Tu as posé sur moi ta main


Prêtre et séculier

Je suis prêtre depuis 1981. A la suite d’une retraite spirituelle GEM, en janvier 1988 à La Flatière, j’ai senti l’appel à rejoindre cet Institut du Coeur de Jésus. Cela c’est le travail du Seigneur ! Comment en rendre compte ? Il y a comme quelque chose d’une conversion. Après on essaie d’expliquer. Il y a aussi cette joie d’un nouvel engagement pour le Seigneur au service du monde et de son Eglise. Les engagements :" chasteté, pauvreté, obéissance" et leur complément : la prière et la vie fraternelle, sont les moyens pour répondre à ce retournement. C’est mettre dans ma vie de prêtre des intonations particulières qui correspondent à un appel de Jésus à le suivre de plus près et me retrouver dans une famille spirituelle pour vivre cela.
Pourquoi ne pas avoir opté pour la vie religieuse ? Simplement parce que j’ai ressenti l’appel à rechercher "la perfection" évangélique au coeur même du monde et que je voulais être prêtre dans un Presbyterium diocésain, dans la diversité des originalités. Avant mon engagement je connaissais des prêtres du G.E.M. mais il y avait eu cette retraite d’élection de dix jours avec les séminaristes de 2ème cycle faite à Clamart en septembre 1978, où je découvrais la spiritualité ignatienne et le travail d’oraison. Le 8 avril 1979 j’y retournais seul pour une retraite de huit jours accompagné par un jésuite.

Il m’a pris tout entier, brisant avec douceur mes résistances.

Je retrouve déjà dans le bilan de cette retraite les éléments qui ont provoqué mon premier pas non officiel en 1988, mon entrée dans l’Institut en 1989 et mon premier engagement en 1992. Mais il y a encore tous ces autres temps forts : retraites de Taizé - Roche d’or, celles avec le séminaire... Deux années au mouvement ATD-Quart-monde, la découverte des mouvements de l’Action Catholique en Monde Ouvrier, de la non-violence et de l’objection de conscience... Ce sont des points de repère dans ma vie où je relis encore aujourd’hui la fidélité de Dieu. Fidélité que j’ai exprimée lors de mon premier engagement dans les GEM, à la retraite de L’Ile blanche, le 15 janvier 1992 que je vous livre :
"Personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler." Et nous voici comme un enfant tout joyeux et dépendant de ce bon vouloir de Jésus, de son Esprit qui chante le nom du Père et veut le faire connaître parce que ça lui fait plaisir. "Oui tu as posé sur moi ta main, tu m’as saisi par la main droite". Il m’a pris tout entier, brisant avec douceur mes résistances. Il m’a donné un sentiment de liberté qui m’a fait bondir d’allégresse et fait couler des larmes de joie. Marie est celle qui est là, mère du Christ, elle m’accompagne sur ma route en me tenant la main. Devant tant d’amour dont je bénéficie, comment ne pas me donner le plus possible, à la hauteur de ce qu’il me révèle, de sa miséricorde, sa tendresse et de son amour sans cesse renouvelés ? C’est lors de retraites successives que j’ai pu éprouver, faire le lien avec tous les dons que Dieu m’avait faits et qu’il me prodigue encore aujourd’hui. Il a une fidélité déconcertante et un respect pour moi.
L’oraison prolongée est ce temps où j’essaie de laisser mon coeur se façonner à son coeur. Avoir les mêmes sentiments que le Christ Jésus et sa mère. Et elle est réconfortante cette parole du Psaume 139 :
"que je loge au plus loin de la mer, même là, ta main me conduit, ta droite me saisit... tu as mis sur moi ta main." Moi l’antimilitariste, II m’a réquisitionné !

La prière devient alors un besoin, mais c’est dur d’y être fidèle tous les jours. Pourtant à travers ces heures passées à rechercher sa volonté, que de clarté dans sa réponse et ces appels ! C’est en quelques minutes à La Flatière, le 18 janvier 1988 qu’il m’a retourné comme une crêpe pour que j’entre dans les GEM. Tout s’est joué en ceci :"Et si c’était toi le pauvre ! ". Les pauvres n’étaient pas seulement ceux vers qui allaient son souci. Son souci c’était moi aussi. Une heure après, à ma grande surprise, je faisais un premier pas dans l’Institut du Coeur de Jésus , que je renouvelais l’année suivante sur le même lieu, par mon entrée.

Laïcs et prêtres nous étions à marcher ensemble sur les pas du Christ, à vouloir le suivre de plus près.

Mais si j’ai fait ce pas, c’est aussi et surtout à cause de l’équipe de partage où j’avais eu le bonheur de me retrouver avec un couple, une célibataire et des prêtres. Laïcs et prêtres nous étions à marcher ensemble sur les pas du Christ, à vouloir le suivre de plus près. Ecouter ces laïcs raconter leurs transformations, leurs soucis de répondre à l’appel de Dieu au coeur même de leur profession, de leurs engagements dans le monde a été pour moi une révélation. Cet émerveillement d’un Dieu à l’oeuvre dans des laïcs consacrés, au service du Christ et des hommes, se réalise encore à chacun des partages et dans le Groupe que nous formons entre Hayange-Thionville-Lunéville - Nancy.
J’ai aussi apprécié le travail de l’Esprit, la grande fraternité et l’humilité des prêtres du GEM. De cette vie fraternelle en GEM, j’en ai eu une exceptionnelle confirmation durant cette retraite. Dans la nuit de dimanche à lundi, je me suis réveillé en découvrant que j’avais des frères et des soeurs qui vont m’aider à avancer dans la sainteté, qui vont me guider, me soutenir, m’accompagner pour suivre le Christ de plus près. Suivre le Christ de plus près, c’était en 1989 mettre mes pas dans ses pas. En 1990 c’était un Dieu qui m’acceptait comme je suis et qui m’invitait à m’accepter comme je suis. Accepter de ne pas tout comprendre et voir de la réalité qui m’entoure, accepter mes limites... quelle libération !
1991 : retraite à St Gildas de Rhuis, en pleine guerre du Golfe (janvier 1991). Décision dans la joie pour Son plus grand service et le service de la paix de jeûner les premiers vendredis de chaque mois ou un autre jour.

Aujourd’hui nous nous rencontrons régulièrement en équipe GEM avec un couple : Michel, Francine et leur fils François-Xavier à qui j’avais écrit en janvier 1988 pour les inviter à rejoindre une équipe sans penser à ce moment-là que l’appel était aussi pour moi. Je me suis décidé quelques heures après ! Dans cette équipe il y a aussi Nicole et Brigitte, célibataires et Gilbert et moi, prêtres. Et nous sommes heureux d’accueillir d’autres personnes dont Pascal, diacre abonné à cette revue Jeunes et Vocations. Toute cette équipe me met en relation d’une façon particulière avec l’école, l’enseignement, la santé, la pauvreté, l’insertion pour les jeunes...

Je n’ai pas encore parlé de la chasteté : c’est ce regard du Christ sur l’homme riche dans Marc 10,21 :
"Alors Jésus fixa sur lui son regard et l’aima". Il l’aima en lui laissant toute sa liberté, toute ma liberté... De même ce regard sur Pierre, après son triple reniement et les trois fois : "M’aimes-tu ?".
L’obéissance : c’est la Croix. Accepter les événements. C’est tout l’aspect de la sécularité. Le 25 septembre 1978, j’écrivais : "j’ai du mal à arriver jusqu’à la Croix". Aujourd’hui, au côté de la Vierge Marie, je peux rester devant, car elle me soutient et au-delà de la mort, me montre son Fils renouvelant toute chose à l’image de cette icône que nous avions sous les yeux ces derniers jours (icône de la Résurrection).

Une Eglise que je ne cesse d’aimer toujours un peu plus...

Toutes ces expériences sont pour moi autant d’appels à faire connaître le Seigneur. Ma mission auprès des enfants de l’Action Catholique des Enfants du monde ouvrier, ainsi que le travail paroissial sont ces lieux où j’essaie de vivre ces trois termes : Christ - monde - Eglise.
"Par une participation sans cesse actualisée au Mystère Pascal et à la Mission du Christ qui se poursuit dans et pour le monde, objet de son amour, au sein de son Eglise, sacrement de Salut."
Une Eglise que je ne cesse d’aimer toujours un peu plus...

Pour les canonistes et les juristes, j’ajouterai que c’est avec grande joie que je m’engage dans la pauvreté, la chasteté, l’obéissance, la vie fraternelle, la mission, l’oraison prolongée... le tout dans l’humilité et la progression à laquelle le Seigneur voudra bien m’appeler.
Je prends ce premier engagement pour une période de deux années. Je serai alors ouvert à faire un pas de plus, suivant la volonté de Dieu (en 1994 j’arrête mon mandat ACE/MO).

Gloire soit rendue au Père, au Fils et à l’Esprit Saint. Merci à Marie, notre éducatrice.