et la miséricorde de Dieu.

"Laissant le rang qui l’égalait à Dieu" (Ph.2, 6), le Fils a donc pris chair, a vécu une vie d’homme et a été médiateur entre l’homme et Dieu comme il avait été médiateur dans la création. Il a fait de nous des frères, dans les fils adoptifs que le Père désirait.

Sa volonté de Dieu comme Fils et sa volonté d’homme ont été parfaitement accordés jusqu’à la croix. Et, parce que "tout est de lui et par lui et pour lui" (Rm 11, 36), c’est la création tout entière récapitulée en lui qui est sauvée par son obéissance au Père. La nature, comme l’homme, est restaurée par celui qui l’a créée. Jésus-Christ, "premier-né de toutes créatures" (Col. 1, 18) appartient au monde par son incarnation ; il la sauve de l’intérieur pour qu’elle parvienne à son achèvement.

Ainsi, le monde est bon pour l’homme, malgré son imperfection. Et tout ce qui touche l’humain est fondamentalement respectable, aimable. Rien n’est à déprécier dans l’oeuvre de Dieu qui l’a voulue telle dans son amour. Il a donné la création à l’homme : "habitez la terre et soumettez-la". L’homme capable de choix et de liberté a pour mission de rendre la terre habitable pour tous, d’organiser la vie en société où les droits de chacun soient respectés et les devoirs reconnus, de sorte que chaque être bénéficie de tout ce dont il a besoin pour s’épanouir et soit en mesure d’accueillir la Bonne Nouvelle.

Jésus dans le monde

Jésus s’est totalement investi dans le monde. "Il est né d’une femme" (Ga 4, 4), il a pris corps et âme dans un ventre maternel. Il est passé par le stade de l’enfance et de la dépendance, par celui de l’adolescence et de l’âge adulte. Il a dû apprendre comme tout être humain, que ce soit la marche, la lecture, la religion, le métier ou la maîtrise de soi et la vie sociale.

Il n’a pas fait semblant d’être un homme "A son aspect, il était reconnu comme un homme" (Ph 2, 7), de sorte qu’il était bien difficile à ses compatriotes de comprendre l’autorité dont il faisait preuve face à l’ordre établi "N’est-ce pas là le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, de Juda et de Simon ? Et ses soeurs ne sont-elles pas chez nous ?" (Mc 6, 3)

Jésus est enraciné dans une famille, dans un village, un pays. Il est un bon juif qui va à la synagogue, fait le trajet Nazareth-Jérusalem pour aller prier au temple. Il ne dédaigne rien de la vie, ne tourne pas le dos à la fête, se réjouit à la noce, passe d’agréables soirées chez ses amis.

Jésus est un homme plongé dans le quotidien et le tout de la vie. C’est un ouvrier et un rural qui sait les gestes de la mère de famille, du paysan, du berger, du pauvre. Il se fatigue, ressent la faim et la soif, montre ses émotions, tressaillant de joie ou pleurant sur Lazare, se lamentant sur Jérusalem. Il se fait proche, accueillant à chacun. S’"il connaît ce qu’il y a dans l’homme" (Jn 2, 25), il suscite en toute personne ce qu’il y a de meilleur en elle. Ce qu’il veut, c’est la vie pour l’homme, dût-il en pâtir lui-même.

Pendant un moment de l’histoire, Jésus a rempli pour sa part la mission confiée à Adam et Eve, il a habité la terre et l’a soumise, lui faisant donner son fruit. Il n’a rien renié de ce qu’elle produit, joies et peines. Il a pris sur lui la souffrance refusant d’y échapper. Ni scribe, ni rabbin, il a mené la vie de tout le monde durant trente ans, une vie simple, humble, remplie de ce qui fait le quotidien des jours et des saisons. Puis, prédicateur il a attiré les foules, brebis sans bergers, leur a donné le pain du corps et la Parole avant de se donner à elles comme manne nouvelle et sang de la nouvelle Alliance.

Jésus-Christ et son Eglise

Jésus-Christ ne pouvait passer quelques années sur la terre, vivre un moment de l’histoire dans une génération d’hommes et disparaître sa mission accomplie. Envoyé par le Père pour sauver, guérir, appeler, il fallait que tous les hommes, de tous les temps, en tous lieux, puissent connaître la Bonne Nouvelle et en vivent. Pour cela, il a institué son Eglise. Il a d’abord formé les apôtres lors de sa vie publique ; alors que lui-même proclamait la venue du Royaume des cieux "Il commença à les envoyer deux par deux, leur donnant autorité sur les esprits impurs" (Mc 6, 7)

"Ils proclamaient la conversion en vue du royaume tout proche, chassaient les démons et guérissaient beaucoup de malades" (Mc.6, 13).

Après sa résurrection, Jésus-Christ les a confirmés dans leur mission :
"allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit" (Mt 23, 14), faisant d’eux des humains.

Ils sont les piliers de son Eglise, peuple de l’Alliance, corps du Christ ressuscité, animé, habité par l’Esprit Saint que Jésus avait promis. L’Eglise est le dépôt des paroles reçues des apôtres. Son seul et unique rôle est de garder pur ce trésor et de l’annoncer par toute la terre jusqu’à la fin des temps. Elle le dit par la proclamation de la Parole interprétée par les Conciles au long des siècles. Elle le dit par les actes des croyants qui s’efforcent de faire coïncider leur foi et leurs actions et répondent de l’espérance qui les habite. Elle le dit quand les baptisés, membres du corps, habités par l’Esprit Saint vivent dans l’unité de la foi avec leurs frères chrétiens, se nourrissent de la fraction du pain et demeurent dans la communion fraternelle.

Ainsi, elle rappelle sans cesse la parole et l’oeuvre du Christ, elle témoigne de la vie que donne à chacun la résurrection de Jésus toujours agissante, toujours transformante ; elle dit la présence du Seigneur tête du corps jusqu’à son retour. Elle est le germe visible d’une réalité invisible, le Royaume. Chaque chrétien, parce qu’il vit dans l’Esprit, a pour vocation celle même de l’Eglise, l’annonce de l’amour de Dieu pour le monde. Parce que nous sommes sauvés, réconciliés avec Dieu en son Fils, notre vie en lui se charge d’un sens nouveau. Notre naissance, notre vie ne nous acheminent pas vers la mort comme lieu de disparition décisive ; nous pouvons vivre et mourir dans le Christ qui nous donne dès ici bas la vie éternelle. C’est là notre espérance, espérance à partager avec les hommes car "tous sont appelés".

des appels particuliers

Si le baptême fait de tout chrétien un envoyé, Dieu appelle des hommes et des femmes à vivre la vocation de baptisé de manière particulière. Leur don à Dieu ne passe pas par une consécration à la famille qu’ils fonderaient mais par celle qui les rend disponibles en vue du Royaume.

On connaît le ministère sacerdotal ainsi que la vie religieuse contemplative ou apostolique.

Mais l’Esprit Saint qui n’est pas à court de dons a suscité dans l’Eglise une forme différente de consécration pour les hommes de ce temps : le laïcat consacré (il existe également des Instituts Séculiers regroupant des prêtres). Ce qui le caractérise c’est son nom. Des hommes, des femmes répondant à un appel personnel de Dieu pour vivre une consécration dans la sécularité, en plein monde et pour le monde. Le monde est le lieu et la raison de leur vocation. Chacun reste là où la vie l’a planté. Pas de coupure donc mais une continuité de vie, pas de déracinement mais, si possible, un enracinement encore plus profond dans la même terre avec une poussée des racines vers les plus petits, ceux que la société laisse au bord de la route. Immergés au milieu des hommes, rien ne les en distingue.

Les "instituts séculiers" n’ont pas une mission d’Eglise propre. Comme chrétiens consacrés situés dans le monde, c’est en leur nom personnel que leurs membres témoignent de Jésus-Christ par leur travail, leur simple présence. Appel à la sainteté dans les activités du monde, ils se mettent au service de Dieu et de sa révélation à ceux dont ils partagent la vie et les combats.

Ils reconnaissent dans toutes les réalités temporelles un don de Dieu. Ils aiment le monde où l’Esprit travaille et les attend. Ils veulent mettre en oeuvre la germination évangélique en attente dans le coeur des hommes ; en travaillant aux affaires du monde, ils participent à l’oeuvre de Dieu.

Ils s’engagent dans ce qui fait la vie de l’homme avec la volonté d’oeuvrer avec les autres pour que tous soient libres et reconnus, pour pouvoir accéder à la connaissance de Dieu, source et fin de tout. Ils travaillent comme tout militant à la transformation du monde, au développement des valeurs d’union, ils luttent et peinent contre tout ce qui déchire, blesse, écrase. Ils cherchent à humaniser le monde, à construire l’homme en société, à établir la fraternité. Non pas seulement avec d’autres chrétiens mais en pleine pâte humaine avec tous les hommes de bonne volonté, dans le respect et l’amour de l’autre, plate-forme qui peut être un lieu commun entre croyants et non croyants.

Le laïc consacré est donc un au milieu des autres. Enfoui dans le monde, il utilise comme eux les moyens du monde pour rester proche de ses frères et témoigner de Jésus-Christ. Il exerce une profession qui le fait vivre car il pourvoit à ses besoins par ses propres moyens, il s’engage dans un syndicat, une association, un parti politique ; il s’accorde des loisirs. On le trouve dans les combats pour la paix, la justice, le respect de la dignité de l’homme, la défense des droits des petits, des exclus.

Selon ses aptitudes propres et ses moyens, il peut trouver sa place dans des instances dirigeantes, à la base ou dans des toutes petites actions sans nom et sans gloire. C’est le monde dans lequel il se trouve et ses compétences propres qui déterminent ses choix.

Aucune obligation religieuse ne prime pour l’empêcher de répondre aux demandes de service, de présence, de dialogue. Son couvent c’est le monde ; ses frères et soeurs, ce sont les hommes et les femmes au milieu desquels il se trouve. Il leur offre sa disponibilité dans les limites d’un équilibre de vie, car il n’est pas exempt de fatigue et de découragement. Plongé dans les réalités humaines, il mêle à ceux des autres ses cris, son indignation, ses questions tout en donnant sens à la vie et valeur fondamentale à l’homme dans la lumière des béatitudes.

S’ils sont attelés aux mêmes tâches et de la même manière, s’ils se veulent en communion profonde avec tous, les membres d’Institut Séculier essaient de se laisser instruire par l’Esprit pour être de plus en plus conformes au Christ selon la volonté du Père. Donnés au Christ lumière du monde, ils deviennent eux-mêmes une petite lumière pour ceux qui les entourent. Leur comportement contestant les valeurs négatives du monde étonne, provoque des questions, des dialogues et leur permet de balbutier la Parole.

la vie fraternelle

Bien que dispersés, les laïcs consacrés ne sont pas seuls. Ils ont une authentique vie fraternelle de foi, de communion dans le projet commun qui les unit : l’ad-venue du Royaume :

"C’est dans l’indépendance de la vie que se crée une communauté spirituelle de vie assez forte, selon l’intuition première du fondateur ou de la fondatrice, pour saisir l’existence sur place, la consacrer tout entière sans l’institutionnaliser." (P. Martelet)

L’institut séculier n’a pas à donner lui-même un témoignage collectif, la mission revient à chacun de ses membres. Ceux-ci ne sont pas à la disposition de responsables qui les enverraient dans un lieu de mission. Chacun est autonome.

L’institut a valeur de signe. A son origine, il y a eu chez le - ou les - fondateur(s) une réponse à un appel, selon une intuition particulière. Les membres qui le rejoignent partagent cette intuition, c’est une richesse pour l’Eglise. Chaque institut a donc une sensibilité à telle ou telle proposition évangélique. Il base sur elle sa spiritualité, il énonce certaines convictions et règles de vie selon l’esprit des Béatitudes auxquelles se réfèrent ses membres.

Les statuts ou constitutions sont la charte d’une équipe, d’une fraternité, d’un groupe qui se donne un nom et se soumet à la reconnaissance de l’Eglise, l’institut séculier est donc aussi le rappel de ce charisme. Ce dernier prévoit pour les personnes qui se sentent appelées à s’y joindre, un temps de formation nécessaire avant de recevoir leur promesse, leurs voeux ou leurs engagements, au nom de l’Eglise.

Il a enfin le souci d’aménager les rencontres pour soutenir la fidélité de tous. Des groupes se retrouvent par secteurs pour vivre des moments de fraternité forte dans l’amitié, le partage et la prière. Ces temps sont des haltes indispensables d’échange, de discernement, de confrontation de leur vie avec les exigences de l’Evangile et des statuts de l’institut ; moments de ressourcement, de célébration, de nourriture avant de repartir renouvelé au milieu du monde.

Temps, encore, de rassemblement de la vie des hommes partagée par les uns et les autres que l’institut, parce que groupe, peut apporter à l’Eglise de manière à ce qu’elle entende les attentes, les luttes et les cris du monde. Les membres d’un institut séculier ne se prennent pas en charge les uns les autres matériellement ; chacun vit avec les moyens du monde, utilisant les ressources offertes à tout citoyen. Pourtant, la fraternité entre eux est réelle et forte ; chacun se sait porté par l’intérêt et la prière de tous, c’est un réconfort dans l’insécurité et les difficultés du quotidien.

le célibat consacré

Toute personne répondant à un appel du Seigneur dans le monde par le laïcat consacré s’engage à vivre dans le célibat. Pour l’ensemble de nos contemporains, celui-ci n’est pas plus que le signe d’une liberté à mieux profiter de la vie. Il n’est plus perçu comme révélation d’un monde à venir, déjà commencé, ni participation à la vie trinitaire.

C’est pourtant bien de liberté qu’il s’agit, mais pas dans le sens d’une restriction. C’est un don de tout l’être à Dieu qui signifie que lui-même s’est donné le premier et que cette vie là vaut la peine d’être vécue à plein, qu’elle comble l’homme tout entier. Ce don à Dieu se concrétise par le don aux frères, la disponibilité extérieure, intérieure qui, après un temps de vie partagée, peut interroger : "pourquoi tu ne te maries pas ?.." "tu as consacré ta vie pour nous".

La pauvreté dans le laïcat consacré pourrait se nommer simplicité de vie ; à moins qu’il ait reçu une vocation particulière de pauvreté plus grande, le membre d’institut séculier s’efforce de vivre au plus près du monde dans lequel il se trouve. Vient-il du monde bourgeois ? il en garde les valeurs mais dénonce les injustices, les rejets. Vient-il d’un monde populaire ? Il en garde la simplicité et dénonce ce qui empêche une vie décente pour tous. Parce que placé en pleine pâte humaine, il se veut un parmi les autres, comme les autres, cherchant à supprimer pour sa part ce qui fait obstacle à la pauvreté évangélique. Sa vraie pauvreté c’est son incapacité à répondre vraiment à sa vocation à la pauvreté qui doit se transformer en humilité confiante car il sait que l’Esprit travaille malgré tout par lui., pauvre instrument dans la main de Dieu.

Comment vit-il l’obéissance ? Il se veut d’abord fidèle à l’Evangile puis obéissant aux statuts de son groupe. Comme le Christ, il cherche la volonté du Père. Il est attentif dans la vie de tous les jours aux événements, aux appels du monde, il y répond selon ses possibilités et il les confie à Dieu dans l’Eucharistie et la prière. C’est lui qui dans la fidélité quotidienne ouvre l’oreille aux besoins des hommes, à la détresse humaine, à la quête du sens, de Dieu. Pour ne pas se leurrer sur ses intentions et ses actes, il soumet sa vie à son groupe de révision de vie qui l’aide à voir sa réalité.

Vivre pauvre, chaste, obéissant dans le monde c’est contester le monde et ses valeurs : la richesse, le pouvoir, la vie sans Dieu. Les laïcs consacrés veulent être libres pour se laisser envahir par le Christ et trouver en lui toutes les puissances d’amour, d’action que réclame leur mission. Alors ils peuvent être vraiment sel de la terre, avoir de la saveur pour les hommes leurs frères.

la prière

Bien que très occupé par ses obligations dans le monde, le laïc consacré donne une place importante à la prière ; il en connaît les besoins et la nécessité vitale. Il fait oraison à partir de l’Ecriture pour s’en pénétrer toujours davantage et à partir de la vie, des rencontres qu’il a faites, des appels qu’il a entendus.

Sa prière n’est pas un temps donné à Dieu mais une reprise de la vie, de tous les moments de la vie, gais, tristes, durs, comme matière et lieu de présence de l’Esprit, instant de supplication et d’action de grâce pour le monde en "douleur d’enfantement". Il tend à vivre l’Eucharistie quotidienne car c’est là qu’il peut, avec l’Eglise entière, offrir le monde avec le pain et le vin, rendre grâce, se nourrir du corps et du sang du Christ et resserrer les liens de la communion avec les chrétiens du monde entier.

Dans son groupe il pratique la révision de vie, lieu de reprise de la vie, de sa vie, de discernement, de conversion. L’immersion dans le monde est un risque, les déviations sont toujours possibles. Réfléchir avec un groupe, c’est bien faire un acte de conversion ; cela permet de se laisser toucher par les événements pour accomplir la volonté de Dieu, de se remettre en vérité pour ajuster intentions et actions à l’Evangile. La révision de vie apprend constamment la conversion du regard, du jugement, de l’action. Elle rend plus ouvert, plus réceptif, plus humble pour abandonner le résultat de l’action à Dieu. Elle renouvelle l’espérance.

Des temps plus forts et plus longs de prière sont encore des haltes bienfaisantes et indispensables, comme les récollections, les retraites.

Les laïcs consacrés :
des hommes et des femmes d’humilité

Les laïcs consacrés ne sont pas des super chrétiens. Simplement parce que le Christ les a choisis pour demeurer avec les hommes et être levain dans la pâte humaine, ils engagent toutes leurs forces vives, leur dynamisme, leur capacité d’aimer dans la lutte pour la vie.

Ils sont attentifs aux besoins et aux cris des hommes surtout les plus démunis. Par leur disponibilité ils essaient de donner à voir l’Evangile au monde. A l’Eglise, ils rapportent les grandes questions des hommes.

Ils ressemblent à ceux qui recueillent les signes du Royaume chez ceux qui sont loin de l’Eglise. Ils sont des semeurs qui inlassablement lancent la semence, nullement assurés de voir un jour la moindre petite pousse.

Ils sont hommes et femmes d’humilité car leur action paraît bien petite, leur parole peu entendue. Ils sont aussi hommes et femmes de durée et de fidélité, ils continuent toujours et se cramponnent à la tâche quand d’autres abandonnent par lassitude ou déception.

Ils sont enfin hommes et femmes d’espérance car, travaillant le plus souvent avec de tout petits moyens, ils savent qu’ils ne sont pas seuls, que leur oeuvre n’est pas vaine, puisque c’est le Seigneur qui construit la maison et qui fait pousser la graine.

Suzanne Didier
Commission média de la CNIS