Jeunes générations, ressources et fragilités

Il n’est pas possible de parler des ressources et des fragIlités des jeunes, sans tenir compte de l’environnement social dans lequel elles s’expriment et se vivent. Il y a toujours interaction entre l’univers social et un itinéraire singulier. Il convient donc de repérer ce qui se passe quand ces deux séries de données viennent en confrontation.

Dans le monde de la culture d’aujourd’hui, des signaux à repérer

C’est trop peu dire que la complexité du monde d’aujourd’hui pose quelques problèmes au vécu de la foi chrétienne ! Dans ce contexte de rationalité et de technicité passionnant et difficIle, l’Église semble hésiter entre des réactions de type fondamentaliste et charismatique, d’autres plus dogmatiques, d’autres enfin qui seraient davantage du côté de la gestion des diversités, celles-ci étant de plus en plus disséminées dans le tissu social. D’emblée la question est de savoir dans quelle mouvance ecclésiale, un projet de vocation cherche à se dire et à prendre forme.

Ce premier regard spécifiquement ecclésial, ne peut faire oublier qu’une grande majorité de nos contemporains se situe au quotidien hors du champ religieux, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de ce côté-là un désir de transcendance. Mais ce qui est récusé ici, c’est un certain appareillage symbolique ritualisé dans des groupes stables et fortement définis. Ce type d’homme suggéré ici est au versant de la modernité, et la question qui s’ouvre alors est de savoir si la foi chrétienne peut trouver ses chemins dans cet univers. Quand s’élabore un projet de vocation, comment est réfléchi et prise en compte cette dimension de la modernité ? S’il est vrai que l’amour de Dieu ne va pas sans un authentique amour des réalités humaines.

Sortons de ce clivage "vie ecclésiale-modernité" car d’autres signaux peuvent retenir notre attention, et ceux-ci nous traversent plus ou moins clairement. Du côté des médias celles-ci nous donnent à voir et à entendre des personnalités du monde scientifique, technique ou phIlosophique qui en viennent à poser à la conscience individuelle des questions jusque-là réservées aux Eglises, à propos de l’immense, de l’absolu, de la vérité, ou de l’éthique (cf. les interviews récents de H. REEVES, l’astrophysicien, de TESTARD le biologiste, de M. SERRES le phillosophe). Y aurait-il un réseau des intelligences qui au-delà des limites de chacune de ces spécialités donnerait du sens au monde qui vient ? Si cela est c’est la place et les effets des paroles d’Église qui se trouvent interrogés.

Un mouvement semblable paraît se dessiner du côté associatif. On y remarque des forces qui permettent des confrontations positives et des regroupements. Y aurait-il là de nouveaux réseaux qui prendraient le relais de ces groupes précédemment marqués par l’identitaire ? Ceci pourrait expliquer tout à la fois la dureté de certains rassemblements qui s’accrochent à leur identité, et bien d’autres jeunes qui passent sans trop de problèmes d’un groupe à l’autre.

Plus précisément du côté jeunes, on peut remarquer que le milieu social est moins déterminant qu’il y a quelques années. L’école, les médias, les phénomènes de consommation provoquent une certaine homogénéisation. Les différences se remarquent du côté du style de musique, de loisirs et de vêtements. Ils sont ainsi traversés et métissés par une diversité d’éléments culturels, plus ou moins intériorisés, ce qui ne rend pas la tâche facile, pour aller à la rencontre de sa propre identité et de son choix de vie. Pour vivre positivement "métissé" il faut toujours quelque part une "identité" clairement reconnue.

Ces quelques signaux repérables dans notre tissu social interrogent et modifient les mentalités dans plusieurs directions.

Ce qui est touché ici, ce sont les systèmes relationnels. L’important est moins l’autre et ce que je suis dans une relation définie, que ce qui peut faire "lien" entre deux sujets.

La rationalité, et la technicité dont il est question, sont tout autant des buts à atteindre ou des moyens à employer, que des espaces de vie de l’intérieur desquels l’homme adhère à un système de valeurs, et peut se risquer à une parole de sens.

Le mode d’images et de consommation dans lequel nous nous trouvons, nous pousse à vivre au versant de l’émotionnel (avec le risque d’oublier la vérité qui surgit de la dimension relationnelle). La vérité des choses et des êtres se fait là autrement. Elle naît davantage du côté de la confrontation, de l’expérience, de l’hypothèse, et moins sans doute à coups d’arguments d’autorité et de sens acquis.

En définitive ces quelques traits veulent simplement indiquer les changements culturels dans lesquels nous sommes pris que nous le voulions ou non, que nous en soyons conscients ou non. Partant de là nous pouvons entrevoir du côté "jeunes" les valeurs qu’ils accueillent volontiers, les ressources qui sont les leurs, et la façon qu’ils ont de les mettre en oeuvre pour envisager un choix de vie. Nous commencerons ici par les "ressources" des jeunes générations, car il vaut mieux d’emblée se situer au versant de l’espérance (1 P 3, 15).

Côté jeunes, des ressources à repérer

Leur façon d’être et de choisir dans le quotidien, fait apparaître de leur part un double souci de pragmatisme et de transcendance. Le goût des choses simples et de l’efficace, voisine avec cette conviction qu’il y a un "ailleurs" et un "autrement" qui peuvent fonder un certain bonheur de vivre. Quand il s’agit de transcendance, il n’est pas forcément question de la révélation chrétienne, et si l’on s’aventure à parler de ce côté-là de "retour du religieux", il vaut mieux rester attentif à tous les archaïsmes qui risquent alors de s’exprimer. Finalement ce pragmatisme et cette transcendance ont comme effets positifs de mettre en interaction les besoins de l’individu et l’environnement. C’est à partir de là que de nouveaux systèmes de valeurs se mettent en place à partir desquels des ébauches de choix de vie sont envisageables.

Ces traits de mentalité décrits ci-dessus poussent les jeunes générations à être plus autonomes, et du même coup méfiants par rapport aux systèmes. Les valeurs reconnues sont plus intériorisées. Les gestes de la vie acheter, travailler, consommer, créer, produire, sont beaucoup plus liés aux besoins des individus et plus distancés par rapport aux idées imposées par l’éducation, les médias ou les groupes fortement identitaires.

Ces façons d’être côté jeunes, peuvent rencontrer des réalités ecclésiales. Celles-ci sont alors intéressantes dans la mesure où elles peuvent faire vite et profond pour satisfaire des besoins spirituels, en proposant des valeurs évangéliques bonnes à vivre dans l’ici et le maintenant. C’est ainsi qu’on trouve des appels de vocation qui peuvent se formuler davantage du côté d’un certain art de vivre, et secondairement du côté de la mission.

Le style d’études (équipe de recherche dans un laboratoire, travail collectif sur un même projet, etc.) comme certaines formes de loisirs (groupe de musique par exemple) ou de vie ensemble (logement communautaire de plusieurs couples) permettent aux jeunes de faire l’expérience que le tout est plus riche que ses parties (c’est le concept de synergie ou 1 + 1 = plus que 2 !!). Ce qui se joue ici dans ces façons de vivre, ce n’est pas seulement une action, mais une nouvelle conscience des gens et des choses.

Bien évidemment la structure ecclésiale a une longue pratique du communautaire, mais est-elle prête à épouser concrètement cette évolution de mentalité qui se desine et s’organise un peu partout ? Le primat de l’action, l’investissement institutionnel et l’âge moyen souvent élevé des participants sont des freins, à ce regard renouvelé du communautaire.

Il n’est pas nouveau de dire que les jeunes générations sont sensibles aux mouvements des choses et des êtres. A côté d’un appel de vocation qui peut toujours compter sa part de rêve et de peurs plus ou moins exprimés, il y a cette dimension "d’une relation transformante sans cesse en marche". Mais alors qui sont-ils ces hommes ou ces femmes de l’évangIle qui, dans l’Église, sont de véritables points de repère, sinon des croyants qui "marchent leur vie" avant d’en faire des discours ! Me revient à l’esprit cette réaction de jeune par rapport à son aumônier de lycée : "Ce qui m’intéresse d’abord, ce n’est pas que tu sois aumônier de lycée, mais que dans ta façon de vivre et de croire, tu puisses changer de point de vue, et faire autre chose que d’être tout le temps avec nous."

Dans ces évolutions, dans cette complexité, les jeunes générations quand elles regardent vers le Christ, cherchent en lui une trajectoire de vie qui permette tout en même temps de trouver sens, et d’unifier sa propre existence. Le pragmatisme et la transcendance reviennent ici. Le Christ cherché est moins l’ami ou le confident, le tout autre ou l’inaccessible, que celui qui offre à vivre et à penser l’ici et le maintenant. Ce qui est dit et vécu doit être fort, ponctuel et gratuit. C’est la trace laissée alors de ce genre de souvenir, qui s’ajoutant à d’autres produira de la durée. Par rapport à la personne du Christ, durer avec lui, c’est ajouter cette succession d’instants signifiants. Ce qui vaut c’est le sentiment de soi qu’on peut avoir par rapport au Christ qui invite sans cesse bien au-delà de cette expérience du moment.

Côté "jeunes générations" il y a donc de multiples ressources qui sont à accueillir. Nous les avons repérées ici en regardant les évolutions de mentalités, les valeurs vécues, les systèmes relationnels et le rapport au Christ.

Si l’on se situe du côté de l’animation, il s’agira d’être attentif aux langages et aux actions produites par les jeunes, finalement à ce qui les passionne dans leur quotidien. Ceci pour deux raisons.

La première est d’ordre théologique. Ce qui spécifie notre foi chrétienne c’est d’adhérer à un Christ fils de Dieu qui a voulu se dire et se révéler du cœur de l’humanité. Regarder du côté des ressources des jeunes générations c’est ainsi faire mouvement vers cette part d’humanité qui se donne à voir, qui grandit et qui raconte quelque chose du mystère de Dieu.

La deuxième raison prend directement sa source dans la pratique du Christ. C’est au cœur d’une passion d’existence qu’il parle toujours au cœur de l’homme. Là où l’homme investit ses énergies, le Seigneur s’approche. A Zachée passionné d’argent, Jésus parle, à la Samaritaine traversée et meurtrie de ses amours, Jésus parle, à Nicodème assoiffé de vérité Jésus parle, et à tant d’autres dans l’évangie !!!

Si l’on se situe du côté de la formation la tâche est plus complexe. Les ressources des jeunes générations qualifient un moment de l’histoire, elles ont donc à trouver place dans un développement historique plus vaste. Par ailleurs ces possibIlités vécues du côté des jeunes le sont souvent de façon spontanée et instinctive. Il y a nécessité de les mettre en mots, et parfois même de les évangéliser.

Il me semble que ce triple travail d’évangélisation, de langage et d’histoire, permet à un projet de vie de prendre son visage et son sens.

Constater et gérer des fragilités.
Des accompagnements possibles et souhaitables

Les lignes qui précèdent voulaient faire un certain constat des ressources des jeunes générations leur permettant de formuler et de structurer une orientation de vie. Partant de là, nous venons de voir quelques axes d’accompagnement. Tout ceci n’empêche pas de repérer des fragilités, celles-ci sont aussi à accueillir et à gérer dans le cadre de l’animation, ou dans celui d’un accompagnement plus individualisé.

Il y a des fragilités qui tiennent à l’univers mental dans lequel les jeunes sont situés. S’ils viennent d’un univers fondamentaliste, leur rigueur morale, doctrinale ou sociale risque de les rendre fragiles et imperméable aux questions de notre monde. Un groupe d’accueil où chaque partenaire peut en interpeller un autre permet souvent d’assouplir ces rigidités, qui ne sont souvent que des peurs difficiles à reconnaître.

D’autres jeunes peuvent être issus de ce catholicisme éparpillé dans lequel chacun a puisé selon les besoins du moment : conférences, sessions, livres ou films, grands rassemblements, ou week-end. Tous ces moyens ponctuels peuvent fragiliser par rapport à une dimension historique plus longue et plus distancée par rapport à l’individu. L’accompagnement individuel peut aider à re-situer ces instants signifiants dans le temps plus vaste de la société et de l’Église.

D’autres encore ont grandi dans des groupes ou des mouvements à tendance éducative et spirituelle. L’orientation de vie se cherche alors dans un contexte de croissance globale. Des fragilités peuvent alors se faire jour dans l’après coup de ces groupes très porteurs, quand il y aura la rencontre d’hommes et de femmes développant leur trajectoire de vie de façon tout à fait positive, mais sans aucun besoin de Dieu.

D’autres enfin ont pu vivre des expériences de marginalités ayant laissé des blessures durables. La fragilité physique et psychique s’y trouve pratiquement définitive. S’il y a projet de vocation, est-ce pour oublier ? dépasser ? ou réparer ? Un fin discernement est ici nécessaire.

Bien évidemment il y a toutes les fragIlités d’ordre psychologique. Des vécus de divorces, des ruptures affectives, fragilisent pour longtemps tout ce qui peut se dire et se vivre par rapport à un engagement et à sa durée. Une certaine absence de figure paternelle, ou son excessif retour à travers des modalités contestables peuvent induire des préférences du côté d’expériences et de relations maternantes. Toutes choses qui empêchent une authentique autonomie, et qui fragilisent la stabilité et la durée des liens.

Au niveau relationnel un certain déclin institutionnel, au bénéfice d’organisations fonctionnant davantage sur le modèle du réseau provoque un surinvestissement de l’expérience, de l’affectif, quelquefois au détriment d’une dimension plus rationnelle. A cela s’ajoute la peur du conflit, où il vaut mieux ne rien se dire que de prendre le risque de se poser dans sa différence. Ces deux séries de données rendent plus difficiles la structuration d’une personne dans sa singularité et l’originalité de sa parole et de son destin.

Si maintenant nous jetons un coup d’œil du côté de la sexualité, là encore nous pouvons repérer quelques questions. A travers l’éducation, l’évolution des mœurs, et les découvertes biologiques récentes, les jeunes générations ont généralement un discours et des pratiques qui privilégient les notions de croissance et d’évolution. Toutes choses que l’Église dit aussi à propos de l’amour, en réservant une parole sans doute plus restrictive quand il s’agit de sexualité. Cet écart dans les discours, dont on voit bien la nécessité par ailleurs, n’est pas sans poser des difficultés, pédagogues et accompagnateurs en font l’expérience tous les jours.

Il y a aussi la question du corps. Certains discours, mais aussi les médias donnent à voir du corps un aspect bien idéal, parfois même imaginaire. Le corps y est alors présenté, à travers des codes bien précis. Le dire et le voir sur le corps sont-alors si prégnants qu’ils risquent bien d’empêcher l’individu de se l’approprier pour lui-même et par rapport à son histoire. Il y a là des effets de capture qui peuvent induire des dissociations intérieures difficiles à dépasser.

Les jeunes générations sont aussi traversées par les fragilités de notre époque. D’une certaine façon ils en sont les révélateurs et les victimes.

Ceci est remarquable au plan de l’éthique. Dans la mesure où les Eglises ne sont plus les seuls relais de cette dimension, alors nous nous trouvons au cœur d’une diversité et d’une complexité, à l’intérieur desquelles il s’agit de faire son chemin. S’il s’agit d’orientation de vie, il y a un travail de discernement à opérer, qui doit prendre en compte l’histoire singulière du sujet avec ses appartenances sociales et religieuses, mais aussi et en même temps, les questions neuves qui viennent traverser et questionner cet itinéraire. Le débat est sérieusement ouvert, pour des étudiants en biologie ou en économie par exemple. Pour certains d’entre eux c’est la fiabilité de l’ÉvangIle qui est parfois en cause. Ils ont difficulté à articuler la cohérence et la complexité de la modernité dans laquelle ils sont, avec la vérité évangélique ; à trouver du cœur de cette modernité une parole singulière et collective prenant source dans cet Evangile.

On peut enfin se demander si même certains aspects de la réalité ecclésiale ne suscitent pas chez les jeunes générations quelque fragilité. N’y a-t-il pas trop de "discours" et ceci au détriment de "parcours" qui favoriseraient davantage l’intégration et l’intériorisation d’expériences diverses ? Y a-t-il assez d’espaces d’innovations qui permettent à de jeunes générations d’être des minoritaires heureux ? Le pessimisme de certains discours par rapport au monde, n’empêchent-ils pas de se situer avec bonheur et lucidité au versant de l’incarnation ?

Ces deux espaces de l’éthique et de l’Église sont tout à la fois remplis de ressources et de fragilités. Ils jouent fort dans un accompagnement pour une orientation de vie. Au travers d’une parole singulière, cette double écoute permet souvent d’envisager des "moyens" permettant de gérer et de dépasser ce genre de fragilités.

Il y a donc des accompagnements possibles et souhaitables.

En me situant d’abord dans un contexte d’animation, j’insiste ici sur la célébration. Celle-ci en effet constitue un espace et un temps où ressources et fragilités peuvent s’articuler en prenant sens par rapport à la personne de Jésus-Christ. La célébration rassemble mais elle appelle à un ailleurs ! Ce jeu d’altérité et de proximité qui soutient la dynamique d’une célébration, permet d’accéder à une symbolisation. Le risque d’enfermement sur les ressources (nous serions alors au versant de l’action de grâce) ou les fragilités (nous serions alors au versant du salut et de la rédemption) est comme dépassé. L’acte de célébrer est la mise en mots et la mise en actes de la vie qui est et qui vient. Rites et paroles aident à cette ouverture et inscrivent dans l’histoire.

Au fil des années, à travers de multiples générations de jeunes, les célébrations ont toujours été le signe et la trace d’une croissance spirituelle, d’une ouverture du cœur dans la prière, et l’occasion de dire et d’entendre des paroles fortes donnant à voir de l’avenir. A travers elles l’existentiel, le rituel, le spirituel trouvaient en même temps leur place et leur langage.

Ceci suppose une certaine qualité de préparation et d’exécution, une écoute rapprochée du quotidien des jeunes, une recherche spirituelle personnelle. Bien évidemment je n’oublie pas d’autres moyens. Ici je n’ai voulu insister que sur cet acte de célébration car il tient à la fois de l’éveil à Dieu et du parcours initiatique aux choses de la foi. Eveil et initiation sont deux axes pédagogiques majeurs par rapport aux jeunes générations.

Venant maintenant du côté de la formation, et compte tenu de tout ce qui précède, il m’apparaît essentiel de situer ici quelques aspects essentiels de la pratique d’écoute.

Il y a là une dimension fondamentale. Tendre l’oreille à une histoire singulière ou dans un cadre collectif, c’est aussi accepter une aventure pour soi. On ne sort jamais indemne, quand on se risque sur le terrain de l’autre. Mais alors n’y a-t-il pas à se demander sans cesse pourquoi on écoute l’autre ? Pour aider ? accompagner ? Juger ? soigner ? orienter ? Dans cette attention à l’autre toutes ces places sont possibles mais pas toujours en cohérence avec le but poursuivi. Un jour ou l’autre celui qui accompagne, ne peut rien faire d’autre que d’entreprendre un travail sur lui-même.

Dans ce travail d’écoute l’alternance groupe-individu est essentielle. La relation individuelle porte en elle des risques de maternage, et tous les phénomènes de transferts qui ne sont pas toujours faciles à clarifier. Un vécu de groupe peut alors aider le sujet, car il provoque un écho amplifié des paroles singulières, et permet une certaine objectivation sociale. Malgré cela il peut toujours devenir un système clos et protecteur. C’est dans un mouvement d’alternance individu-groupe, qu’une orientation et un choix de vie peuvent se formuler, qu’une histoire peut se dire et se faire.

Du côté de la formation et des formateurs soucieux de l’accompagnement de plus jeunes, il faut aussi noter l’importance d’expériences ecclésiales diverses, ponctuelles et évaluées. Cela permet tout à la fois de concrétiser l’Église et d’en relativiser les modalités d’expression. Là encore c’est le mouvement engagement et prise de distance qui vaut. Le sens vient de l’intériorisation de ce mouvement. Une orientation de vie se dessine et se structure, avec la somme de ces diverses expériences.

Il est vrai qu’à ce niveau deux pédagogies peuvent entrer en concurrence. L’une serait plutôt du côté de la rupture et de la distance pour préparer un avenir. l’autre ci-dessus décrite épouse le mouvement de la vie, et dégage des significations du cœur de ce mouvement. Il n’est pas sûr qu’il faille opposer aussi durement ces deux problématiques, mais sans doute faut-il être au clair sur les attendus de la direction prise, car au bout du compte, ce n’est pas le même profil de croyant qui risque d’advenir !

Ces éléments de réflexion à propos des ressources et fragilités des jeunes générations ont voulu se situer en tenant compte tout à la fois des mutations socioculturelles d’aujourd’hui, mais aussi en proposant quelques repères ou points d’attention.

Le terrain, les gens, les évènements, qu’il s’agisse des jeunes comme des accompagnateurs constituent le réel quotidien. Chaque paragraphe de ces pages ne prend sens qu’au risque de cette confrontation.

En définitive c’est "de-venir" qu’il s’agit !