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Rapport de l'Eglise catholique aux médias
HOMELIE DE MGR PANAFIEU
Archevêque de Marseille
MESSE DU VOEU DES ECHEVINS EN L'EGLISE DU SACRE-COEUR
22 juin 2001

 

 

En cette fête qui réunit traditionnellement les autorités de l'Etat, de la Région, du Département et de la Ville, à l'invitation du président de la Chambre de Commerce et d'Industrie, et qui veut que l'Archevêque aborde un "problème de société" particulièrement d'actualité, mon propos portera sur le rapport de l'Eglise catholique aux médias

Un journal titrait récemment : "les cathos ont le blues". Il faisait allusion à de nombreuses réactions -dont le livre de René Rémond sur "le christianisme en accusation" est une expression- suscitées par un certain matraquage médiatique dont serait victime l'Eglise catholique dans des émissions de télévision, des articles de journaux nationaux ou de province de notre pays.
Il est vrai que toute institution dans notre société hyper médiatisée est mise à nu à commencer par l'État, le Pouvoir politique, la Justice, l'Éducation. L'Église catholique qui a conscience de faire partie du patrimoine de la nation, qui irrigue sa culture et teinte son humanisme n'échappe pas à ce dévoilement.

D'une certaine manière, le fait d'être constamment sous les sunlights oblige à faire la vérité sur soi-même et à cultiver la transparence. En ce sens l'agressivité opiniâtre de certains médias nous rend service : elle nous invite à être ce que nous annonçons, à vivre l'Évangile que nous proclamons.
Nous ne pouvons pas oublier non plus que les grands moyens de communication aujourd'hui, fut-ce pour s'en détacher ou pour le critiquer, transmettent le message de l'Evangile, rendent compte de la vie et du témoignage des communautés chrétiennes, évoquent de grandes figures du christianisme d'hier et d'aujourd'hui… Le visage de Jean-Paul II sur tous les écrans du monde échappe à toutes les idéologies et arrières pensées : il dit à la fois la faiblesse de l'homme dans son extrême vieillesse et la tendresse de Dieu dans le don de sa vie.

Le monde des médias sait souvent répondre à la notion de qualité. Des émissions de télévision, des sites Internet, des articles de journaux sont riches de connaissances, ouvrent l'intelligence et le cœur. Ils permettent de découvrir de nouveaux savoirs, d'autres cultures, ils font réfléchir sur le sens de l'histoire, ils questionnent sur la condition humaine, ses fragilités et ses coups de cœur. Le réalisateur, l'animateur, le journaliste deviennent alors de merveilleux éducateurs qui s'effacent derrière leurs sujets, en s'efforçant de servir la vérité de l'homme.

Des émissions, souvent de bon niveau, mettent en débat les problèmes de société les plus aigus et invitent ainsi des millions de téléspectateurs à confronter leurs points de vue à la lumière des témoignages portés et des questions posées. Quelle tâche passionnante, mais redoutable, que celle des "communicateurs" !

Voilà pourquoi nous avons à leur égard une grande estime, d'autant plus que nous savons que plusieurs -je pense notamment aux grands reporters- font preuve d'un courage physique qui force l'admiration, et de qualités morales mises au service de la défense des libertés et du respect des minorités. Les médias ne soutiennent-ils pas les grandes causes humanitaires ?

Pourquoi faut-il alors que nous soyons si souvent déçus, parfois meurtris, par la superficialité des écrits ou des images, d'une presse ou télévision "poubelle" qui se laisse aller à toutes les démagogies et qui jette en pâture à l'opinion les personnes privées et les collectivités publiques pour les déstabiliser ? Quand on sait le pouvoir extraordinaire d'une image forte et particulièrement tragique -je pense à celle d'un enfant palestinien tué sous les yeux de son père- image qui suffit à discréditer un camp par rapport à un autre et à faire basculer une opinion publique, on ne peut pas ne pas se poser la question : le monde des réalisateurs, animateurs, présentateurs, journalistes, a-t-il conscience d'être un nouveau Magistère ? A t-il conscience de l'extraordinaire pouvoir qui est le sien, et par un découpage savant des séquences ou des interview, du risque perpétuel de manipulation des consciences qui le guette ?
Cet univers de l'écrit et de l'image, frondeur à l'égard des institutions se rend-il compte qu'il est lui-même une institution avec ses lois et son langage, qui risque à tout instant d'aliéner les libertés de ceux-là même qui s'en disent les maîtres ? Quand une institution asservit la personne au lieu de la servir, ne doit-elle pas se remettre en cause ? Ne dit-on pas que dans certaines rédactions de grands journaux ou de chaînes de télévision, règne une atmosphère insupportable de surveillance et de délation ? Lorsqu'on ne respecte plus une élémentaire déontologie, lorsqu'on ne cherche plus la vérité des faits mais le "scoop" qui fait vendre le journal ou croître l'audimat, non seulement on manifeste un véritable mépris du lecteur ou du téléspectateur, mais finalement on se déconsidère soi-même. Le journaliste de la presse écrite ou télévisée a des droits, notamment celui d'informer en toute liberté, mais il a aussi des devoirs, notamment celui de ne pas travestir l'événement par le commentaire qu'il en fait. Quand il n'y a plus de morale professionnelle, quand la seule finalité est le produit à vendre, quand il n'y a plus le respect de la liberté d'autrui, de sa croyance et de ses convictions, le pire devient possible et les victimes ne sont pas seulement les institutions visées, mais les auteurs eux-mêmes qui se discréditent.

Non, "les cathos n'ont pas le blues". Ils ne sont pas atteints du "complexe de persécution". Leur Eglise, pas plus que les autres institutions de la République, ne réclame un régime de faveur de la part des médias. Elle reconnaît l'importance de la liberté de l'information. Elle demande seulement de ne pas être tournée systématiquement en dérision, forme moderne et subtile de l'intolérance, et d'être pour le moins respectée au même titre que les autres religions : Que dirait-on si on faisait subir le même sort aux autres communautés religieuses dans ce pays ? La réaction ne se ferait pas attendre et on ne manquerait pas de dénoncer à juste titre l'antisémitisme et le racisme !

Malheureusement aujourd'hui certains médias, au lieu de présenter la réalité de la vie ecclésiale selon l'objectivité des faits, préfèrent accorder une oreille complaisante aux ragots de sacristies… qui n'intéressent d'ailleurs que ceux qui les cultive.

Sans doute notre Eglise n'est pas sans péchés. Des événements récents ont montré qu'elle avait ses faiblesses, faiblesses de discernement et de comportement. Des chrétiens ont leurs étroitesses d'esprit et de cœur, des prêtres eux-mêmes connaissent des faux-pas, le jeu des ambitions et les querelles de pouvoir peuvent exister dans l'Eglise comme ailleurs. Mais pourquoi systématiquement occulter le souffle évangélique qui habite nos communautés, les témoignages de solidarité et de présence aux plus pauvres ?

Il ne s'agit pas de préserver l'institution à tout prix. Nous n'avons pas de leçons à donner. Mais nous sommes porteurs d'un message pour l'homme que nous avons reçu de Jésus, qui se traduit symboliquement par un Cœur ouvert à tous, et nous entendons pouvoir le délivrer en toute liberté sans qu'il soit caricaturé.

Frères et sœurs, au-delà des opinions philosophiques et quelque soient les croyances qui nous habitent, un chemin nous est commun : celui de l'homme. En ce sens la liberté des médias a une limite qu'elle ne saurait franchir : le respect de la dignité de l'homme et de ses convictions les plus profondes.

Pour les chrétiens, ce visage de l'homme mérite d'autant plus qu'on lutte pour qu'il ne soit pas défiguré qu'il a pris, en Jésus-Christ, le visage de Dieu. Le visage de la paix, de la défense des déshérités, de la solidarité humaine. Le visage qui ouvre la voie à la communication la plus haute qui est celle de l'homme avec son Dieu.

+ Bernard Panafieu
Archevêque de Marseille