ROME, dimanche 20 mai 2001 (ZENIT.org/AVVENIRE) -
A la veille de son départ pour Rome, pour participer
au Consistoire extraordinaire des cardinaux, qui commencera
demain lundi 21 mai et se terminera jeudi, le Cardinal Louis-Marie
Billé, archevêque de Lyon et président
de la Conférence des Evêques de France, a expliqué
au quotidien italien "Avenire" quels seraient
les principaux thèmes abordés par le Consistoire.
Il a notamment rappelé la nécessité
de "déchiffrer la complexité" de
notre époque.
Q: Quel est selon vous le problème le
plus important qui sera traité lors de ce prochain
Consistoire?
Cardinal Louis-Marie Billé : Il me semble que
le Consistoire se déroulera autour d'un thème
de fond: à la lumière de la Novo millennio
ineunte, nous devrons discuter les orientations pastorales
du futur. Au centre de la réflexion il y a la question
de l'évolution de l'Eglise et son rapport avec la
culture occidentale et les manifestations liées au
phénomène de la mondialisation.
Q: La mondialisation est au cur du débat
dans l'Eglise comme dans le monde laïc. Ce mot signifie-t-il
la même chose pour tout le monde?
Cardinal Louis-Marie Billé : Les difficultés
de l'Eglise ne sont pas liées à des problèmes
internes mais naissent de la rencontre entre l'Evangile
et le monde, entre la tradition ecclésiale et les
cultures contemporaines. Les rapports entre Rome et les
Eglises particulières reflètent d'autres questions
plus importantes: la manière dont les cultures particulières
rencontrent l'Evangile, comment elles vivent la mondialisation,
comment elles affrontent les questions éthiques,
en particulier celles qui touchent au commencement et à
la fin de la vie, les problèmes qui touchent au salut
en Jésus-Christ. Je crois que nous sommes là
au cur des questions fondamentales.
Q: Les cardinaux, qui viennent de différentes
parties du monde, ont des sensibilités différentes.
Comment pourront-ils les concilier?
Cardinal Louis-Marie Billé : Je n'ai pas d'expérience
dans les réunions du collège cardinalice,
mais j'ai participé au synode sur l'Europe en octobre
1999. Il y avait énormément de différences
entre nous, mais nous savions que nous nous trouvions devant
une série de défis communs auxquels nous devions
faire face ensemble. Un exemple: en Europe, le libérisme
envahissant ne touche pas de la même manière
la France, les pays nordiques et les pays de l'est, mais
au fond, c'est à la même question que nous
devons répondre.
Q: Qu'est-ce que l'Europe peut apporter par exemple
à des pays d'Amérique Latine ou d'Extrême
Orient?
Cardinal Louis-Marie Billé : On n'attend pas
de nous des solutions belles et toute faites. Mais il est
vrai que nous nous trouvons souvent devant la nécessité
d'affronter des problèmes qui touchent les autres
peu de temps après. Nous pouvons peut-être
les aider dans la mesure où nous avons déjà
dû nous poser des questions et que nous avons trouvé
et expérimenté des solutions possibles.
Q: La France, un pays de culture et de tradition catholiques,
doit aujourd'hui affronter un laïcisme triomphant et
des situations différentes sur le plan religieux.
Comment faut-il réagir face à une situation
aussi complexe?
Cardinal Louis-Marie Billé : Lorsque nous nous
sommes réunis, nous, les évêques français,
à Lourdes en novembre dernier, nous nous sommes posés
le problème en ces termes: les grandes orientations
pastorales qui étaient au cur de nos débats
il y a vingt ou trente ans, ont révélé
toutes leurs limites. Aujourd'hui, il faut chercher humblement
à comprendre ce qui se passe sur le terrain, dans
les paroisses, dans les mouvements associatifs, et au-delà,
dans le monde non chrétien. Il y a beaucoup de signes
qui peuvent indiquer la voie du renouveau de l'évangélisation.
Nous devons donc procéder en prenant le temps de
réfléchir avant de faire des synthèses
et de tirer des conclusions. Et d'ailleurs, l'une de nos
difficultés est l'extrême complexité
de la société dans laquelle nous vivons: il
y a les nostalgiques du christianisme, les indifférents,
les populations sécularisées, les jeunes qui
ont des aspirations religieuses mais qui ne se tournent
pas vers l'Eglise
Lorsque nous voulons annoncer l'Evangile,
nous devons savoir à qui nous avons à faire.
Voilà la bonne méthode.
Q: Que pensez-vous de la baisse des vocations en France
comme dans les autres pays occidentaux?
Cardinal Louis-Marie Billé : La diminution du
nombre de prêtres entraîne de gros problèmes
et ce n'est pas la peine de se faire d'illusions. Mais en
même temps il faut reconnaître que cela a permis
une articulation des responsabilités entre prêtres
et laïcs que nous n'imaginions même pas il y
a trente ans. Aujourd'hui nous faisons tout pour que les
laïcs et les prêtres trouvent leur place, les
uns par rapport aux autres, et ensemble au service de l'Evangile.
La baisse des vocations est le reflet d'un changement de
civilisation: nous devons le comprendre mais cela ne nous
dispense pas d'appeler les jeunes à nous; et nous
le faisons, je crois, avec ardeur et conviction.
ZF01052004
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