Pourquoi choisir un I.S. ?


Enquête auprès des moins de 40 ans

Six questions posées à quatre membres d’un Institut séculier ayant tous moins de quarante ans.
Des témoignages très utiles pour mieux les connaître.

1 VOTRE PROJET DE VIE VOUS A ORIENTE VERS UN INSTITUT SECULIER, POURQUOI ?

"Mon projet de vie, au départ, était de me consacrer à Dieu. Très vite j’ai compris que ce que je cherchais n’existait pas. J’ai donc décidé de suivre mon intuition : vivre l’Evangile dans le monde, comme un laïc, mais avec toujours ce désir de consécration. Je me sentais"marginal" puisque je pensais être un cas à part ou que je manquais de courage. Quand j’ai découvert les Instituts séculiers, j’ai compris que c’était ce que je cherchais depuis longtemps. Le fait de constater que d’autres vivaient la même vocation que la mienne et que cette vocation était reconnue par l’Eglise m’a donné une tout autre dimension intérieure. Je n’étais plus un "marginal". En réalité l’Institut séculier m’a donné la liberté. Mon projet de vie se trouvait un peu à l’étroit avant l’Institut séculier. Grâce à ce lien très fort avec l’Eglise je me sens plus laïc et moins marginal. Je souhaitais aussi rencontrer des hommes qui vivaient la même vocation que moi pour vivre en vérité et non seulement à ma façon. Une façon aussi de vérifier que ma vocation était réelle."

"J’avais le désir de vivre pleinement mon baptême là où je vivais (famille, travail).L’Institut séculier est un soutien mutuel entre les membres, il permet de vérifier son engagement pour vivre pleinement l’Evangile, de ne pas s’égarer du chemin fixé. Vivre là où je suis la chasteté, la pauvreté, l’obéissance sans ce partage de vie, même s’il n’est parfois que très bref, ce serait pour moi beaucoup plus difficile. La société peut vite nous entraîner... Vivre l’Evangile, c’est, comme Jésus, aller à contre-courant. Seule ce n’est pas facile. Mon choix se justifie aussi par le désir d’un don total de tout mon être dans sa totalité, c’est prendre un engagement pour la vie et devant d’autres, c’est important."

"Depuis plusieurs années, je ressentais un attrait grandissant pour Jésus Christ, à travers mes activités nombreuses et une vie professionnelle prenante. Je désirais donner un sens et une valeur plus radicale afin d’honorer et rassembler en moi cet idéal pour lequel je vis. Me donner à Dieu complètement et totalement persistait au fond de moi ; Je cherchais comment orienter cette dimension, et j’avais l’impression que le tout simplement laïque ne suffisait pas. Consacrer ma vie au Seigneur tout en restant dans le monde, en demeurant ce que je suis, m’a conduit finalement vers un Institut séculier. Je ne voulais pas vivre les choses à moitié et finalement la forme d’un Institut séculier m’apparut comme celle me convenant tout à fait."

"Par la consécration je reconnais que le choix ne vient pas de moi seulement, je reconnais qu’il y a un appel du Seigneur. Par la consécration je m’engage dans la durée, ce que je pense être un témoignage important pour le monde d’aujourd’hui. Par le choix d’un Institut séculier je reconnais que la foi chrétienne ne se vit pas seule. L’Institut est un lieu de fraternité, de confrontation, d’échanges, de prière, de discernement, d’approfondissement de ma vocation... avec d’autres membres (que je n’ai pas choisis) vivant et visant le même idéal que moi. L’Institut séculier m’appelle à une ouverture, à une remise en cause de moi-même, à une certaine humilité."

2 POURQUOI PAS LA VIE RELIGIEUSE ?

"J’y ai pensé au départ. Du reste je ne pouvais pas envisager autre chose. Je m’étais beaucoup documenté et je n’avais rien trouvé en ce qui concernait une consécration dans le monde. Mais j’avais des engagements dans le monde, qui me semblaient très importants, surtout en ce qui concernait mon travail. La vie religieuse signifiait quitter ce travail, cette mission que j’avais à réaliser, au moins pour un temps. Je sais que je pouvais aussi travailler comme religieux. Mais cela me paraissait être une rupture définitive. Je ne pourrais plus faire la même chose de la même manière. Ma mission perdait ainsi une partie de son sens. C’est pourquoi j’ai choisi de ’rester dans le monde1 c’est à dire là où j’étais."

"Désir de rester là où je suis, de me donner totalement à travers mon travail. Désir de conserver aussi un lien privilégié avec ma famille. A travers ce choix de vie, je désire pouvoir rendre à mes parents tout l’amour qu’ils m’ont donné (c’est difficile de témoigner dans sa famille, mais pour moi c’est important). Désir peut-être aussi d’agir dans le monde, sans avoir d’étiquette, comme n’importe quelle laïque. Désir à la fois d’une certaine liberté dans cette vie de célibataire mais aussi d’une très grande exigence pour moi-même. Je ne me sentais pas faite pour vivre en communauté, même si la vie seule peut être parfois difficile."

"Bien que m’étant tout d’abord orientée vers la vie religieuse, j’ai perçu que cela ne me convenait pas. La vie communautaire, sans doute, ne convenait pas à mon tempérament indépendant. L’attrait et la passion du monde, des hommes qui l’animent, m’orientent finalement à laisser la vie religieuse. J’avais l’impression que la vie religieuse m’obligeait à abandonner et à renoncer à trop de choses qui constituaient ma personnalité ( le goût des arts, d’entreprendre, d’organiser, de communiquer, de faire du sport..). Cependant il n’y a pas que le faire mais aussi l’être ; et la prière et la contemplation, propres à la vie religieuse, sont une dimension très importante pour moi."

"Parce que je ne désirais pas, en me consacrant au Seigneur, quitter le monde dans lequel je vivais déjà ma consécration baptismale. La consécration séculière, sans me couper du monde, m’en laisse partie prenante et solidaire. Elle me fait approfondir mon rôle de laïc dans l’Eglise et dans le monde. Elle m’appelle à agir de façon libre et responsable, à être vigilante. Elle me permet de développer mon charisme personnel pour le mettre au service du monde, de Jésus-Christ et de son Eglise."

3 COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LES INSTITUTS SECULIERS ?
COMMENT S’EST FAIT LE PREMIER CONTACT ?

"Un peu par hasard, un ami prêtre m’a dit un jour qu’il avait découvert ce que je cherchais. Pour les hommes cela n’existait pas encore en France, mais une rencontre allait avoir lieu avec quelques hommes intéressés et des responsables d’un Institut franciscain italien. J’ai accepté d’aller à cette rencontre et ce fut un moment inoubliable : tout ce que je cherchais en étant persuadé que cela n’existait pas m’était révélé d’un coup. Je rencontrais enfin ’mes frères’, des hommes qui avaient la même vocation que moi. De ce fait ma vocation prenait un autre sens, elle passait de la pensée à la réalité."

"Par une amie qui est entrée après dans un autre Institut séculier. Par le S.N.V. où j’ai écrit pour demander des renseignements sur les Instituts séculiers. Premier contact avec un membre qui faisait partie du S.D.V.. Le premier contact s’est bien passé puisque je suis entrée dans le même Institut séculier."

"Donner sa vie à Dieu, oui mais comment sans être la religieuse qui ne l’est pas tout en l’étant. Le pas est difficile à faire, car les Instituts séculiers, c’est pas connu, c’est étrange, pas à la mode et très mystérieux. Au cours d’un Frat à Jambville, j’ai rencontré un membre d’un Institut qui m’a décidée, j’ai donc pris l’annuaire et consulté en prenant en compte trois choses :

- la spiritualité de l’Institut et sa vocation

- le nom et l’histoire de l’Institut, son enracinement

- le rayonnement missionnaire.
Sélection faite, quatre restent en liste et c’est enfin le premier contact avec la responsable qui fut déterminant. Le premier contact est d’une importance capitale. L’écoute, l’accueil et le discernement sont essentiels, mais rencontrer quelqu’un d’épanoui, rayonnant, véritablement ferme, tout en étant exigeant et souple m’a conquis. Après plusieurs rencontres et lettres qui renforçaient l’impression de ce premier contact, je me suis décidée. C’est assez vertigineux ! "

"Sur le conseil de mon père spirituel, j’ai pu rencontrer personnellement un membre de mon Institut séculier... Puis au moyen de documents découvrir la vocation de laïque consacrée... l’approfondir personnellement. J’ai cheminé ensuite au S.D.V. de mon diocèse (Groupe de recherche). Cette vocation était très peu connue dans le diocèse."

4 AUJOURD’HUI, OU EN ETES-VOUS ?
QUEL CHEMIN ESTIMEZ-VOUS A VOIR PARCOURU DEPUIS LE PREMIER CONTACT ?

"Depuis ce jour, je me sens toujours ’chez moi’ dans cet Institut. Il m’a fait progresser. Le sens même de ma vocation a beaucoup évolué ; ce n’est plus parce que j’ai quelque chose à faire là où je suis que je suis resté laïc, mais c’est l’expression de l’Amour de Dieu pour le monde. Le monde est tellement formidable que l’on peut y vivre pleinement une vie de consécration. L’Institut m’a aidé à clarifier ma vue du monde. La consécration aussi. J’ai franchi des murs sur lesquels je butais avant, entre autre en ce qui concerne mon travail. Même mes idées sur la pauvreté ou la prière ont fondamentalement changé. Et surtout, ma propre humanité a trouvé d’autres frontières."

"Après un temps de cheminement de 1985 à 1989, je suis entrée dans l’Institut en 1989. J’ai fait un premier engagement en 1991 pour un an et un deuxième en 1992 pour un an. J’ai acquis une certaine maturité, une certaine stabilité, une certaine plénitude maintenant que j’ai fait un choix et que je me sens bien là où je suis. Je crois que c’est vraiment là où j’étais appelée."

"Je suis entrée à l’Institut depuis un an et demi. Extérieurement rien de changé mais ma vie intérieure alors prend une tout autre dimension. Toute l’énergie dépensée auparavant s’oriente et se focalise, prend un sens et s’installent une paix et une sérénité profondes. Une lame de fond revient en permanence au-delà des questions et des doutes. Cette direction prise s’assure par des signes extérieurs : rencontres, dialogues, paroles, comme des clins d’oeil qui assurent cette direction. J’ai décidé de laisser faire, de faire confiance et surtout de lâcher prise. Et en même temps, plus j’avance plus je me rends compte que l’Approche de Dieu se gagne de jour en jour. En effet, le radicalisme évangélique nous fait découvrir plus pauvres et nous demande d’accepter nos limites toujours plus perceptibles dans la volonté de cohérence de notre vie quotidienne et l’attachement à Jésus-Christ. Depuis un an et demi, établir le chemin parcouru n’est pas évident et ce qui est sûr c’est le développement d’une vie spirituelle plus intense."

"Onze ans depuis ma première rencontre avec les Instituts séculiers... Trois ans depuis ma consécration définitive... Je pense avoir mieux découvert et approfondi l’importance de la place et de l’engagement des laïcs dans le monde., pour le service de l’Eglise.
L’engagement dans le monde n’ôte rien à l’engagement dans l’Eglise, mais lui est un relais indispensable."

5 LA PERSPECTIVE DES ENGAGEMENTS PROPRES AUX INSTITUTS SECULIERS VOUS A-T-ELLE POSE DES PROBLEMES ?

"Pas vraiment parce que c’est ce que je cherchais. Surtout la discrétion : élément indispensable à ma mission. C’est du reste ce qui est le plus mal compris de la part d’amis prêtres. Mais il a fallu approfondir et expliquer. Et c’est nettement plus compliqué ! C’est aussi très enrichissant car on ne peut pas rester sur l’intuition de départ. Notre vocation s’inscrit dans quelque chose de plus vaste qui nous échappe en partie. Il faut rejoindre les autres, mieux se définir pour mieux comprendre le cadeau qui nous est donné."

"Etant encore en période de formation, je découvre et accueille ce qui m’est demandé, aussi il n’y a pas de problème particulier. Cependant la dimension vie fraternelle, due aux écarts d’âge n’est pas toujours évidente, ainsi que le fameux ’silence’ qui tourne autour de l’engagement de vie, revêt aujourd’hui un autre aspect."

"Non, pas précisément. Je pense que les trois engagements doivent être vécus autrement que d’une manière légaliste, selon la personnalité, la profession, le caractère de chacune. Les conditions de vie séculière de chacune étant différentes, la façon de vivre les engagements sera aussi différente. A condition que le tout se fasse dans le dialogue et la loyauté avec les responsables et autres membres. La seule difficulté, je la ressens dans le domaine du témoignage de pauvreté, par rapport à mes amis et collègues de travail en charge de famille qui me disent :’ Tu n’as pas de soucis, tu as tout ton salaire pour toi..."

6 AVEZ- VOUS PU PA RLER DE VOTRE DEMARCHE DANS VOTRE ENTOURAGE ? SI NON POURQUOI ?

"Une seule fois dans mon entourage professionnel à une personne qui devait partir quelques mois après. Je l’ai regretté car elle ne me considérait plus de la même manière. Il m’a semblé avoir perdu ce jour-là un peu de ma liberté d’agir. Je n’étais plus moi-même, mais plutôt un personnage. Une fois aussi auprès d’un ami. Il m’a dit qu’il s’en doutait depuis longtemps. Mais nos relations se sont tout de même modifiées. J’ai donc choisi d’être laïc et je dois jouer le jeu. C’est pourquoi je n’en parle qu’à ceux qui en ont besoin, ceux qui cherchent, par exemple."

"Oui : à mes parents. Tout au long de mon cheminement, à mon entrée et à mon premier engagement dans l’Institut ils étaient présents. Au prêtre de ma paroisse. A quelques prêtres ou religieuses qui ne connaissaient pas les Instituts séculiers. Mon Institut étant dominicain, j’en ai parlé à des Frères et Soeurs de l’Ordre et à des laïcs rencontrés au couvent des dominicains."

"Je n’ai pas parlé de ma démarche dans mon entourage, pour préserver ma liberté. De plus cela ne changerait rien sur le plan professionnel. Dans mes activités pastorales, je n’en parle pas pour les mêmes raisons. Seuls quelques amis sont au courant. Je reste à l’écoute de ce qui se vit, même dans les milieux ecclésiaux, sachant que cet état de vie est un peu inconnu et mal perçu. L’image de la ’fausse bonne soeur’ ou de la ’soeur chut chut’ est toujours présente, ce qui n’est valorisant ni pour les laïcs consacrés, ni pour les religieuses elle-mêmes."

"Oui car mon entourage proche (famille, amis) connaissait mon cheminement, ma recherche, mon désir de me consacrer à Dieu. Mes collègues de travail sont au courant, mais il est difficile de leur faire comprendre la différence avec un ordre religieux (travail en Foyer-logement - personnes âgées - aide-soignante). Ma réticence à en faire part à certaines personnes âgées est plutôt liée à la ’préférence’ ou quelquefois à un certain ’chantage1 au nom de la charité, qu’elles pourraient exercer à mon égard.
Il s’agit d’une génération qui comprend difficilement (surtout en Bretagne) la différence entre religieux et laïc consacré. D’autre part, je ne le cache pas car aujourd’hui le célibat seul ne va pas de pair avec la chasteté et beaucoup croient dans ce cas que je cache ’un petit copain’ ou que je n’en ai pas encore trouvé. ... Or je veux pouvoir témoigner que mon célibat est un célibat choisi et qui m’épanouit pleinement."