Du 25 au 27 septembre, le Pape Jean-Paul est en Arménie
pour un voyage apostolique, à l'occasion des 1700
ans du Christianisme dans le Pays. Le Saint-Père,
venant de Astana au Kazakhstan, arrivera à Erevan,
qu'il visitera, ainsi que Khor Virab et Etchmiadzin où
il sera l'hôte du Catolicos.
Le Pays
L'Arménie est une République asiatique
du Caucase ; elle a une superficie de 29.743 km². Elle
a ses frontières au nord avec la Géorgie,
à l'est et au sud-est avec l'Azerbaïdjan, au
sud avec l'Iran, et à l'ouest avec la Turquie. Le
territoire n'a pas d'accès sur la mer, et comprend
des chaînes de montages, des hauts-plateaux volcaniques,
et des fosses dues à un effondrement (Lac Sevan.
L'altitude moyenne est de 1.800 mètres.
L'Arménie a une population de 3.800.000 habitants,
auxquels il faut ajouter 4.000.000 d'Arméniens qui
vivent dispersés dans le monde. Elle comprend différents
groupes ethniques : Arméniens (93,3%), Azéris
(2,6%), Kurdes (1,7%), Russes (1,6%). La langue officielle
est l'arménien, mais on y parle aussi le russe et
le kurde. La Capitale est Erevan, qui compte 1.250.000 habitants.
Ancienne République fédérée
dans le cadre des Républiques Socialistes Soviétiques
, l'Arménie a proclame son indépendance le
23 septembre 1991, et, le 21 décembre suivant, elle
entra dans la Communauté des Etats Indépendants.
La Constitution, approuvée en1995, a renforcé
les pouvoirs présidentiels. Le Mouvement National
Pan-arménien (HHSh) détient 119 sièges
à l'Assemblée Nationale, sur un total de 190.
Le Président de la République est M. Robert
Kotcharian, élu le 29 mars 1998 avec 59,49% des suffrages.
L'économie
L'agriculture et l'élevage sont les principales
ressources économiques. On trouve aussi des gisements
d'or, d'argent, de fer, de cuivre, de charbon, de gaz naturel.
L'industrie est active dans le domaine chimique, textile,
alimentaire, mécanique, et dans les matériaux
de construction.
PNL : 2.112 millions de dollars US ; PNL/hab. : 560 dollars
US ; force de travail : 41% du secteur primaire, 22% du
secteur secondaire, 37% du secteur tertiaire. Chômage
: 9,3% (1997), Dette extérieur : 666 millions de
dollars US (1997).
L'Histoire
L'Arménie, dont une partie était l'ancien
Royaume d'Urartu (du 9° au 7° siècle avant
Jésus-Christ), un haut-plateau au nord de la Mésopotamie
qui comprenait le massif volcanique des Monts Ararat sur
lequel, selon la Bible, se serait arrêtée l'Arche
de Noë, et où il aurait cultivé la vigne
(Gen, 8, 4 ss), est peuplée depuis l'âge de
la pierre. Les Arméniens sont descendants des populations
indo-européennes arrivées dans ces régions
à la fin du VII° siècle avant Jésus-Christ.
Tout au long de son histoire tourmentée, l'Arménie
a subi la domination perse, romaine et byzantine, les invasions
des Turcs, des Seldjoukides (dynastie turque), des Mongols,
des Tartares. Elle fut soumise aux Ottomans en 1473. Au
XVII° siècle les Persans occupèrent le
régions orientales, et, dans les régions occidentales,
les Turcs procédèrent à de grands massacres
(1894-1918), en amenant une grande partie des Arméniens
à l'exil. La 1° République indépendante
d'Arménie fut proclamée en 1918. Face à
la poursuite des hostilités avec la Turquie, le 29
novembre 1920, elle adhère à la république
Soviétique, en échange d'aides. Après
l'écroulement du régime communiste, l'Arménie
proclame son indépendance au mois de septembre 1991.
Le conflit du Haut-Karabakh
La province du Haut-Karabakh est habitée à
80% par des Arméniens, et faisait partie historiquement
de l'Arménie. En 1921, elle fut annexée par
Staline à l'Azerbaïdjan. En 1988, l'Azerbaïdjan
s'oppose aux revendications arméniennes sur la Haut-Karabakh,
revendications menées par le Mouvement National Pan-arménien
qui demande son unification avec l'Arménie. Le nationalisme
azéri se développe et des pogroms anti-arméniens
se produisent. Après l'accession à l'indépendance
de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan, les combats
s'intensifient, et les Arméniens du Haut-Karabakh
y proclament unilatéralement une République
(1991). En 1993, leurs forces armées prennent le
contrôle du sud-ouest de l'Azerbaïdjan. Les combats
font 30.000 morts, des foules de réfugiés
et la fermeture des frontières. Depuis 1994, un cessez-le-feu
a été déclaré et la présence
militaire arménienne se poursuit. En 1997, la Province
du Haut-Karabakh a obtenu son autonomie, et un couloir la
relie à l'Arménie. Mais la situation reste
" ouverte " au plan politique. (21/9/2001)
ARMENIE - Le Royaume chrétien le plus ancien
du monde
Erevan (Fides) - L'Arménie a été
le premier Royaume chrétien de l'histoire. L'évangélisation
du Royaume d'Arménie a été l'oeuvre
des missionnaires, venus les uns des régions orientales
de langue syriaque, les autres de l'Asie hellénisée.
Mais l'apôtre de l'Arménie est surtout saint
Grégoire l'Illuminateur (257-332); Arménien,
descendant la famille royale parthe des Arsacides qui régna
sur la Perse de 256 avant Jésus-Christ à 224
après Jésus-Christ, il passa sa jeunesse à
Césarée de Cappadoce, à cause d'une
persécution déclenchée par les Perses
contre les Arméniens. C'est là qu'il fut baptisé.
De retour dans sa patrie, vers 288, il évangélisa
le Pays, et il convertit tout d'abord le Roi Tiridate II
né en 314, et le baptisa. La famille du Roi se convertit
ensuite, puis toute la population d'Arménie.Il semblerait
toutefois que la première annonce chrétienne
remontât aux Apôtres Thaddée et Barthélémy,
au I° siècle donc.
L'Eglise Apostolique Arménienne
En 390, le Catholicos Sahag le Grand rompt les liens
de dépendance avec l'Eglise-mère de Césarée
de Cappadoce. Il confie à une équipe dirigée
par le moine Masrob, inventeur de l'alphabet arménien,
la tâche de traduire les Livres Saints et les grands
écrits patristiques. Pour des difficultés
internes, la guerre entre Arméniens et Perses zoroastriens,
les Evêques arméniens n'avaient pas participé
au Concile Oecuménique de Chalcédoine en 451
(IV° Concile Oecuménique). L'Eglise Arménienne
a pris une position christologique différente de
celle de l'Eglise de Byzance et de Rome au VI° siècle.
Après avoir ainsi lutté tout au long du V°
siècle pour reconquérir sur les Perses son
indépendance, l'Arménie en arriva à
consommer la rupture religieuse en 491 (Concile de Vagarchapat).
Le premier Concile de Dvin condamna en 506 la doctrine de
Chalcédoine. Le deuxième Concile de Dvin (qui
commença au mois de juillet 552 et dura plusieurs
années) condamna à nouveau solennellement
la doctrine de Chalcédoine. Le nom officiel est "
Eglise Apostolique Arménienne ". Les "
Anciennes Eglise Orientales "sont distinctes des Eglises
Orthodoxes, même si elle on les appelle parfois "
Eglises Orthodoxes Orientales. Par Anciennes Eglises Orientales,
on désigne : l'Eglise Assyrienne Orientale, appelée
anciennement Nestorienne ; l'Eglise Apostolique Arménienne
; l'Eglise Copte Orthodoxe, Les Ethiopiens Orthodoxes, l'Eglise
Syrienne Orthodoxe (appelée souvent Jacobites), l'Eglise
Syro-malankare Orthodoxe d'Inde, qui n'acceptent que les
trois premiers Conciles Oecuméniques.
Le Catholicos d'Etchmiadzin est le chef de toute l'Eglise
Arménienne ; après des déplacements
fréquents, dus aux circonstances politiques, c'est
à Etchmiadzin en effet que s'installe définitivement
en 1441, sur le Siège originaire, le Catholicat de
l'Eglise de l'Eglise Arménienne. L'actuel Catholicos
est S.S. Karékine II Nersissian, qui est le 132°
Patriarche Suprême de tous les Arméniens, élu
le 26 octobre 1999. L'Eglise Arménienne. La hiérarchie
comprend un autre Catholicos qui réside à
Antélias au Liban, et deux Patriarches, à
Jérusalem et à Constantinople. Sur l'ensembles
des Arméniens vivant dans le Pays ou répandus
dans le monde (on évalue leur nombre à 8 millions),
la grande majorité appartient à l'Eglise Apostolique
Arménienne.
La communauté catholique
10% environ de l'ensemble des Arméniens (habitants
du Pays et membres de la diaspora) sont catholiques romains.
Les émigrés arméniens de Galicie (depuis
le XIV° siècle) sont unis à Rome depuis
1630 . Mais le premier grand ralliement avec Rome s'est
fait avec Abraham Ardzivian en 1740. Les catholiques arméniens
ont un Patriarche depuis 1742 résident à Bzommar
au Liban (Patriarche de Cilicie des Arméniens). Le
Patriarche catholique actuel est S.B. Nerses Bedros XIX
Tarmouni (résident à Jeitaoui, Beyrouth au
Liban) élu le 7 octobre 1999.
Les communautés catholiques d'Arménie et
de Géorgie sont nées des émigrations
du XIX° siècle, après le traité
russo-turc d'Adrianopoli en 1829, quand une grande partie
de la population arménienne, échappant aux
conditions désastreuses de vie dans l'Empire Ottoman,
préféra chercher asile sous la protection
chrétienne de l'Empire russe. Ils s'établirent
surtout dans les Provinces de Shirak, Tashir et Lori (l'actuelle
Arménie), Djavakhk (l'actuelle Géorgie), Akhaltsikhe,
Akhalkalaki, Bagdanovka-Ninodzminda.
Les Arméniens construisirent des villages, des églises,
des écoles, des hôpitaux, et s'organisèrent
avec leurs propres prêtres et paroisses. Ils apportèrent
à la hiérarchie arménienne des prêtres
diocésains et des moines qui devinrent célèbres,
formés par les Pères Mékhitaristes
(Congrégation de moines bénédictins
arméniens fondée en 1701 par un théologien
catholique arménien, Mékhitarh. Face à
la persécution de 1917, ils se réfugièrent
à Venise et à Vienne), sans oublier le Couvent
Patriarcal de Bzommar au Liban.
Vers la moitié du XIX° siècle, on créa
les premières structures et organisations ecclésiastiques
dans la région. En 1909, le Pape nomme le premier
Administrateur Apostolique pour l'ensemble du Caucase, Mgr
Sarghis Der-Abrahamian, qui exerça ses fonctions
jusqu'à la venue du régime soviétique
communiste. En 1916, L'Eglise catholique d'Arménie
comprenait 7 Régions ecclésiastiques (Shirak
; Akhalkalak, Akhaltsekha, Ardwin, Karin, et Crimée),
86 paroisses, 71 curés pour 172 villages. Dans ces
territoires , on avait construit 70 églises ; il
y avait plus de 60.000 fidèles (plus de 200.000 si
on leur ajoute les Arméniens catholiques de Géorgie
et de Russie). Mais avec l'installation du régime
soviétique, les Arméniens catholiques furent
persécutés : pendant la période stalinienne,
une quarantaine de prêtres furent tués de 1936
à 1939, et de nombreuses églises furent détruites
ou destinés à des usages profanes.
Une nouvelle époque
En 1991, après la chute du régime soviétique,
le Pape Jean-Paul II a reconstitué la hiérarchie
catholique de l'Arménie, en nommant comme Ordinaire
pour les Arméniens d'Europe Orientale (Arménie,
Géorgie, Ukraine et Russie) le Père Nerses
Der-Nersessian, Mékhitariste de Venise, qui fut consacré
Evêque le 17 novembre 1992.
En octobre 1991, on inaugura aussi l'hôpital "
Redemptoris Mater " de Ashotsk, don du Pape au peuple
arménien, dans le but de soulager les souffrances
provoquées par le tremblement de terre du mois de
décembre 1988 qui fit 25.000 morts et 700.000 sans-abri.
L'hôpital est dirigé par les Pères Camilliens.
L'Eglise Arménienne Catholique est officiellement
enregistrée en Arménie depuis 1992, et a son
propre règlement reconnu par l'Etat. Le Siège
officiel de l'Ordinaire est à Gumri (Ghiumri) en
Arménie. Un deuxième enregistrement a été
fait le 30 mai 2000 avec une nouvelle élaboration
de son Statut. Les églises de la région de
Shirak ont été restaurées et travaillent
en toute légalité. De nombreuses églises,
celles situées notamment dans les Provinces de Tashir
et de Ashotsk, attendent encore d'être restaurées.
De nombreux villages n'ont pas encore d'église et
attendent leur construction.
A côté de l'Ordinaire pour les Arméniens
Catholiques de l'Europe Orientale, S. Exc. Mgr Nerses Der-Nersessian,
Archevêque titulaire de Sébaste des Arméniens,
et de son Coadjuteur S. Exc. Mgr Vartan Kechichian, Archevêque
titulaire de Mardin des Arméniens, il y a peu de
prêtres : 4 en Arménie et 4 en Géorgie,.
On compte aussi quelques religieuses : 9 religieuses de
la Congrégation Arménienne de l'Immaculée
Conception, 3 Soeurs de l'Eucharistie, 6 Salésiennes,
6 Missionnaires de la Charité (Mère Teresa
de Calcutta) ; elles se consacrent activement à l'éducation
chrétienne des enfants, et s'occupent des orphelins
et des handicapés ; 2 Petites Soeurs de Jésus
se consacrent aux malades et aux pauvres, à l'hôpital
de Ashotsk. La foi est très vivante chez les catholiques.
Les personnes âgées racontent les souvenirs
terrifiants du passé, et les fruits amers du régime
athée, et remercient Dieu d'avoir rouvert les portes
des églises et de pouvoir ainsi écouter de
nouveau les paroles de l'Evangile en toute liberté,
et d'assister au Saint Sacrifice de la Messe.
Un des problèmes les plus urgents est la formation
des prêtres. Le petit séminaire de Gumri a
été inauguré en 1994 ; il accueille
actuellement une dizaine de séminaristes. Les grands
séminaristes suivent les cycles de philosophie et
de théologie à Rome, et logent au Collège
Pontifical Arménien.
Au temps de Vasken I° (mort en 1994), Catholicos de
l'Eglise Arménienne Apostolique, les relations avec
les communautés catholiques arméniennes étaient
placées sous le signe de l'amitié et du respect.
Il y eut de nombreux gestes amicaux entre les dirigeants
et les membres des deux communautés. Rappelons notamment,
au mois de septembre 1996, les cérémonies
à l'occasion du 1° Centenaire de la naissance
du Cardinal arménien Grégoire Pierre Agagianian,
Patriarche des Arméniens Catholiques, puis Préfet
de la Congrégation de Propaganda Fide. Pour la première
fois, la figure du Cardinal Agagianian, qui avait été
diffamé pendant la période communiste athée,
a été publiquement louée. Il faut souligner
aussi les effets positifs des rapports d'amitié fraternelle
existant entre le Pape Jean-Paul II et le Catholicos Karékine
I°. Le Saint-Père l'avait notamment invité
à composer les méditations pour le Chemin
de Croix au Colisée, du Vendredi Saint 1999.
Le rite arménien
L'Eglise arménienne, Catholique, ou Apostolique,
se sert d'un rite liturgique propre, le rite arménien,
considéré comme un rameau indépendant
dans l'ensemble des cinq principaux rites d'Orient chrétien.
Sa formation remonte au V° siècle, quand on assista
à la floraison de la littérature arménienne.
En 407, en effet, le jeune moine Masrob, face à des
nécessités missionnaires, créa l'alphabet
arménien.
La liturgie arménienne a connu l'influence syrienne,
byzantine et latine ; elle a un déroulement choral,
se sert d'ornements splendides, et sa musique est parmi
les plus belles de l'Orient.
Parmi les caractéristiques du rite arménien,
il y a la célébration de la Messe avec du
pain azyme cuit le jour même de la célébration,
l'absence de la " commixtio " (mélange)
du vin et de l'eau dans le calice. La liturgie comprend
aussi des rites suggestifs : la bénédiction
de l'eau baptismale ("Djrorhnekh) le jour de l'Epiphanie,
le rite de l'Ouverture de la Porte (Drnbatsekh) après
les Vêpres du Dimanche des rameaux, la bénédiction
des champs et des quatre points cardinaux du monde (Andastan).
(21/9/2001)
ARMENIE - Le génocide est toujours une plaie
ouverte
Erevan (Fides) - " Le vingtième siècle
a été marqué pour nous tous par une
violence extrême. Le génocide arménien,
au début du siècle, a constitué un
prologue aux horreurs qui auraient suivi ". C'est ce
que déclare le communiqué commun, signé
par le Pape Jean-Paul II et par le Patriarche Karékine
I°, Patriarche Suprême et Catholicos de tous les
Arméniens, le 9 novembre 2000, au cours de sa visite
à Rome. C'est une des plaies les plus douloureuses
de l'histoire de l'Arménie, et elle continue à
saigner : par le génocide de 1915, les Turcs éliminèrent
plus 1.500.000 Arméniens.
Avec le déclin de l'Empire Ottoman, sur la fin du
XIX° siècle, se développe en Turquie un
mouvement nationaliste, le mouvement des " Jeunes Turcs
" qui prend le pouvoir en1908, et le conservera pendant
dix ans. Le but de ce mouvement est la création d'un
grand Empire pan-turc qui s'étende de la Mer Egée
aux frontières avec la Chine. Les Arméniens,
situés au milieu des Turcs de l'Anatolie et ceux
du Caucase, étaient un obstacle pour la réalisation
de cet projet : il fallait donc les éliminer.
L'occasion pour réaliser ce plan se présente
en 1915, quand les Puissances européennes engagées
dans la Première Guerre Mondiale ne risquaient pas
de s'occuper des affaires intérieures de la Turquie.
Tous les Arméniens valides sont appelés sous
les armes, et, séparés de leurs détachements,
ils sont massacrés. On arrête ensuite tous
les intellectuels, les prêtres, les dirigeants politiques.
Dans les villes et dans les villages habités par
des Arméniens, il ne reste que les femmes, les personnes
âgées et les enfants. Leur sort est la déportation,
réalisée sous le prétexte de la proximité
avec les régions en guerre. Beaucoup meurent de faim,
de soif, de maladies et d'épuisement. Il y a un million
et demi de victimes, la presque totalité des Arméniens
de Turquie.
Au terme de la Première Guerre Mondiale, avec la
défaite de la Turquie, le régime des "
Jeunes Turcs " s'effondre. Le nouveau gouvernement
institue une Cour martiale pour juger les responsables du
massacre. Mais de nombreux coupables s'enfuient ou vivent
tranquilles dans le Pays ; la Cour martiale est dissoute
sans avoir terminé ses travaux. L'Etat Turc cesse
de poursuivre les responsables, et adopte une attitude de
silence, en en arrivant même à nier le génocide.
A la différence de l'Holocauste juif, reconnu et
condamné par les Allemands, le génocide arménien
n'a été ni reconnu ni condamné par
le Gouvernement turc. A une époque récente,
les Institutions nationales et internationales l'ont fait
: le tribunal Permanent des Peuples, la Commission de l'ONU
pour les Droits de l'Homme, le Parlement Européen,
les Parlements de plusieurs pays : Russie, Bulgarie, Chypre,
Grèce, Liban, Belgique, Argentine, France, Suède.
Les victimes du génocide arménien sont commémorées
le 24 avril. Le 7 octobre prochain, pendant le Synode des
Evêques, le Pape béatifiera Mgr Ignatius Maloyan,
prêtre arménien, Archevêque de Mardin,
martyrisé en 1915 pendant le génocide. (21/9/2001)
ARMENIE - Une terre à vocation oecuménique
Erevan (Fides) - L'oecuménisme en Arménie
fait des pas de géants : la visite du Pape pourrait
être un événement décisif pour
la communion entre catholiques et arméniens. C'est
ce qui se dit dans la communauté chrétienne
arménienne, heureuse d'accueillir le Pape dans un
voyage à grande signification oecuménique.
L'esprit oecuménique était déjà
vivant à la moitié du V° siècle,
quand les Princes des trois nations du Caucase (Arménie,
Géorgie et Albanie Caucasienne) se réunirent
autour de saint Vartan Mamikonean et se rebellèrent
contre la domination sassanide en défendant leur
foi chrétienne. Les arméniens ne considéraient
pas comme étrangers dans l'arménien classique,
ni les chrétiens orientaux ni les chrétiens
occidentaux. La parole aylazgi, qui désignait l'étranger,
en arménien classique, ne fut jamais utilisée
pour désigner un chrétien. En arménien
moderne, son usage est restreint aux personnes de foi musulmane.
Les controverses sur les questions christologiques, après
le Concile de Chalcédoine, n'interrompirent jamais
les contacts des arméniens avec les chrétiens
de Perse, de Byzance, de Syrie, et plus tard, de Rome.
Le Caucase et l'Arménie ont été réceptifs
pour l'oecuménisme grâce à la pluralité
culturelle qui caractérisait la civilisation arménienne
antique et médiévale. Durant les premiers
siècles du christianisme, la culture dominante en
Arménie était une fusion de traditions occidentales
helléniques et romaines, et de traditions orientales
anatoliennes et iraniennes. Le Pays fut la croisée
des chemins de tribus émigrantes, de peuples, de
religions et de cultures. Le christianisme lui-même
fut introduit en Arménie par différents milieux.
Il vint du sud-est et de l'ouest. L'Adiabene, l'Osroene,
et la Cappadoce étaient les terres d'où sont
venus les premiers missionnaires pour se rendre en Arménie
Pendant le Moyen-Age et au début de l'ère
moderne, les arméniens ne renoncèrent pas
à l'esprit oecuménique, pour une autre raison
encore : après la perte totale de leur souveraineté
nationale, (en 428, sous l'empire perse), ils considérèrent
l'Empire byzantin comme un rempart du christianisme. Par
la suite, sous les califes Abassides, alors que les prélats
discutaient de questions théologiques, le peuple
arménien , entouré de musulmans, considérait
la foi chrétienne comme signe distinctif de sa propre
identité.
L'esprit oecuménique a refleuri aussi à l'époque
moderne. Au XVIII° siècle, on traduisit d'importantes
oeuvres exégétiques et religieuses, du latin
en arménien, et les Pères Mékhitaristes
arméniens de Venise y participèrent. Cette
tendance s'est poursuivie jusqu'à nos jours, en sorte
que le clergé arménien n'est pas étranger
aux contenus culturels et théologiques occidentaux.
Dans les dernières années du 19° siècle,
on reprit la tradition antique d'envoyer en Occident les
étudiants licenciés pour leur permettre d'obtenir
le doctorat.
Après les difficultés de la première
moitié du 20° siècle (le génocide
de 1915, et l'installation du régime soviétique),
à partir de 1950 les prêtres et les étudiants
arméniens recommencèrent à fréquenter
les Universités en Europe et en Amérique.
Dans les années 1950, l'Eglise arménienne
entra au Conseil Mondial des Eglises et au Conseil National
des Eglises, où elle travaille toujours activement.
Le Concile Vatican II, auquel l'Eglise arménienne
avait envoyé des observateurs, eut un impact positif
sur les rapports entre l'Eglise de Rome et l'Eglise arménienne.
Le dialogue, qui piétinait depuis plusieurs siècles,
recommença et déboucha sur la visite officielle
du Catholicos Vasken I° au Pape Paul VI.
Après la chute de l'Union Soviétique, les
rapports entre Rome et Etchmiadzin devinrent plus étroits.
L'esprit oecuménique entre le Pape Jean-Paul II et
Karékine I° fut une contribution décisive
: chaque Eglise reconnut officiellement l'orthodoxie
de l'autre, et accepta la validité de ses sacrements.
Rome a célébré le 1700° anniversaire
de la conversion du peuple arménien au christianisme,
tout d'abord avec une exposition sur l'art arménien
dans les Palais du Vatican, et puis, à la fin de
2000, avec la restitution par le Pape de reliques de Saint
Grégoire l'Illuminateur.
Dans un entretien publié en 2000, après sa
mort, le Catholicos Karékine I° déclarait
: " Dans le cours de notre histoire, l'esprit oecuménique
n'a jamais fait défaut dans l'expérience de
la foi chrétienne en Arménie, et surtout avec
l'Eglise catholique romaine ". D'après le Père
Jean Corbon, " dans l'histoire du mouvement oecuménique,
Karékine I° est sans aucun doute un des serviteurs
fraternels et désintéressés qui a contribué
le plus à vivifier la communion entre les Eglises
". La Déclaration commune signée à
Rome le 13 décembre 1996 par lui et par le Pape Jean-Paul II, est historique ; elle avait pour but de dissiper
les malentendus hérités du passé, sur
la foi des deux Eglises dans la Sainte Trinité et
dans le Verbe de Dieu fait chair. (21/9/2001)
ARMENIE - Le Pape sera l'hôte du Catholicos :
exemple de fraternité oecuménique (Entretien
avec Mgr Claudio Gugerotti, Sous-secrétaire de la
Congrégation pour les Eglises Orientales)
Rome (Fides) - " Le Pape et le Catholicos dormiront
sous le même toit, ils passeront ensemble des journées
entières, des moment publics et privés, ils
prononceront des discours, et donneront en commun des bénédictions
: c'est une nouveauté absolue, un modèle de
fraternité oecuménique sans précédent
". C'est en ces termes que Mgr Claudio Gugerotti, Sous-Secrétaire
de la Congrégation pour les Eglises Orientales, qui
connaît très bien la langue et la culture arméniennes,
explique à Fides la signification du voyage du Pape
en Arménie du 25 au 27 septembre. Il a bien voulu
répondre aux questions de Fides.
Quels sont les buts et la signification du voyage du
Pape ?
Le voyage avait été prévu pour
1999. L'amitié personnelle qui liait Karékine
I° au Saint-Père, avait permis de préparer
ce qui pouvait être le premier voyage du Pape dans
un Pays à majorité non-catholique de l'Orient
chrétien.
L'aggravation de la santé du Catholicos ne permit
pas la réalisation du voyage, mais une lettre du
Pape fut toutefois déposée dans les mains
du Catholicos reposant dans son cercueil. Son successeur,
Karékine II tint à reprendre aussitôt
le projet de voyage du Pape. Sa visite à Rome au
mois de novembre 2000, eut un grand retentissement dans
le monde arménien. Le voyage actuel se déroule
en cette année où l'on fête les 1700
ans du baptême de l'Arménie.
La visite a une grande importance oecuménique. Pendant
tout le voyage, le Pape sera accompagné du Catholicos.
Il ne va pas simplement lui rendre une visite ; mais il
sera son hôte chez lui pendant tout le temps de son
séjour, passant ensemble des moments publics et privés.
Tous deux prononceront des discours et donneront des bénédictions
à la population, à l'exception de la célébration
de l'Eucharistie, parce qu'il manque la pleine communion.
Le Pape célébrera la Messe sur l'autel principal
en dehors du complexe de Etchmiadzin, où l'Eglise
Arménienne Apostolique célèbre habituellement
la Messe. Tout cela représente une nouveauté
absolue, et est un exemple de rapport oecuménique
qui, nous l'espérons, pourra s'étendre à
d'autres Eglises.
Que devons-nous en attendre ? Quels pourront être
les fruits ?
On en attend que la voix de ces deux Chefs de deux Eglises
redonne espérance à un peuple désespéré,
en grave difficulté économique, avec une émigration
déchirante, et avec un manque total de confiance
d ans l'avenir. Le Pape et le Catholicos indiqueront dans
le Christ la réponse à ces attentes. La trace
laissée par le communisme athée ne s'efface
pas en peu de temps, et il s'agit surtout de la destruction
du système de référence morale. Nous
espérons que ce peuple pourra se relever et se sentir
protagoniste de sa propre histoire. Au plan oecuménique,
la visite montre comment l'on peut vivre la fraternité,
et fait sentir le souffle commun.
Quelles différence y a-t-il actuellement entre
l'Eglise Catholique et l'Eglise Apostolique Arménienne
?
Pour différentes raisons, l'Eglise Apostolique
Arménienne n'a pas accepté le Concile de Chalcédoine
qui indiquait les deux natures de la personne du Christ.
Mais, dans la déclaration signée par Paul
VI et Vasken I° en 1967, les deux Eglises reconnaissent
la même Christologie, même si elle s'exprime
en des termes différents. Le désaccord réside
dans la question de la Primauté du Pape, que l'Eglise
Arménienne n'accepte pas, au moins dans sa formulation
actuelle. Au-delà de tout cela, il y a une grande
proximité : Karékine I° me disait qu'il
était personnellement d'accord avec toutes les Encycliques
du Pape, et qu'il était prêt à les signes
toutes.
Comment l'Eglise Apostolique Arménienne s'est-elle
préparée à cet événement
Il y a un climat d'attente et de prière. Depuis
longtemps on se prépare à la célébration
solennelle de l'anniversaire du baptême de l'Arménie.
La visite du Pape est le point culminant de cet événement.
Une délégation du Saint-Siège, présidée
par le Cardinal Kasper, sera présente durant les
jours qui précèdent l'arrivée du Pape,
quand le Catholicos consacrera le Saint Chrême. C'est
une cérémonie solennelle, qui se fait tous
les sept ans, et à laquelle sont invités tous
les Patriarches orthodoxes, ainsi que le Patriarche Arménien
Catholique du Liban. Et puis, il y aura l'inauguration de
la nouvelle cathédrale à Erevan, dédiée
à saint Grégoire l'Illuminateur. Le fait qu'elle
soit construite dans la Capitale de l'Etat est le signe
que le Pays a retrouvé les racines chrétiennes
de la civilisation et de l'identité arméniennes,
détruites pendant le temps du communisme.
Quelle Arménie trouvera le Pape ? Comment est
la situation économique, sociale, politique ?
Le Pays a des problèmes graves, liés à
l'écroulement de l'ancienne URSS : le Pays manque
d'infrastructures et de matières premières
; en dix ans, il y a eu la chute vertigineuse du niveau
économique de la Nation, et la pauvreté qui
en a résulté pour la population ; il y a une
émigration massive qui épuise le Pays. Actuellement,
il y a seulement deux millions de personnes en Arménie,
sur plus de sept millions d'Arméniens dans le monde.
Au début, la diaspora s'en alla vers le Moyen-Orient
; après la crise de 1915, le but principal fut la
Grèce, puis la France, les Etats-Unis, le Canada,
l'Australie. Ces derniers temps, l'émigration se
tourne vers la Russie, et est plus facilement réversible.
La population est découragée : et ceci enlève
l'espérance et entache la crédibilité
des institutions. Plusieurs groupes économiques ont
de fortes influences négatives. On respire un climat
général d'instabilité (il faut se rappeler
l'attentat au Parlement au mois d'octobre 1999). A tout
cela s'ajoutent les séquelles de la guerre du Haut-Karabakh,
qui s'est terminée dans une stagnation difficile
à résoudre au plan international. Et puis,
il y a eu les effets désastreux du tremblement de
terre de 1988. Depuis lors, de nombreuses personnes vivent
toujours dans des baraques.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de la communauté
chrétienne ? Quels sont les principaux problèmes
que rencontre l'Eglise ?
Les rapports entre les deux communautés, la communauté
catholique et la communauté apostolique arménienne,
sont d'une grande cordialité . Il est difficile de
dire combien il y a de catholiques, étant donné
le manque des registres des Baptêmes au temps du communisme.
La division se fait surtout par villages. L'Evêque,
Mgr Der-Nersessian, essaie de faire un recensement précis.
Pour la présence de l'Eglise dans la société,
je parlerais de " problèmes communs " pour
les chrétiens. On se trouve aujourd'hui face à
la pénétration des sectes, qui ont un impact
violent sur les gens. Il faut donner le témoignage
de fraternité et d'union pastorale, sans faire de
prosélytisme. Un autre problème est la connaissance
des contenus de la foi : une formation plus profonde est
nécessaire, parce que, dans le passé, la réflexion
théologique et culturelle était l'apanage
de quelques intellectuels. Il est urgent aussi de lancer
des initiatives concrètes dans le domaine social
: les institutions ecclésiastiques doivent substituer
l'Etat qui ne parvient pas à faire face à
la pauvreté et à la marginalisation souvent
des enfants, des orphelins, des familles.
Et les jeunes ?
Le problème le plus grand est l'évangélisation
des jeunes qui sont fortement prédisposés
à recevoir le message chrétien. Le risque
est l'infiltration du modèle de la vie occidentale,
qui véhicule des schémas de laïcisation
et de société de consommation, qui sont peut-être
plus dangereux que le communisme. Ce dernier a tenté
de déraciner la religion dans une lutte de front
; le système capitaliste en revanche est sournois,
et vide de l'intérieur les contenus de toute dimension
spirituelle véritable. (21/9/2001)
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