La spiritualité séculière


La spiritualité séculière est avant-tout celle de l’Incarnation :
la consécration à Dieu et le service des frères au sein des activités profanes.

Vouloir présenter la spiritualité des Instituts Séculiers relève un peu d’une gageure dans la mesure où elle est la spiritualité de tout chrétien conscient de sa consécration baptismale. Conscient mais aussi désireux de l’assumer pleinement, en répondant à l’amour de Dieu, en vivant sa condition de laïc (ou de prêtre) dans les structures du monde, dans "le siècle". D’où l’expression spiritualité séculière (le sacerdoce d’un prêtre, membre d’un Institut Séculier, apporte évidemment une coloration particulière à cette spiritualité).
Notre propos ici concerne la spiritualité des laïcs des Instituts et je dirais bien volontiers que pour la cerner, il n’y a pas de meilleur guide que l’exhortation apostolique Les fidèles laïcs, laquelle reprend elle-même des affirmations du Concile. En voici quelques éléments :
"Le monde devient le milieu et le moyen de la vocation chrétienne des fidèles laïcs" (Exhortation)
"Ni le soin de leur famille, ni les affaires temporelles ne doivent être étrangers à leur spiritualité" (Vatican II : décret sur l’apostolat des laïcs).
"Cette spiritualité doit revêtir des aspects particuliers suivant les conditions de vie de chacun... Chacun doit donc développer sans cesse les qualités et les dons reçus, en particulier ceux qui sont adaptés à ses conditions de vie, et se servir des dons personnels de l’Esprit Saint."
(op. cit.).

A cela ajoutons une déclaration des évêques réunis en Synode en 1985 :
"Ils (les fidèles laïcs) doivent considérer leur vie quotidienne comme une occasion d’union à Dieu, comme aussi de service envers les autres hommes en les portant jusqu’à la communion avec Dieu dans le Christ".
Ainsi le projet des Instituts Séculiers est identique à celui de l’Eglise conciliaire : vivre pleinement la vie du monde en vivant pleinement la vie évangélique et dans l’esprit des Béatitudes réaliser la synthèse vitale : sécularité - consécration.
Alors quelle spiritualité spécifique pour eux ? A quoi les engage leur consécration ?

En bref nous pourrions dire : spiritualité d’incarnation, qui est "rencontre de deux invitations évangéliques : travailler au développement du monde et suivre Jésus d’aussi près que possible" (F. Morlot in Des chrétiens comme les autres).

Concrètement cela se traduit par :

  • imiter Jésus de Nazareth dans son amour du Père et des hommes,
  • correspondre à ce qu’il a demandé à son Père (Jn, 17, 5) : "Je ne te prie pas de les retirer du monde..." ce que Jean Paul II exprimait ainsi : "Votre consécration renforce le caractère séculier de votre état", c’est-à-dire que notre vie, dans toutes ses composantes, est vécue comme une consécration,
  • aimer tellement le monde qu’on veut l’amener à s’ouvrir à l’amour offert par Jésus dans le don de son Esprit,
  • participer à l’oeuvre de Création qui se poursuit toujours.

Paul VI a livré aux Instituts Séculiers le secret de leur spiritualité :
"Pour celui qui se consacre dans un tel Institut, la vie spirituelle consiste à savoir assumer la profession, les relations sociales, le milieu de vie, etc., comme formes particulières de collaboration à l’avènement du Royaume des Cieux et à savoir s’imposer des temps d’arrêt pour entrer en contact plus direct avec Dieu."
Nous restons donc dans le monde, non seulement par notre état sociologique, mais par détermination intérieure. Nous l’aimons, mais nous prenons des temps de retrait pour la prière personnelle ou communautaire avec l’Institut, le partage, les échanges, la révision de vie. Car l’attention aux appels de l’Esprit, l’accueil de sa Force, la disponibilité à la volonté du Père, ne se discernent que par la prière. Une prière à double balancier : du monde vers Dieu, de Dieu vers le monde.

Telle est la prière dite séculière  : le quotidien est le lieu et la matière de la vie spirituelle, l’activité la plus banale devient rencontre avec Dieu. Associée au balancier, peut surgir l’image de l’équilibriste : ce n’est pas un chemin sans embûches que d’essayer d’introduire le ferment de l’Evangile dans la pâte humaine, et en même temps chercher, découvrir ce qui est déjà semé au coeur de nos frères, ce qui est prêt à germer, avec tout ce que cela implique d’attentes, de tâtonnements, d’incertitudes, de désillusions, mais aussi de joies, d’actions de grâce ! Heureusement l’Institut (groupe, accompagnement individuel), est là pour dynamiser chacun.

spiritualité séculière, spiritualité d’Incarnation
spiritualité ecclésiale

Les Instituts Séculiers qui participent à la vie et à la mission de l’Eglise, sont un des lieux où la relation Eglise - monde est expérimentée ; de cela découle pour le laïc consacré "une manière originale d’être Eglise dans le monde aujourd’hui." (cardinal Pironio). Cette spiritualité ecclésiale est marquée par :

  • la nécessité d’une authentique vie sacramentelle qui soutienne la contemplation de Dieu et du monde,
  • la nécessité d’une vie fraternelle et de communion ecclésiale,
  • la nécessité d’attitudes concrètes de service pour transformer le monde du dedans et l’offrir à Dieu.

Peut-être pourrait-on résumer ce qui précède en deux formules lapidaires :

Spiritualité des Instituts Séculiers = Spiritualité de l’engagement dans le monde pour le Royaume
Service plénier de Dieu par la sainteté de vie au sein des activités profanes.

En tout cas, engagés par tout leur être, du fait de leur consécration, dans cette voie spirituelle, les membres des Instituts Séculiers souhaiteraient la rendre la plus signifiante possible pour tous les baptisés vivant les réalités terrestres, qu’il s’agisse de la mère de famille en H.L.M., d’un O.S. à la chaîne, d’un directeur de multinationale, d’une caissière de supermarché, d’un malade sur son lit d’hôpital, etc. Mais tout en se sachant "laboratoire d’expérience" (Paul VI), ils ne perdent pas de vue que Celui qu’ils veulent signifier c’est Jésus de Nazareth, le premier Consacré séculier.

Madeleine Cordier
Consulteur de la CNIS