Jérusalem, 26 février 2001 (CIP)
" Il fut un temps où vous-mêmes avez
réclamé votre liberté et poussé
le même cri de l'opprimé. Souvenez-vous de
cela et soyez aujourd'hui justes. " C'est l'appel que
lance aux Israéliens à la veille du carême
Mgr Michel Sabbah, patriarche latin de Jérusalem.
Il ajoute : " S'il vous faut à tout prix une
punition collective et s'il faut une rançon pour
racheter la tranquillité des enfants innocents et
des familles, nous offrons nos églises : détruisez-les.
"
Mgr Sabbah, qui âgé de 67 ans, a écrit
sa lettre de carême après avoir visité
quelques paroisses en Palestine. Le discours qu'il y a entendu,
chez les fidèles comme chez les autorités
civiles, est partout le même. Le premier souci "
qui comprend tout le reste " est " la situation
politique difficile " : " les routes fermées,
le siège imposé aux villes et villages, le
manque de travaux, le bombardement israélien incessant,
la destruction des maisons, en plus des difficultés
à l'intérieur de la société
palestinienne, et finalement l'idée de l'émigration.
"
Malgré cette guerre " qui nous est imposée
", le patriarche latin a vu néanmoins "
la volonté de base de tenir ferme et de patienter,
jusqu'à ce que notre liberté nous soit redonnée
" Aussi, sur la question de l'émigration, sa
consigne reste inchangée : " Restez fermes autour
des Lieux Saints. (
) Vous avez été appelé
à une vie difficile : ayez le courage d'accepter
la vie difficile à laquelle Dieu vous appelle. "
Il invite aussi au partage : " Nous vivons une guerre
qui nous est imposée. Il faut y adapter notre manière
de vivre et nous habituer, à la fois, et aux privations
et à la générosité à
l'égard de tout frère dans le besoin. "
Se référant aux affrontements qui se produisent
à Gilo et à Beit Jala, deux implantations,
l'une israélienne, et l'autre palestinienne (chrétienne
en majorité), dont se servent les troupes et les
militants comme bouclier pour attaquer le front opposé,
Mgr Sabbah s'adresse à la fois aux Israéliens
et aux militants palestiniens. " Quant aux maisons
qui ne cessent de subir les bombardements israéliens,
écrit-il, nous disons aux israéliens : détruisez
nos églises, mais épargnez les maisons de
nos fidèles. S'il vous faut à tout prix une
punition collective et s'il faut une rançon pour
racheter la tranquillité des enfants innocents et
des familles, nous offrons nos églises : détruisez-les
; nous trouverons bien d'autres endroits pour y prier, et
nous continuerons à prier pour nous et pour vous.
Et aux militants palestiniens qui voient qu'il est nécessaire
de diriger leur feu contre les Israéliens d'entre
les maisons habitées, bien que les ordres soient
clairs : ne pas transformer les maisons tranquilles en ligne
de feu, - à eux aussi nous disons : obéissez
aux ordres, gardez la cohésion de la société
palestinienne, et épargnez les maisons des innocents.
Nous consentons à offrir nos églises comme
rançon pour toute maison que l'on veut démolir.
Mais nous ne pouvons pas consentir à ce que les maisons
de nos enfants soient démolies et qu'ils soient forcés
à quitter leur terre. "
Le cri de l'opprimé
Plus loin, le patriarche s'adresse une fois encore aux
Israéliens : " Dans la vision de Dieu, essayez
de voir que le Palestinien, chrétien ou musulman,
n'est pas l'image que vous êtes décidés
à voir : il n'est pas le terroriste ni l'homme qui
veut haïr et tuer. Essayez de voir que votre occupation
de sa terre depuis 1967, sa privation de sa liberté,
et aujourd'hui le siège des villes et villages avec
toutes les souffrances qui s'en suivent, essayez de voir
que tout cela mène à ce que vous appelez terrorisme,
alors qu'il s'agit simplement du cri du pauvre et de l'opprimé
qui réclame sa liberté et sa dignité.
Il fut un temps où vous-mêmes avez réclamé
votre liberté et poussé le même cri
de l'opprimé. Souvenez-vous de cela et soyez aujourd'hui
justes. Ce que vous appelez mesures de sécurité
est tout simplement une invitation à plus de violence.
Redonnez la terre à ses propriétaires, redonnez-leur
leur liberté; écoutez la voix de l'opprimé
et du pauvre, car elle s'élève vers Dieu et
Dieu l'entendra un jour et l'exaucera. "
Mgr Sabbah rappelle encore à l'adresse des Palestiniens
le commandement difficile de l'amour de l'ennemi. "
L'amour n'est pas une faiblesse, ni une fuite, dit-il. Il
est la vision de la face de Dieu dans tout homme, le Palestinien
et l'Israélien à la fois. L'Israélien
qui détient notre liberté reste porteur de
l'image de Dieu. Avec cette vision, je purifie mon coeur
de toute rancune et je lui demande avec la force de l'esprit
et de la vérité de mettre fin à son
oppression, de mettre fin à l'occupation de la terre
et à la privation de la liberté. " (CIP)
|
|