L'événement du naufrage
des 4 marins du Cistude nous a tous frappés de stupeur. Plus
le malheur est soudain et imprévu, plus il est intolérable.
Accablés par la douleur, nous nous posons beaucoup de questions
: Pourquoi le mal dans le monde ? Pourquoi mourir si jeune
avec une famille et des enfants à charge ? Où est Dieu dans
tout cela ?
Ces questions sont légitimes, et nous cherchons à comprendre.
Nous nous tournons vers Dieu pour lui demander des comptes.
La foi chrétienne n'a pas de réponses toutes faites.
Dieu a prouvé son amour pour les hommes en lui envoyant son
Fils. Celui-ci a partagé notre existence avec ses joies et
ses souffrances. Il n'a pas triché avec la mort, lui aussi
sur la Croix il a crié « Pourquoi ? Pourquoi ? » « Mon Dieu,
mon Dieu pourquoi m'as tu abandonné ? »
La réponse de Jésus devant le scandale du Mal n'est pas une
explication, il a donné sa vie en mourant, rejeté par tous,
Jésus s'est identifié à toute l'humanité perdue. Au moment
où il meurt, il est du côté de tous les exclus, de ceux dont
on ne respecte pas la dignité. Au moment où il crie sa solitude,
il est du côté de tous ceux qui souffrent, qui pleurent un
être cher, qui se croient abandonnés de Dieu.
Jésus est allé jusque là, jusqu'aux limites de l'amour, pour
qu'au milieu des situations les plus difficiles, l'homme ne
se sente pas seul mais découvre que Dieu, silencieux, est
là avec lui.
Jésus a donné sa vie par amour pour nous, pour que nous comprenions
que sans l'amour, le monde est inhumain.
Jésus en allant au bout de l'amour est passé de la mort à
la vie, il nous dit que dans le monde, malgré les apparences
ce n'est pas la haine, la violence, ou la guerre qui aura
le dernier mot mais l'Amour.
La violence engendre une violence sans limites et renferme
les hommes sur eux-même, sans issue. L'amour, la solidarité,
ouvrent une brêche dans les relations conflictuelles entre
les professions, les peuples, les religions.
Pour pouvoir dépasser les conflits, les situations de mort,
nous sommes conduits à nous ouvrir à l'amour que Dieu nous
propose, l'amour de celui qui a ressuscité Jésus et qui nous
ressuscitera tous un jour avec lui. « Celui qui n'aime pas
reste dans la mort, parce que nous aimons nos frères, nous
sommes déjà passés de la mort à la vie » (Jn 4)
Dans notre vie, nous vivons des moments de lâcheté où
nous nous replions sur nous mêmes devant le malheur des autres,
mais à d'autres moments nous sommes capables de donner notre
temps, de risquer notre vie pour sauver les autres : On ne
peut le faire que si on est habité par l'amour.
Les marins ressentiront toujours l'appel du large, l'appel
de la mer, ils aiment leur métier comme les pécheurs
du lac de Galilée que Jésus a appelé à sa suite : Pierre et
Simon. Les marins sont sensibles, à cause de leur condition
de vie difficile, au respect qu'on leur porte.
L'épreuve réunit dans une même communion , marins français,
portugais et espagnols, malgré des moments plus difficiles.
Tous ensemble, gens du monde maritime, habitants des Sables
et de tout notre pays, nous continuerons à vivre le chemin
de la solidarité et de l'amour, nous travaillerons à ce que
de tels incidents ne se reproduisent plus ou le moins possible.
Pour cela ce qui doit être premier, avant le profit, dans
nos relations dans la société, dans nos projets économiques,
c'est le sens de l'homme, le respect de la personne humaine,
qui dans notre foi s'enracine dans la conviction que l'homme
a une vocation divine, qu'il a été créé à l'image de Dieu,
pour vivre dans l'amour, pour vivre à jamais. Alors, reprenons
la route « en aimant, non pas avec des paroles et des discours,
mais en acte et en
vérité ».
Mgr Michel Santier
évêque de Luçon
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