1. "Moi, je suis le Chemin, la Vérité
et la Vie" (Jn 14, 6). Ces paroles de l'Évangile
de Jean ont éclairé, comme une lumière,
la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens
qui se termine aujourd'hui ; elles brillent tel un programme
pour le nouveau millénaire dans lequel nous sommes
entrés.
Je suis heureux d'adresser un salut cordial et déférent
aux Délégués des Églises et
Communautés ecclésiales qui ont entendu mon
invitation et qui sont aujourd'hui présents pour
prendre part à cette célébration oecuménique
de la Parole, par laquelle nous voulons conclure de manière
solennelle les jours consacrés à une prière
plus intense pour la grande cause qui nous tient tous à
coeur.
À travers les Membres des Délégations
qui sont réunis ici, je souhaite faire parvenir aux
responsables et aux fidèles des différentes
Confessions avec mes salutations, une accolade fraternelle
de paix.
2. "Moi, je suis le Chemin, la Vérité
et la Vie". Le cur de l'homme, comme le cur
des disciples de Jésus, reste souvent troublé
face aux événements imprévisibles de
l'existence (cf. Jn 14, 1). Beaucoup, spécialement
les jeunes, s'interrogent sur la route à suivre.
Dans le tourbillon de paroles qu'ils subissent chaque jour,
ils se demandent ce qu'est la vérité, quelle
est l'orientation juste, comment vaincre par la vie la puissance
de la mort.
Ce sont des questions de fond qui témoignent chez
beaucoup du réveil d'une nostalgie de la dimension
spirituelle de l'existence. À ces interrogations,
Jésus a déjà répondu lorsqu'il
a affirmé : "Moi, je suis le Chemin, la Vérité
et la Vie". La tâche des chrétiens est
de proposer à nouveau aujourd'hui, par la force de
leur témoignage, cette annonce décisive. C'est
seulement ainsi que l'humanité contemporaine pourra
découvrir que le Christ est puissance et sagesse
de Dieu (cf. 1 Co 1, 24), que c'est en lui seulement que
se trouve la plénitude de toute aspiration humaine
(cf. Gaudium et spes, n. 45).
3. Le mouvement cuménique du vingtième
siècle a eu le grand mérite de réaffirmer
clairement la nécessité de ce témoignage.
Après des siècles de séparation, d'incompréhensions,
d'indifférence et malheureusement d'oppositions,
est réapparue chez les chrétiens la conscience
que la foi au Christ les unit et qu'elle est une force capable
de surmonter ce qui les divise (cf. encyclique Ut unum sint,
n. 20). Par la grâce de l'Esprit Saint, au Concile
Vatican II, l'Église catholique s'est engagée
de manière irréversible à prendre la
voie de la recherche cuménique (cf. ibid.,
n. 3).
Nous ne devons pas et nous ne pouvons pas minimiser les
différences qui existent encore entre nous. Le véritable
engagement cuménique ne cherche pas les compromis
et ne fait pas de concessions pour ce qui touche à
la Vérité. Il sait que les séparations
entre les chrétiens sont contraires à la volonté
du Christ ; il sait qu'elles sont un scandale qui affaiblit
la voix de l'Évangile. L'effort à faire ne
consiste pas à les ignorer, mais à les surmonter.
En même temps, la conscience de ce qui manque encore
à la pleine communion nous fait apprécier
davantage tout ce que nous partageons déjà.
En effet, malgré les malentendus et les nombreux
problèmes qui nous empêchent encore de nous
sentir pleinement unis, on trouve aussi en dehors des frontières
visibles de l'Église catholique d'importants éléments
de sanctification et de vérité de l'unique
Église du Christ, qui nous entraînent vers
la pleine unité (cf. Lumen gentium, nn. 8, 15 ; Unitatis
redintegratio, n. 3). Hors de l'Église catholique,
il n'y a pas de vide ecclésial (cf. Ut unum sint,
n. 13) ; au contraire, il y a beaucoup de fruits de l'Esprit,
comme par exemple la sainteté et le témoignage
rendu au Christ parfois jusqu'à l'effusion du sang,
qui suscitent admiration et gratitude (cf. Unitatis redintegratio,
n. 4 ; Ut unum sint, nn. 12, 15).
Les dialogues qui se sont développés à
partir du Concile Vatican II ont favorisé une nouvelle
conscience de la tâche et de l'héritage communs
des chrétiens, et ont eu des résultats très
significatifs. Nous n'avons certes pas atteint le but, mais
nous avons fait de grands pas en avant. D'étrangers,
voire d'adversaires que nous étions, nous sommes
devenus voisins et amis. Nous avons redécouvert la
fraternité chrétienne. Nous savons que notre
baptême nous fait entrer dans l'unique Corps du Christ,
dans une communion qui n'est pas encore plénière
mais qui est bien réelle (cf. Ut unum sint, n. 41-42).
Nous avons toutes les raisons de louer le Seigneur et de
le remercier.
4. Avec une profonde reconnaissance, je parcours à
nouveau en esprit l'année jubilaire. Du point
de vue de l'engagement cuménique, elle a enregistré
des signes vraiment prophétiques et émouvants
(cf. Novo millennio ineunte, n. 12).
Il reste le souvenir lumineux de la rencontre du 18 janvier
2000, dans cette même Basilique, quand, pour la première
fois, une Porte sainte a été ouverte en présence
de représentants des Églises et Communautés
ecclésiales du monde entier. Et le Seigneur m'a donné
bien davantage encore : j'ai pu franchir le seuil de cette
Porte, qui est le symbole du Christ, accompagné du
représentant de mon Frère d'Orient, le Patriarche
Bartholomaios, ainsi que du Primat de la Communion anglicane
en personne. Pour un instant, un trop bref instant, nous
avons fait route ensemble, mais comme il est encourageant
ce bout de chemin, signe de la Providence de Dieu le long
de la route qui reste à parcourir ! Le 7 mai, devant
le Colisée, nous nous sommes retrouvés avec
tous les représentants des nombreuses Églises
et Communautés ecclésiales, pour la commémoration
des Témoins de la foi du vingtième siècle:
nous avons ressenti que cette célébration
était comme une semence de vie pour l'avenir (cf.
Novo millennio ineunte, nn. 7, 41).
J'ai adhéré avec joie à l'instigation
du Patriarche cuménique, Bartholomaios I, de
célébrer le millénaire par une journée
de prière et de jeûne, la veille de la fête
de la Transfiguration, le 6 août 2000. Je pense aussi
avec des sentiments d'émotion intérieure aux
rencontres cuméniques que j'ai pu avoir pendant
mon pèlerinage en Égypte, au Mont Sinaï
et particulièrement en Terre Sainte.
Je me rappelle aussi avec gratitude la visite de la Délégation
que m'a envoyée le Patriarche cuménique
pour la fête des saints Pierre et Paul, et la visite
du Patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens,
Karékine II. Je ne peux oublier non plus les représentants
d'autres Églises et Communautés ecclésiales
que j'ai rencontrés à Rome ces derniers mois.
5. Le Jubilé a aussi attiré notre attention,
d'une façon salutaire, sur nos douloureuses séparations.
Il ne serait pas honnête de le cacher ou de l'ignorer.
Cela ne doit pas cependant entraîner des reproches
réciproques ou provoquer le découragement.
La souffrance suscitée par les incompréhensions
ou les malentendus doit être surmontée par
la prière et la pénitence, par des gestes
d'amour, par la recherche théologique. Les questions
encore ouvertes ne sont pas un obstacle au dialogue; elles
doivent être ressenties plutôt comme une invitation
à un débat franc et charitable. La question
se pose à nouveau: Quanta est nobis via ? Il ne nous
est pas donné de le savoir, mais nous sommes animés
par l'espérance d'être guidés par la
présence du Ressuscité et par la force inépuisable
de son Esprit, qui est capable de surprises toujours nouvelles
(cf. Novo millennio ineunte, n. 12).
Forts de cette certitude, nous regardons vers le nouveau
millénaire. Il est devant nous comme une immense
étendue d'eau dans laquelle nous devons jeter les
filets (cf. Lc 5, 4). Ma pensée va d'abord vers les
jeunes qui bâtiront le siècle nouveau et qui
pourraient en changer la perspective. Notre témoignage
commun est un devoir vis-à-vis d'eux.
6. Dans cette perspective, une des tâches fondamentales
est la purification de la mémoire. Au cours du
deuxième millénaire, nous avons été
opposés et divisés, nous nous sommes condamnés
et combattus réciproquement. Nous devons oublier
les ombres et les blessures du passé, et être
tendus vers l'heure de Dieu qui vient (cf. Ph 3, 13).
Purifier la mémoire veut dire aussi édifier
une spiritualité de communion - à l'image
de la Trinité - (koinônia) qui incarne et manifeste
l'essence même de l'Église (cf. Novo millennio
ineunte, n. 42). Nous devons vivre concrètement la
communion, qui bien que non plénière, existe
déjà entre nous. Laissant derrière
nous les malentendus, nous devons nous rencontrer, mieux
nous connaître, apprendre à nous aimer les
uns les autres, collaborer fraternellement pour tout ce
qu'il nous est possible de faire.
Le dialogue de la charité ne serait cependant pas
sincère sans le dialogue de la vérité.
Le dépassement de nos différences implique
une sérieuse recherche théologique. Nous ne
pouvons pas escamoter les différences ; nous ne pouvons
pas changer le dépôt de la foi. Mais nous pouvons
bien sûr chercher à approfondir la doctrine
de l'Église à la lumière de la Sainte
Écriture et des Pères, et l'expliquer de façon
qu'elle soit compréhensible aujourd'hui.
Cependant, ce n'est pas à nous qu'il est donné
de "faire l'unité". Celle-ci un don du
Seigneur. Nous devons donc prier pour que nous soit donné
l'Esprit de l'unité, comme nous l'avons fait toute
cette semaine. L'Église catholique, dans chaque célébration
eucharistique, prie ainsi: "Seigneur, ne regarde pas
nos péchés mais la foi de ton Église.
Pour que ta volonté s'accomplisse, donne-lui toujours
cette paix et conduis-la vers l'unité parfaite".
La prière pour l'unité est présente
dans chaque eucharistie. Elle est l'âme de tout le
mouvement cuménique (cf. Ut unum sint, n. 21).
7. La nouvelle année à peine commencée
est un temps on ne peut plus propice pour témoigner
ensemble que le Christ est "le chemin, la vérité
et la vie". Nous aurons l'occasion de le faire,
et déjà se dessinent des éléments
prometteurs. En 2001 par exemple, tous les chrétiens
célébreront la résurrection du Christ
à la même date. Cela devrait nous encourager
à trouver un consensus pour une date commune de cette
fête. La victoire du Christ sur la mort et sur la
haine a aussi inspiré l'initiative du Conseil cuménique
des Églises de consacrer les dix prochaines années
à vaincre la violence.
J'attends beaucoup des voyages qui me conduiront en Syrie
et en Ukraine. Mon désir est qu'ils contribuent à
la réconciliation et à la paix entre les chrétiens.
Encore une fois, je me ferai pèlerin, marchant sur
les routes du monde pour rendre témoignage au Christ,
"Chemin, Vérité et Vie".
Votre présence à cette célébration,
chers délégués des Églises et
Communautés ecclésiales, m'encourage dans
cet engagement que je perçois comme une part essentielle
de mon ministère. Poursuivons ensemble, dans un nouvel
élan, le chemin vers la pleine unité !Le Christ
marche avec nous.
À Lui soit la gloire dans les siècles des
siècles. Amen.
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