Les diocèses dans les DOM TOM représentent
une part importante de lÉglise à travers
le monde mais aussi en France.
Le diocèse de Fort-de-France fête cette année
son 150e anniversaire (1850-2000). LÉglise
en Martinique est lun des joyaux de lÉglise
«insulaire et universelle» au cur de la
région des Caraïbes.
Aujourdhui, une île, un département,
un diocèse se présentent à vous: la
Martinique.
Si vous ne nous connaissez pas, imaginez, sous le soleil
des tropiques, souvent obscurci par des ouragans, une île
verdoyante au milieu dun chapelet dautres îles,
archipel qui sétale entre les deux Amériques.
Sur cette île, montagneuse comme du papier froissé
autour de son volcan, une population métissée
depuis cent cinquante ans, mais encore à la recherche
de ses origines et en quête de son identité.
Entre les États-Unis et le continent sud-américain,
une invraisemblable diversité dorigines, de
races et de cultures.
En scrutant locéan vers lest, il y
a lAfrique, la terre de nos ancêtres, à
3000 kilomètres. Deux fois plus loin au nord-est,
cest lEurope doù sont venus il
y a quatre siècles les colons et leurs soldats; les
aventuriers de lévangélisation les ont
aussi accompagnés,envoyés par les ordres missionnaires.
Sur un fond religieux animiste, la catéchèse
a été semée. Les sacrements aidant,
la foi en Jésus Christ est née et alimente
aujourdhui la croissance dune chrétienté
qui, peu à peu, depuis le concile Vatican II surtout,
prend conscience dêtre lÉglise,
raffermit le tissu de sa communion, précise les contours
de sa mission et adapte ses institutions au rythme de notre
peuple et de sa culture.
La complexité de notre situation géo-politique,
nos origines mal définies, notre identité
encore à la recherche delle-même, tout
cela est en même temps richesse et pauvreté.
Par exemple, deux îles voisines, à quelques
kilomètres, partageant avec nous le patois créole,
lhistoire et la culture, nous restent étrangères
par la langue officielle et la nationalité: entre
Sainte-Lucie et la Dominique, nous parlons français,
avec un passeport européen. Au plan ecclésial,
nous sommes membres avec elles de la Conférence épiscopale
de la Caraïbe, mais nous sommes membres aussi de la
Conférence épiscopale française.
Cela explique que notre visée pastorale soit parsemée
de slogans originaux comme:
«Enracinons notre foi chrétienne dans notre
culture, mais ouvrons-la sur lÉglise universelle,
en commençant par celle de la Caraïbe, en passant
par celle de France pour aller jusquà lÉglise
catholique romaine.»
«Que tous soient responsables de cette Église,
chacun à sa place, daprès sa vocation
propre, mais aussi en partageant la mission commune à
tous.»
«Lune de nos premières tâches
comme prêtres est daider toute la communauté
à se prendre en charge, avec le prêtre quand
il est là et sans le prêtre quand il ny
est pas»...
La population martiniquaise, très religieuse et
spontanément pratiquante, est appelée par
là même à faire un grand effort pour
purifier sa foi en Jésus Christ et pour éviter
déviances et dérapages dont elle est constamment
menacée.
Au plan social, démographique, culturel ou religieux,
les mêmes éléments peuvent donc être
pour nous richesse et pauvreté, ressource ou pénurie
La population de mon diocèse natteint pas 400000
habitants, mais les Antillais de ma province ecclésiastique
Antilles-Guyane française sont beaucoup plus de 400000
en France et un grand nombre de chrétiens de cette
population de migrants me considèrent comme leur
évêque.
Alors, comme pasteur, je dois vivre cet enracinement et
cette ouverture, en lien avec mes confrères évêques
de France, en communion aussi avec mes frères évêques
de la Caraïbe.Nest-ce pas justement cela lÉglise?
+ Mgr Maurice Marie-Sainte .
Lhomme martiniquais?
Un être de paradoxe, en quête perpétuelle
dune identité quil possède pourtant
déjà.
Occupant un minuscule territoire sans frontières
(80km sur 30km), il est issu dorigines diverses (noirs,
blancs, indiens, asiatiques, avec une prédominance
des noirs), produisant un large nuancier de métissages
variés. Ayant reçu une instruction à
base essentiellement de culture française (tous les
échanges officiels et publics et même privés
sont exprimés en français), il parle son «créole»
aisément. Cependant, la plupart ont du mal à
lire et surtout à écrire cette «langue»
longtemps sous-estimée, voire méprisée,
et qui sort à peine de sa seule oralité.
Avec son appartenance à la nation française
et donc à lUnion euro-péenne, il reçoit
des aides diverses permettant de compenser le faible niveau
économique, le chômage restant élevé
(10% de la population globale).
Ne possédant pas de ressource dans son sous-sol,
la Martinique est une terre à vocation agricole.
Les usines de transformation de la canne à sucre
ont fermé les unes après les autres; la production
de la banane, concurrencée par la «banane-dollar»
moins chère, est de moins en moins soutenue par les
instances européennes; et maintenant la culture de
lananas est en grand danger de disparition. Quant
aux cultures vivrières locales, elles sont de plus
en plus confrontées à la concurrence des produits
dimportation dun prix de revient moindre.
Les apports de fonds français ou européens
servent à alimenter le secteur tertiaire et les services:
la balance de léconomie martiniquaise penche
démesurément vers limportation.
Reste le secteur longtemps prometteur du tourisme qui a
généré un nombre important demplois,
mais qui souffre des politiques tarifaires des îles
anglophones voisines et du climat social fréquemment
tendu. Le nombre des escales de croisière tend à
diminuer, les promoteurs trouvant de meilleures conditions
financières et daccueil ailleurs. Les grèves
sectorielles dures, impulsées par des syndicats puissants,
éclatent à longueur dannée, générant
généralement un blocage des points névralgiques
de la circulation, paralysant léconomie de
lîle tout entière.
Mais, par-delà les problèmes socio-économiques,
lhomme martiniquais se préoccupe prioritairement
de la défense de sa culture: cette culture antillaise
propre, qui découle des divers patrimoines amenés
par les différentes composantes de son tissu humain.
Voici donc un peuple dont lhospitalité et
la convivialité sont légendaires, et qui a
du mal à retenir les touristes qui le visitent; un
peuple dont la tolérance, la solidarité et
la sagesse sont les points forts, et qui voit se développer
en son sein légoïsme, la haine et la violence,
sous des dehors trompeurs de familiarité «bon
enfant». Lui, naguère si fier et si besogneux,
par quels effets pervers en est-il arrivé à
tendre la main et à vivre au-dessus de ses moyens?
Il demande des prérogatives accrues pour prendre
en main son destin économique, social et politique,
pour se responsabiliser. Mais cela ne sera pas suffisant
pour le sortir dun assistanat profond et démobilisateur,
et les effets bénéfiques se feront attendre
peut-être très longtemps. Il devra faire lexpérience
dune consommation bien plus réduite et peut-être
même connaître les étapes de la pauvreté,
ou alors il senfoncera davantage dans la dépendance.
Albert Granier
Rédacteur en chef de Église en Martinique
LÉglise dans sa mission
On ne peut comprendre un pays et sa population, sans connaître
les événements qui ont servi de trame commune
à la vie de ses habitants. La communauté-Église,
en participant à lhistoire de la Martinique,
a tissé avec ses membres un vivre-ensemble qui est
une uvre délicate, toujours à poursuivre
et à reprendre.
Cent-cinquante ans de vie diocésaine est une période
relativement courte dans les 2000 ans dhistoire de
lÉglise. Avec la fondation du diocèse,
lÉglise est domiciliée en Martinique:
elle est chez elle ici. Elle doit encore continuer son uvre
pour être antillaise et se sentir bien dans la culture
du pays.
Je voudrais rappeler ce que notre évêque disait
récemment à des prê-tres: «Il
faut contribuer pour notre part à enraciner fortement
cette Église dans la culture, dans la vie, dans la
réalité de notre Martinique. Évitons
dimporter la foi et la pratique religieuse comme des
valeurs étrangères venues dailleurs.»
Cet objectif pastoral est à lordre du jour
il sagit de rejoindre la personne humaine telle
quelle est, même sil nest
pas admis par tous, du fait du métissage culturel
qui rend lidentité tâtonnante; du fait
aussi de la tendance dominante à importer les biens
culturels et économiques.
LÉglise daujourdhui a une cons-cience
vive de sa mission auprès des familles. Cest
le lieu primordial de la formation humaine et chrétienne.
Fragilisée dans le passé par des blessures
mal cicatrisées de la période esclavagiste,
la famille se trouve de nouveau déstabilisée
par une modernité souvent agressive à légard
de ses membres. Grâce à son réseau dassociations,
lÉglise est présente dans ces lieux
de vie pour prévenir, former les couples et les enfants,
aider les personnes en situations difficiles.
Dans un contexte de mal-être et de mal-vivre liés
à des situations familiales et économiques
éprouvantes, grand est le danger de faire de la religion
un alibi commode pour fuir ses responsabilités. Depuis
plusieurs décennies, laccent a été
mis sur la responsabilité du laïc baptisé
dans le monde et dans la communauté-Église.
La semence jetée en terre fait espérer, grâce
à lEsprit saint, des serviteurs fidèles
et ardents pour lanimation des communautés;
mais les signes de floraison se font attendre en ce qui
concerne lengagement chrétien dans le monde.
Les mouvements, dont la mission, est de faire vivre la
foi en liaison avec lengagement dans les réalités
humaines, recrutent aujourdhui plus difficilement.
Les groupes qui attirent et qui font florès sont
ceux où la prière est proposée exclusivement.
Ceci se vérifie aussi bien chez les jeunes que chez
les adultes.
La pastorale des jeunes garde pourtant une vitesse de croisière,
dans la mesure où elle propose ponctuellement des
objectifs qui mobilisent un grand nombre de jeunes pour
des rassemblements.
Le Jubilé est une excellente occasion pour plusieurs
mouvements de se retrouver, de revoir leurs objectifs et
le chemin parcouru depuis leur fondation et de se tourner
plus confiants vers lavenir.
Lobjectif et la tâche de tous à
promouvoir aujourdhui et demain, quel que soit le
service exercé dans la communauté diocésaine
reste lesprit de communion «pour que le monde
croit».
Père Jean de Coulanges
Vicaire épiscopal
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