Prêtre de la Communauté de l’Emmanuel


Dominique REY,
prêtre, responsable des prêtres de l’EMMANUEL

La communauté de l’Emmanuel rassemble environ 4 500 membres (dont 2/3 résident en France), laïcs pour la plupart, engagés dans le monde dans une vie sociale et professionnelle et qui cherchent à se consacrer à Dieu dans une vie fraternelle marquée par l’adoration eucharistique et des oeuvres de compassion et d’évangélisation.
Dans le cadre de la vie et des activités de la Communauté de l’Emmanuel naissent des vocations au célibat consacré (90 sœurs consacrées) et des vocations sacerdotales (50 prêtres et près de 100 séminaristes).
En tant que responsable de la branche sacerdotale de la Communauté de l’Emmanuel, je voudrais situer la place, le statut et le ministère des prêtres en le référant au préalable au cadre général de vie et de cheminement de l’ensemble des membres de la Communauté.

L’appartenance à la Communauté de l’Emmanuel

La Communauté se définit dans son statut ecclésial et dans sa mission particulière selon trois dimensions :

  • UNE IDENTITE SPIRITUELLE marquée par la spiritualité du Cœur de Jésus dans la tradition de Paray-le-Monial, et vécue à travers l’expérience de l’effusion de l’Esprit (qui s’analyse comme un renouvellement de notre consécration baptismale par un accueil renouvelé de la vie dans l’Esprit, dans une attitude d’abandon filial et de disponibilité pour la mission et le service des frères). Spiritualité à la fois eucharistique et apostolique, vécue et consacrée au milieu du monde.

  • UNE VIE COMMUNAUTAIRE qui rassemble diverses vocations et états de vie :
    personnes mariées, célibataires, hommes et femmes engagés dans le célibat pour le Royaume, diacres permanents, séminaristes et prêtres.

    Cette vie communautaire implique parfois une communauté de résidence sous un même toit (maisonnées de quatre à cinq personnes), mais le plus souvent elle prend une forme non résidentielle plus adaptée au mode de vie des laïcs. Les rencontres communautaires chaque mois sont l’occasion de partage et de prière fraternelle, de formation pastorale et spirituelle pour les membres de la Communauté résidant dans une même région ou une même province. L’insertion dans la vie communautaire se fait par plusieurs étapes de cheminement et de probation avant l’engagement au sein de l’Emmanuel que l’on renouvelle chaque année.


  • UN ENGAGEMENT APOSTOLIQUE.
    La vie communautaire de tous les membres de la Communauté s’exprime également par un apostolat diversifié dans le cadre des missions qui nous sont confiées par les évêques ou les responsables pastoraux d’un diocèse (animation paroissiale, catéchèse, oeuvre caritative, aumôneries...) ou bien également au service des oeuvres propres de la Communauté : groupes de prière, sessions internationales de Paray-le-Monial chaque été, fondations apostoliques (Amour et Vérité pour la pastorale des couples, Jeunes pour Jésus, Présence et Témoignage pour la pastorale du monde du travail, Fidesco pour la coopération missionnaire et humanitaire).

    Toutes ces activités sont des lieux significatifs d’expression de la vocation de la Communauté de l’Emmanuel. Celle-ci donne les bases de structuration humaine de la personne dans le contexte d’une vie fraternelle et ecclésiale, à partir d’un cheminement spirituel. Elle propose à ses membres de porter un témoignage de vie et parfois de parole en étant inséré dans une vie sociale, culturelle et professionnelle.

    Chaque membre de la Communauté est ainsi amené à reconnaître et à déployer personnellement cette triple dimension qui définit son lien avec la Communauté dans la complémentarité des vocations et des états de vie.
    De ce fait, la Communauté de l’Emmanuel n’est pas une simple famille spirituelle qui fonctionnerait avec un lien affinitaire de ressourcement. Elle n’est pas non plus un institut religieux qui cantonnerait les laïcs et les familles dans une situation d’oblats ou de tiers ordre. La spécificité fondamentale de la Communauté tient précisément à cette articulation organique et apostolique des divers états de vie, au sein d’un même ensemble communautaire.

 

La vocation des prêtres au sein de la Communauté

  • STATUT PARTICULIER DES PRETRES
    Les prêtres de la Communauté sont d’une part incardinés dans un diocèse au service de la mission qu’ils reçoivent de leur évêque et, d’autre part, ils sont membres de la Communauté, association de fidèles qui est accueillie dans le diocèse.

    Leur affectation apostolique est décidée par leur évêque en concertation avec les responsables de la Communauté et elle tient compte de leur appartenance communautaire.


  • LE CONTENU DE LA VIE COMMUNAUTAIRE DES PRETRES
    Comme tous les membres laïcs de la Communauté, le prêtre s’engage à un temps d’adoration eucharistique, il est soutenu par un accompagnateur qu’il choisit en accord avec la Communauté et qui l’aide à vérifier et à structurer son cheminement communautaire.

    Chaque prêtre fait partie d’une maisonnée de type résidentiel (communauté de vie à 4 ou 5) ou de type non résidentiel suivant les cas. La vie résidentielle avec d’autres prêtres s’impose naturellement lorsqu’une mission commune, est confiée à plusieurs prêtres (cf. paroisse de la Trinité à PARIS) La maisonnée non résidentielle rassemble chaque semaine ou chaque quinzaine cinq ou six membres de la Communauté, géographiquement proches, pour une réunion de prière, d’échange spirituel et de partage de vie.

    Dans la mesure de leurs disponibilités pastorales, les prêtres participent chaque mois aux rencontres régionales de formation communautaire. Ce sont des week-ends de récollection et d’approfondissement pastoral avec les autres membres de la Communauté.

    Les prêtres de la Communauté se retrouvent régulièrement (une ou deux fois par an) pour réfléchir sur leur ministère au sein ou en lien avec la Communauté.


  • PRETRES ET LAÏCS, ENSEMBLE
    L’originalité ecclésiale de la Communauté tient dans cette articulation organique et apostolique des prêtres et des laïcs, qui n’est pas une juxtaposition linéaire ou organisationnelle des divers états de vie (par exemple aux prêtres le culte et aux laïcs la présence dans le monde). La Communauté est signe elle-même du mystère de communion de l’Eglise.

    L’Eglise n’est pas une réalité qui plane sur nos têtes. Elle déploie sa dynamique et réalise sa communion au travers des communautés qui manifestent sa présence. Cette variété merveilleuse (Lumen Gentium n°32a) de vocations, d’états de vie, de charismes... qui dit et façonne l’Eglise comme communion, se donne à vivre dans un ensemble communautaire comme l’Emmanuel, aussi diversifié dans sa composition, dans son apostolat, dans son implantation internationale (1/3 des membres de l’Emmanuel vivent hors de France).

    Concrètement à travers les rencontres, les activités de la Communauté, nous participons à ce mystère de l’Eglise comme une grâce de communion et une tâche à accomplir sur le chantier du monde. Telle est la raison d’être et le premier témoignage de la vie communautaire.

    Cette communion fraternelle s’exprime dans une égale dignité qui découle de notre consécration baptismale commune, qui fait de nous une "nation sainte, un peuple sacerdotal". Suivant sa vocation particulière, chaque membre de la Communauté vit la dynamique de son baptême dans la condition propre qui est la sienne : la condition de laïc avec un réel souci d’engagement dans le monde, la situation de prêtre qui se fait serviteur du peuple que Dieu s’est acquis afin qu’il devienne Corps du Christ et Temple de l’Esprit par l’annonce de la Parole et la célébration des sacrements, la place des consacrées dans le célibat qui signifie l’urgence du Royaume, sa priorité dans toute entreprise humaine et la radicalité de l’Evangile.

    Le prêtre n’est pas l’aumônier ou le conseiller spirituel de la Communauté. Celle-ci n’est pas un champ d’apostolat dans lequel il investit une part de son ministère. Mais il se situe d’abord vis-à-vis des autres membres laïcs comme un frère de communauté à part entière (non pas au-dessus ou à côté), personnellement engagé dans une recherche commune de sainteté et de témoignage fraternel qui fonde sa consécration sacerdotale.

 

La mission des prêtres de la Communauté

La présence et le témoignage de vie des frères laïcs de la Communauté stimulent ses prêtres à s’enraciner dans leur vie sacerdotale propre, sans biaiser ou "s’installer", en faisant l’économie du don de soi. L’engagement des laïcs au sein de la Communauté ou à l’extérieur maintient une exigence de sainteté et de radicalité qui tonifie le ministère du prêtre.

La fréquentation des familles contribue également à "poser" affectivement la vie du prêtre et à situer et vivre son célibat. Le contact des laïcs avec les réalités sociales, culturelles et professionnelles invitent le prêtre à rejoindre les attentes du monde, à y incarner son ministère afin d’y mieux annoncer le Christ.

  • Le prêtre est signe et garant de la communion fraternelle au sein de la Communauté.
    Il veille à l’unité en particulier dans cette attention pastorale à l’égard des plus pauvres qui ont parfois des difficultés à situer leur place à l’intérieur de la Communauté, à suivre le rythme de ses activités. Il ne fait acception de personne.

    Veiller à l’unité suppose ressourcement du sacrement de l’unité qu’est l’eucharistie. Cela requiert également un sens de l’Eglise car l’unité au sein de la Communauté est référée et portée par la communion à l’Eglise dont le prêtre est fait serviteur. Le prêtre par sa simple présence signifie et façonne cette référence à la communion ecclésiale. Il évite a la Communauté de se boucler sur elle-même, de vouloir "faire Eglise" à elle seule. N’y aurait-il pas une tentation redoutable pour une communauté riche en multiples vocations et activités de se substituer subtilement au mystère de l’Eglise et de constituer un en-soi autonome ?

    Le prêtre manifeste l’ouverture de la Communauté à plus grand qu’elle et à d’autres communautés et sensibilités. Il est le garant de la communion universelle car il porte le souci de l’ouverture ecclésiale de la Communauté.


  • Le sacerdoce du prêtre ne vient pas de la Communauté à laquelle il appartient même si celle-ci a été le terreau porteur de sa vocation, l’espace spirituel et fraternel dans lequel il puise la fécondité de son ministère. Son sacerdoce vient d’ailleurs. Il agit "au nom du Christ-Tête en personne" (P.O.n°8) et la Communauté ne se construit qu’à l’initiative du Christ. Le prêtre signifie la source et l’origine ultime de la Communauté qui est un don de Dieu. Le ministère du prêtre recentre la Communauté sur le Christ. Il signifie par sa personne et actualise par son ministère la grâce du Christ, qui seule "fait la Communauté".

    Le risque qu’une communauté fasse ses oeuvres et s’autolégitime dans ses activités provient ultimement de l’oubli de cette référence au Christ. Le prêtre rappelle que la Communauté est intrinsèquement servante du Christ. Par le ministère des prêtres, le Christ donne la vie à ses frères et sœurs de la Communauté, les nourrit par l’annonce de la parole et par les sacrements, les enseigne et les guide.


  • Le prêtre engendre les hommes à la foi par l’annonce de la Bonne Nouvelle du Christ et par les sacrements (1 Co. 4, 15) .
    Cette responsabilité pastorale est irréductible aux autres tâches techniques qu’il peut exercer. Le rapport laïc-prêtre situe leur collaboration dans une dimension de paternité spirituelle et pastorale.

    Le prêtre déploie cette paternité non seulement dans l’ordre de la vie sacramentelle mais aussi dans le service de direction et de conseil spirituel particulièrement important au moment de l’accueil des personnes peu structurées sur le plan humain, qui manquent notoirement de formation et de repères spirituels, et poursuit ce travail d’accompagnement au cours de leur cheminement dans le cadre de la Communauté.


  • Au sein de l’Emmanuel, le prêtre a un rôle très important dans le cadre de la formation doctrinale et spirituelle, dans la préparation aux sacrements où sa responsabilité pastorale se trouve engagée de manière imprescriptible et dans l’éveil des vocations.

    Ses enseignements, son souci et son suivi des personnes remplissent une fonction essentielle de maturation et de cheminement. Beaucoup de laïcs de la Communauté mettent les prêtres au contact de personnes qui découvrent ou re-découvrent la foi chrétienne, mais qui ont besoin d’objectiver, de structurer et d’intégrer cette "conversion" dans l’Eglise et dans la durée, et de retrouver une vraie liberté intérieure.