Membre d’un Institut Séculier


Annette GODARD,
membre d’Institut séculier

Sur quels aspects de la foi se fonde notre appel et notre manière de vivre, laïques consacrées dans notre monde sécularisé ?

Nous croyons au mystère d’amour du Christ vivant et agissant par son Esprit au cœur du monde. Ce sont donc toutes les réalités humaines, familiales, professionnelles, économiques, politiques, sociales qui peuvent être le lieu d’une authentique expérience de Dieu. C’est là que se joue notre consécration, dans toute notre vie, dans notre condition séculière.

Parce que l’Esprit est au travail dans le monde, "toute la création gémit en travail d’enfantement" (Rm 8, 22), nous cherchons à travers les efforts de ceux que nous côtoyons, à travers les mutations du monde, à reconnaître tous les signes d’une vie humaine et divine à faire grandir. Nous croyons qu’à travers l’histoire profane, Dieu construit une histoire sainte.

Parce que "la gloire de Dieu c’est l’homme vivant", nous collaborons avec d’autres, croyants ou non, à tout ce qui contribue à l’épanouissement de l’homme selon Dieu. Nous avons également à lutter contre toutes les formes du mal qui défigurent l’homme, l’Image de Dieu.

Notre mission participe à la mission de tous les laïcs dans l’Eglise telle qu’elle a été définie et approfondie depuis le Concile.

"Pour les croyants, une chose est certaine : considérée en elle-même, l’activité humaine individuelle et collective, ce gigantesque effort par lequel les hommes, tout au long des siècles, s’acharnent à améliorer les conditions de vie, correspond au dessein de Dieu. L’homme créé à l’image de Dieu a en effet reçu la mission de soumettre la terre et tout ce qu’elle contient, de gouverner le cosmos en sainteté et justice, et, en reconnaissant Dieu comme créateur de toutes choses, de lui référer son être ainsi que l’univers : en sorte que tout étant soumis à l’homme, le nom même de Dieu soit glorifié sur la terre".
(Gaudium et Spes 34)

Paul VI puis Jean Paul II disaient aux membres des Instituts Séculiers :

"Leur tâche première est la mise en oeuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées mais déjà présentes et actives dans les choses du monde. Le champ propre de leur activité évangélisatrice, c’est le monde compliqué et vaste de la politique, du social, de l’économie mais également de la culture, des sciences, des arts, de la vie internationale, des mass-media".

Nous ne sommes pas les seules à vivre cela, ni celles qui le font le mieux, simplement nous désirons y consacrer toutes les forces vives de notre être pour que croissent dans le monde les germes de vie évangélique des Béatitudes.

Dans un même mouvement, nous désirons unir passion du monde et passion de Dieu parce que le monde est passionnément aimé de Dieu. Nous ne quittons pas les réseaux de relations qui sont les nôtres, nous ne sommes pas "envoyées" par l’Eglise ou l’Institut. C’est là où nous sommes, à travers nos enracinements que nous cherchons à répondre à cet appel du Christ.

Si la plupart de nos Instituts ont reçu la reconnaissance de l’Eglise, notre vie ecclésiale est celle de tout baptisé, de tout laïc. Ainsi nos engagements peuvent être les plus divers : mouvements d’Eglise, paroisses., et tout comme pour notre mission dans le monde, ce n’est pas l’Institut qui nous envoie dans tel ou tel secteur. Nous nous engageons donc dans les structures existantes, et l’Institut n’organise pas de service d’Eglise spécifique. Il ne nous appartient pas d’assurer un service d’Eglise en tant que groupe. Il faut rappeler que notre mission essentielle ne nous situe pas d’abord dans les structures ecclésiales, mais dans le monde.

En réponse à un appel, nous désirons consacrer toute notre vie à Dieu pour laisser grandir les fruits de notre consécration baptismale. Cette consécration s’exprime dans un engagement au célibat définitif.

Nous nous appuyons sur les Conseils évangéliques parce qu’ils touchent trois dimensions fondamentales de la personne : l’être, l’avoir, le pouvoir. Ils nous font entrer dans un mouvement de conversion de notre puissance d’aimer, de posséder et d’agir. Les Béatitudes nous en tracent la route.

Dieu engage tout notre être à voir le monde, l’autre, les choses sans désir de possession, d’appropriation. Nous sommes appelées à le vivre dans le célibat, comme d’autres le vivent dans une vie de couple et dans la maternité. Le célibat et la chasteté nous engagent à mettre toute notre force d’amour au service de l’Evangile, à promouvoir de toutes nos forces le respect de l’identité, de l’originalité de l’autre. Ils nous entraînent à une solidarité attentive et accueillante qui porte à sa manière une forme de fécondité.

L’exigence évangélique de la pauvreté nous demande d’ouvrir les yeux sur les réalités du monde et sur les injustices dans la répartition et l’utilisation des biens. Elle nous demande de vivre le partage, de nous contenter du nécessaire, de lutter pour une meilleure répartition des richesses et de ne pas nous rendre complices d’une société de consommation. Au sein de l’Institut, chacune garde la responsabilité de la gestion de ses biens. Sachant que nous n’en sommes que les gérantes, nous nous engageons à rendre compte de cette gestion. Cette désappropriation est une exigence évangélique.

L’obéissance dans la vie séculière qui est la nôtre, passe par la réponse à donner à tous les événements de notre vie et par l’engagement à placer nos activités, nos responsabilités, nos choix, nos relations sous le regard de la fraternité, persuadés dans la foi que Christ a quelque chose à nous dire à travers elle.

Notre prière rejoint la prière de l’Eglise : elle porte la vie du monde, elle est prière d’intercession et de louange, elle nous engage à un enracinement et à un engagement de plus en plus profond dans les réalités du monde. Mais ce n’est pas d’abord une forme de prière qui serait à l’origine de la constitution d’un groupe.

Nous n’avons pas de vie communautaire. Nos rencontres mensuelles par petits groupes, les retraites annuelles et les assemblées générales nous aident à garder vivant notre appel et à essayer d’y répondre en fidélité dans la vie de tous les jours.

Cette fraternité est un lieu de vérification et de formation où nous relisons notre vie pour y discerner les appels du monde et les réponses à y donner, pour approfondir notre consécration. Nous cherchons à vivre nos rencontres sur le mode de la communion à travers nos différences et nous nous sentons engagées à nous entraider pour cheminer dans la voie qui est la nôtre.

Les milieux de vie divers dont nous sommes porteuses sont source d’ouverture de cœur et d’esprit. Ils révèlent les multiples facettes d’une même charisme.

Nous n’avons jamais fini de progresser dans la vérité, la simplicité, la profondeur des partages, dans la fraternité, nous apprenons à nous laisser saisir toujours davantage par le Christ en nous confrontant à sa parole et en priant ensemble.

Pour vivre cette consécration dans la condition séculière, nous avons une période de formation variable selon les Instituts et les personnes. Pendant la période de formation initiale, nous gardons notre insertion professionnelle, sociale, familiale, ecclésiale. Ce temps permet d’expérimenter cette forme de vie et de confronter dans un discernement l’appel aux propositions de l’Institut qui a son charisme propre. Elle doit prendre en compte les exigences d’une formation humaine et la nécessité de progresser toujours dans sa compétence professionnelle.

La formation se précise et s’approfondit après l’engagement dans l’Institut par une formation permanente tout au long de la vie.

Dans la diversité des vocations dans l’Eglise, les Instituts Séculiers nous proposent de vivre notre consécration baptismale, dans la situation séculière des laïcs, dans un don de toute notre personne, là où l’appel nous a saisi, pour vivre et annoncer l’Evangile.

-----------------------------------------

Note de la rédaction : Ce texte est écrit au féminin puisque les auteurs sont des femmes. Toutefois cela ne doit pas nous faire oublier qu’il existe des Instituts séculiers masculins - cette vocation s’adressant à tout baptisé.