Le mardi 19 juin a été rendu public le message
de la XXII Journée mondiale du Tourisme programmée
le 27 septembre 2001. Thème : "Le tourisme,
instrument au service de la
paix et du dialogue entre les civilisations"
L'OMT (organisation mondiale du Tourisme) propose chaque
année cette journée dont la date est arrêtée
par les Nations unies.
1.A l'occasion de la XXIIe Journée
mondiale du Tourisme, dont le thème est "Le
tourisme, instrument au service de la paix et du dialogue
entre les civilisations", j'adresse volontiers
mes salutations à tous ceux qui, de diverses manières,
uvrent dans cet important secteur social. En effet,
le tourisme concerne toujours plus la vie des personnes
et des nations. Les moyens modernes de communication facilitent
le mobilité de millions de voyageurs en quête
de repos ou d'un contact avec la nature, ou encore désireux
de connaître d'une manière plus approfondie
la culture d'autres peuples. L'industrie touristique, qui
répond à ces aspirations, multiplie les offres
de voyages qui ouvrent la possibilité de nouvelles
expériences. On peut dire que sont pratiquement tombées
les barrières qui isolaient les peuples et qui les
rendaient étrangers les uns aux autres.
Conformément à la décision des Nations
unies de proclamer l'an 2001 "Année internationale
du dialogue entre les civilisations", le thème
choisi par l'Organisation mondiale du Tourisme pour la Journée
de cette année constitue une invitation à
réfléchir sur la contribution que le tourisme
peut apporter au dialogue entre les civilisations. J'ai
moi-même consacré à ce thème
plusieurs passages du Message pour la Journée mondiale
de la Paix de cette année. Il s'agit en effet d'un
sujet qui mérite une grande attention, car c'est
dans le dialogue entre les cultures que se trouve "la
voie nécessaire à l'édification d'un
monde réconcilié, capable de regarder avec
sérénité son propre avenir" (Message
pour la Journée mondiale de la paix 2001, n. 3).
2.L'industrie touristique révèle comment
est le monde: toujours plus mondialisé et toujours
plus interdépendant. Le développement du tourisme,
particulièrement du tourisme culturel, est sans aucun
doute un bienfait pour ceux qui le pratiquent et pour la
communauté qui accueille les visiteurs et les touristes.
Il existe une large conscience de l'importance des grandes
uvres d'art comme signes de l'identité des
civilisations, et l'on ressent toujours davantage l'exigence
de leur protection, notamment de la part de la communauté
internationale. Mais en certains lieux, le tourisme de masse
a engendré une forme de sous-culture qui avilit à
la fois le touriste et la communauté qui l'accueille:
on tend à exploiter à des fins commerciales
les vestiges de "civilisations primitives" et
les "rites d'initiation encore vivants" dans certaines
sociétés traditionnelles.
Pour les communautés d'accueil, très souvent
le tourisme devient une occasion de vendre des produits
dits "exotiques". Surgissent ainsi des centres
de vacances sophistiqués, éloignés
de tout contact réel avec la culture du pays d'accueil
ou caractérisés par un "exotisme superficiel"
à l'usage des curieux, avides de nouvelles sensations.
Hélas, ce désir effréné va parfois
jusqu'à des aberrations humiliantes, comme l'exploitation
de femmes et d'enfants pour un commerce sexuel sans scrupule,
qui constitue un scandale intolérable. Il faut faire
tout ce qui est possible pour que le tourisme ne devienne
en aucun cas une forme moderne d'exploitation, mais qu'il
soit une occasion d'échange utile d'expériences
et de dialogue bénéfique entre civilisations
différentes.
Dans une humanité mondialisée, le tourisme
est parfois un facteur important de mondialisation, susceptible
de provoquer des mutations radicales et irréversibles
dans les cultures des communautés d'accueil. Sous
la pression de la société de consommation,
il peut transformer la culture, les cérémonies
religieuses et les fêtes ethniques en biens de consommation,
les appauvrissant toujours davantage pour répondre
aux désirs d'un plus grand nombre de touristes. Pour
satisfaire ces exigences, on a recours à une "ethnicité
reconstituée", qui est le contraire de ce que
devrait être un vrai dialogue entre les civilisations,
respectueux de l'authenticité et des réalités
de chacun.
3. Il ne fait aucun doute que, correctement orienté,
le tourisme devient une occasion de dialogue entre les civilisations
et les cultures, et, en définitive, un service précieux
rendu à la paix. La nature même du tourisme
comporte certains éléments qui prédisposent
à ce dialogue. En fait, la pratique du tourisme permet
un détachement par rapport à la vie quotidienne,
au travail et aux obligations auxquelles nous sommes nécessairement
tenus. Dans ce cas, l'homme parvient à "considérer
d'un autre il son existence et celle des autres :
libéré des occupations quotidiennes pressantes,
il a la possibilité de redécouvrir sa dimension
contemplative, en reconnaissant l'empreinte de Dieu sur
la nature et surtout sur les autres êtres humains"
(Angelus du 21 juillet 1996).
Le tourisme met en contact avec d'autres modes de vie, d'autres
religions, d'autres façons de voir le monde et son
histoire. Cela conduit l'homme à se découvrir
lui-même et à découvrir les autres comme
individus et comme collectivité, immergés
dans la vaste histoire de l'humanité, héritiers
et solidaires d'un univers à la fois familier et
étranger. Il en découle une nouvelle vision
des autres, qui libère du risque de demeurer replié
sur soi.
En voyageant, le touriste découvre d'autres lieux,
d'autres paysages, de nouvelles couleurs, des formes différentes,
des façons diverses de percevoir la nature et d'y
vivre. Habitué à sa maison, à sa ville,
aux paysages de toujours et aux voix familières,
le touriste adapte son regard à d'autres images,
apprend de nouveaux mots, admire la diversité d'un
monde que personne ne peut jamais saisir complètement.
Dans cet effort, il appréciera toujours plus ce qui
l'entoure, prenant davantage conscience qu'il est nécessaire
de le protéger.
Au contact des merveilles de la création, le voyageur
perçoit dans son cur la présence du
Créateur et il est conduit à s'exclamer, avec
des sentiments de profonde gratitude : "Comme toutes
ses uvres sont attirantes, jusqu'à la plus
petite étincelle qu'on peut apercevoir !" (Si
42, 22).
Au lieu de s'enfermer dans leur propre culture, aujourd'hui
plus que jamais les peuples sont invités à
s'ouvrir à d'autres peuples, en se confrontant à
des modes de pensée et de vie différents.
Le tourisme constitue une occasion favorable pour ce dialogue
entre les civilisations, car il encourage l'inventaire des
richesses spécifiques qui distinguent une civilisation
d'une autre; il favorise le renvoi à une mémoire
vivante de l'histoire et de ses traditions sociales, religieuses
et spirituelles, ainsi qu'un approfondissement réciproque
des richesses en humanité.
4. C'est pourquoi, à l'occasion de la Journée
mondiale du Tourisme, j'invite tous les croyants à
réfléchir sur les aspects positifs et négatifs
du tourisme, afin de témoigner de manière
efficace de leur foi, dans ce domaine si important de la
réalité humaine.
Que personne ne cède à la tentation de faire
du temps libre un temps de "repos des valeurs"
(Angelus du 4 juillet 1993). Il est au contraire nécessaire
de promouvoir une éthique du tourisme. Dans ce contexte,
le Code éthique mondial pour le tourisme mérite
une grande attention. Il est le résultat de la convergence
d'une vaste réflexion réalisée par
les nations, par diverses associations du tourisme et par
l'Organisation mondiale du Tourisme (OMT). Ce document constitue
un important pas en avant pour considérer le tourisme
non seulement comme une des nombreuses activités
économiques, mais comme un instrument privilégié
en vue du développement individuel et collectif.
Grâce à lui, en effet, le patrimoine culturel
de l'humanité peut être mieux utilisé,
notamment au bénéfice du dialogue entre les
civilisations et de la promotion d'une paix stable.
Il convient de souligner que ce Code éthique mondial
prend en considération les différents motifs
qui incitent les hommes à parcourir la planète
en long et en large, avec une référence spéciale
aux voyages pour motifs religieux, tels les pèlerinages
et les visites de sanctuaires.
5. La connaissance réciproque entre personnes
et entre peuples, grâce à des rencontres et
à des échanges culturels, contribue sûrement
à l'édification d'une société
plus solidaire et plus fraternelle. Le tourisme implique
de vivre de façon temporaire avec d'autres personnes,
de rassembler des informations sur leurs conditions de vie,
sur leurs problèmes et leur religion; il suppose
le partage des aspirations légitimes d'autres peuples;
il favorise les conditions pour les reconnaître de
manière pacifique.
Une juste éthique du tourisme influe sur le comportement
du touriste; elle en fait un collaborateur solidaire, exigeant
avec lui-même et avec tous ceux qui organisent son
voyage; elle en fait un agent de dialogue entre les civilisations
et les cultures, pour bâtir une civilisation de l'amour
et de la paix. De tels contacts permettent de tisser plus
aisément les relations de paix entre les peuples
qui ne peuvent naître que d'un "tourisme solidaire",
fondé sur la participation de tous. Seule une participation
d'"égal à égal" peut faire
en sorte que les contacts interculturels soient une chance
pour la compréhension, pour la connaissance réciproque
et pour des relations détendues entre les hommes.
Voilà pourquoi il faut encourager toutes les formes
de participation efficaces entre les cultures. Il est nécessaire
d'impliquer les habitants des localités touristiques
dans la planification de l'activité touristique,
en en précisant bien les limites économiques,
écologiques ou culturelles.
Il sera également utile que toutes les structures
du pays d'accueil tendent à réaliser une activité
touristique qui soit toujours au service des personnes et
de la communauté.
Le tourisme se place de la sorte au service de la solidarité
entre tous les hommes, de la rencontre entre les civilisations;
il facilite la compréhension entre personnes et entre
nations, et il constitue une occasion pour réaliser
un avenir de paix.
Les chrétiens, agents du tourisme ou simples touristes,
doivent toujours imprimer à l'activité touristique
un esprit évangélique, se souvenant de l'exhortation
du Seigneur : "Dans toute maison où vous entrerez,
dites d'abord: 'Paix à cette maison!'. S'il y a là
un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui, sinon;
elle reviendra sur vous" (Lc 10, 5-6). Ils doivent
être des témoins de la paix et apporter la
sérénité à ceux qu'ils rencontrent.
Je prie le Seigneur pour que ce domaine fondamental de l'activité
humaine soit toujours imprégné de valeurs
chrétiennes et devienne un moyen d'évangélisation.
À cette fin, j'invoque la protection maternelle de
Marie, Mère de l'humanité entière,
et de tout cur j'envoie à tous ceux qui travaillent
dans le secteur touristique une particulière Bénédiction
apostolique.
Du Vatican, le 9 juin 2001.
Jean-Paul II
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