Engagée au Chemin Neuf


Gladie RUET,
engagée définitivement au célibat, dans la communauté du Chemin Neuf

J’ai essayé de dégager brièvement ce qui, en regard de l’expérience du célibat consacré féminin vécu dans les communautés "classiques" peut apparaître comme plus spécifique de la vocation d’une femme célibataire consacrée dans la communauté du CHEMIN NEUF, communauté "nouvelle" apostolique.
C’est donc une présentation partielle qui insiste sur "la différence" et qui décrit une situation actuelle, (la mienne) qui est susceptible d’évolution selon les temps et les lieux.
Je n’évoque pas les nombreux cas de personnes pour qui la Communauté du Chemin Neuf a été un lieu de formation, de passage, de discernement et qui poursuivent dans diverses communautés ("classiques" ou "nouvelles") leur route à la suite du Seigneur. Ceci me paraît dépasser les limites du sujet proposé !

Etre appelée au célibat, être appelée dans la communauté du Chemin Neuf : deux appels qui ne sont pas inclus l’un dans l’autre et n’émergent pas obligatoirement simultanément à la conscience. Etre appelée au célibat, où ? Etre appelée dans la communauté du Chemin Neuf, dans quel état de vie ?

Pour les unes, l’appel au célibat est antérieur à la rencontre de la communauté, elles ont pu éventuellement envisager de le vivre dans une congrégation apostolique ou contemplative. Pour d’autres, l’appel à suivre le Christ est entendu à travers la communauté du Chemin Neuf et peu à peu s’affine la perception d’un appel au célibat, la vie communautaire (1) avec des couples et des célibataires permet une maturation de l’appel.

Dans les deux cas, le test de la vie et de l’apostolat dans une double mixité homme/femme et couple/célibataire est déterminante : si cette proximité est trop déchirante, génératrice de souffrances et de tensions qui ne peuvent aboutir à un équilibre meilleur, il y a lieu de s’interroger sur l’un ou l’autre des appels. Le partage du quotidien et de la mission doit conduire à une liberté plus grande.

Cette double mixité, qui n’est pas sans rugosité, n’est pas une sorte de cote mal taillée, de compromis dont il faut s’accommoder, mais le lieu premier où le célibat consacré doit trouver son sens et son épanouissement. C’est à la fois pour ces hommes et ces femmes, ces familles, ces prochains immédiats que la célibataire doit être signe et c’est aussi avec eux qu’elle peut témoigner.

La proximité dans la vie quotidienne, comme dans le partage des tâches apostoliques, avec des hommes et des femmes mariés pose avec plus d’acuité la question de la spécificité de l’appel au célibat : ce n’est pas a priori pour un "faire plus" ou un "faire mieux" qu’on choisit le célibat dans la communauté du Chemin Neuf.

Le célibat n’induit pas de responsabilités particulières ni de tâches spécifiques (2), il ne transforme pas en chrétien d’élite. Naturellement la disponibilité effective d’une célibataire consacrée est plus grande que celle d’une mère de famille, surtout à certaines étapes de la croissance d’une famille. Disponibilité en temps, mobilité, mais aussi investissement différent : la construction d’un couple et d’une famille est un art difficile qui demande des périodes de pause, de respiration et d’intimité gratuite.

Le danger pour les célibataires consacrées serait peut-être d’assumer la continuité des missions communautaires au risque de s’essouffler ou de se durcir. Risque inhérent au célibat ? L’ajustement est délicat entre un don de soi qui se veut total et une croissance personnelle qui demande aussi des pauses. La vie proche des familles peut inviter les célibataires à s’interroger sur leur rythme de vie, leur apprendre la patience des maturations.

Le tohu-bohu des vies familiales qui éclabousse les célibataires les ancre dans une réalité plus pleine ; l’expérience des couches-culottes comme des conversations avec les adolescents aux moments les plus saugrenus sont aussi des joies simples et formatrices..., qu’il convient de savoir apprécier et relire dans le calme, seule ou avec d’autres célibataires !

Instants de repos, de détente, de réflexion, de silence... Si la communauté a choisi un temps de désert hebdomadaire pour tous, il est particulièrement vital pour les célibataires consacrées. Quelle que soit la proximité avec des familles, avec d’autres célibataires, le célibat demeure solitude, séparation sans aucune clôture. Qui ne saurait intérioriser le retrait ne saurait vivre la proximité sans éclatement.

Pour aider les célibataires à reprendre souffle, des temps fraternels de formation, de partage et de prière ponctuent l’année : l’octave de Noël, par exemple, est toujours vécue comme un temps de retraite, de repos et de partage fraternel pour tous les célibataires consacrés tandis que les autres membres de la communauté vivent cette fête en famille.

Outre ces temps planifiés, les vacances voient souvent des célibataires se retrouver pour un projet commun de détente. Pendant les années de formation théologique l’accent est mis davantage sur la vie communautaire.

Couples, célibataires..., souvent les uns ou les autres parlent d’une aide mutuelle. L’absence de célibataire dans telle unité de vie communautaire est ressentie comme un manque, de même ailleurs l’absence de famille. Sans les familles, la mixité des célibataires éviterait-elle à long terme une bipolarité tendant à l’opposition ou à la confusion ? Et sans les célibataires les familles pourraient-elles respecter mutuellement leur rythme et leur culture différents et échapper à la tentation de "s’installer" et de perdre de vue le Royaume qui vient ? Nous sommes mutuellement témoins et garants de nos fidélités respectives.

Mais surtout, si nous sommes ensemble, hommes, femmes, couples et célibataires consacrés, c’est pour essayer de vivre ensemble l’évangile et dire ainsi qu’il est pour tous une parole vivante. Pour tous Jésus-Christ est Sauveur, pour tous la rencontre du Ressuscité est accessible, quels que soient l’âge et l’état de vie, et elle appelle à modifier des priorités, à se convertir chaque jour.

Parmi les différentes missions de la communauté, celle auprès des couples (Cana) a pris de l’ampleur. Le rôle des célibataires peut être alors de prendre en charge ponctuellement des enfants pour permettre aux parents de donner une parole qui sera mieux reçue que celle de célibataire. Mais les célibataires consacrées participent aussi à part entière aux sessions, selon leurs compétences, elles peuvent aussi bien accompagner des couples que des groupes d’enfants ou assumer l’intendance. La répartition des tâches et des fonctions entre les hommes et les femmes, mariés ou célibataires, se fait dans l’attention aux dons et aux appels personnels.

Dans nos sociétés occidentales, les rôles traditionnels de la femme et de l’homme ne sont plus des repères, les uns et les autres cherchent leur identité respective, les familles sont en mutation. Est-ce qu’une communauté mixte de célibataires et de couples ne peut pas être un lieu où l’on apprend à être frères et sœurs, à reconnaître en chacun, chacune, le fils et la fille de Dieu ?

Dans la vie commune, il ne s’agit pas d’être seulement respectueux et prudent, de nier la différence sexuelle dans une familiarité faussement asexuée mais de se découvrir vulnérable les uns aux autres, proches et cependant toujours séparés. La différence de comportement des hommes et des femmes est parfois source d’agacement ou d’incompréhension douloureuse, mais le temps hebdomadaire de partage permet de mieux se connaître et s’accepter mutuellement dans nos limites respectives. Chacun peut alors accueillir son identité, son charisme différent, de Dieu et de ses frères et sœurs et respecter l’appel d’autrui, sans trop tenter de séduire ou de dominer.

Mais la communauté du Chemin Neuf n’est pas l’Eden retrouvé, ni le royaume déjà là ! Elle essaie d’être, parmi d’autres, un signe de l’action de l’Esprit qui rend libre et qui permet la fraternité dans la différence des charismes. Il n’est pas donné, quelle que soit la communauté, une assurance de sérénité et de justesse dans les relations à toute épreuve ! Etre une femme célibataire, consacrée demande toujours un ajustement permanent, une vigilance quotidienne. Mais à travers les méandres des maturations personnelles, que demeure une béance, s’entende un appel vers ce qui sera.

NOTES : --------------------------------------------------------------

1) Elle est vécue selon deux modalités :

- fraternité de vie : sous un même toit, office quotidien, réunion hebdomadaire de partage. Généralement un repas par jour est pris en commun, les autres en famille ou entre célibataires. Tous les revenus sont partagés. Actuellement tous les célibataires consacrés sont en "fraternité de vie commune".

- fraternité de quartier : proximité dans l’habitat pour permettre un office si possible quotidien, réunion hebdomadaire de partage, mise en commun partielle des revenus (dîme). [ Revenir au Texte ]

2) Quatorze femmes sont engagées définitivement au célibat, 21 temporairement. Leurs activités :

- professionnelles : médecins, enseignantes...

- dans les diocèses : au service de paroisses, diocèses, radios locales...

- dans la communauté : responsabilité dans les instances internes de la communauté, animation de foyers d’étudiants, centres de formation, animation de sessions et retraites, encadrement des propositions de la communauté auprès des jeunes ("FRAT.14-18 ans" et "18-25 ans"). Certaines sont en formation théologique. [ Revenir au Texte ]