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« Ayez du cœur… ». Ce conseil a-t-il
encore quelque pertinence aujourd’hui ? Certes, nous
le savons bien, le cœur ne se porte pas trop mal en théorie,
si l’on en juge par l’utilisation multiple du
terme. Nous pouvons cependant nous demander si la véritable
signification du cœur ne passe pas trop souvent inaperçue,
face à la dilution du mot dans les contextes les plus
vagues et les plus éclatés
La presse du cœur, les coups de cœur, le cœur
du problème, les cœurs gros, ne nous éloignent-ils
pas de la mission profonde du cœur, symbole majeur de
l’Amour, de la liberté, du courage et de la générosité
? Les anciens ne s’étaient pas trompés
qui situaient dans le cœur les plus nobles ou la source
des véritables capacités humaines.
Avoir du cœur, ce n’est pas être faible
ou mettre en péril ses chances de réussite dans
la vie. Bien au contraire. Les hommes et les femmes de cœur,
ceux qui prennent le temps d’accueillir et de découvrir
l’autre, ceux qui ont la patience de la bonté
ou l’audace imprévisible de la confiance, ont
plus de chance de faire avancer finalement le monde que les
violents ou les haineux, les égoïstes ou les insolents.
Avoir du cœur, c’est donner toutes leurs chance
aux personnes et aux événements, même
si l’on risque la fragilité, la dérision
ou le soupçon – toujours provisoire – de
ceux qui choisissent d’autres voies plus radicales ou
apparemment plus efficaces.
Avoir du cœur, c’est lui permettre d’exprimer
sa puissance d’aimer. Certes, la grandeur du cœur
n’exclut pas son ambigüité. Mais avoir du
cœur c’est aussi s’attaquer à la source
même du mal qui ne vient pas de l’extérieur
mais de l’intérieur de l’homme. Le Christ
rappelle que « c’est du cœur de l’homme
que sortent les intentions mauvaises… » (Mt 7,21).
Je pense à tout cela en ces jours où l’Eglise
catholique célèbre le cœur du Christ, le
« Sacré Cœur ». Je pense que l’on
peut vraiment parler du cœur de Dieu, même par
analogie, car le cœur de Dieu, c’est son amour
absolu, total, donné aux hommes et à l’histoire.
Je pense que Jésus – Dieu parmi nous –
eut un cœur battant au rythme de l’Amour de Dieu
pour tous, et spécialement les plus petits, les souffrants,
les exclus, les éloignés. Ce cœur du Christ
est sacré par nature et par vocation. Il peut être
un modèle pour nous.
Et si avoir du cœur, c’était mettre dans
notre vie quelque chose appartenant à Dieu lui-même
?
Mgr André Dupleix, secrétaire général
adjoint de la Conférence des évêques de
France
Billet paru dans le Courrier français, juin 2007.
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