La tâche quotidienne
Mesurons-nous vraiment l’importance de chaque geste
quotidien, aussi modeste soit-il, qu’il aille de soi
ou qu’il nous coûte ? Rien ne s’accomplit
finalement sans un minimum de persévérance,
même lorsque l’intérêt que nous percevions
au départ s’est atténué ou n’apparaît
plus dans l’instant.
C’est pourtant dans l’humble fidélité
à la tâche quotidienne que mûrit la réussite
des projets engagés, que sont contournés les
obstacles ou franchis les seuils. Il n’est pas toujours
aisé de mettre en évidence le fil rouge de notre
existence, surtout parce qu’il est de l’ordre
de l’intériorité plus que des contingences
matérielles, fussent-elles parfaitement cohérentes.
Ce fil rouge existe pourtant, et lorsque nous le découvrons
ou sommes aidés à le découvrir, nous
sommes, à la fois, l’architecte et le tailleur
de pierres. Nous n’avançons pas au hasard.
Au moment où grand nombre de nos institutions font
leur rentrée, il n’est pas inutile de nous rappeler
que chacun contribue, tel qu’il est, là où
il est et pas forcément ailleurs, à la longue
marche d’ensemble. Mais cette marche ne suit pas toujours
un tracé rectiligne. L’essentiel est bien qu’elle
aboutisse ou qu’au long de son déroulement, les
uns et les autres, ensemble et avec une estime réciproque,
nous développions patiemment ce qu’il faut de
paix et d’amour pour que les choses aillent mieux, à
notre porte déjà…
La tâche quotidienne a souvent une teneur paradoxale.
Elle nous confronte à nos propres contrastes : résistance
et fragilité, soif de bonheur, de stabilité,
et expérience douloureuse des multiples formes de ruptures
et d’épreuves. Nous ne sommes jamais tout l’un
ou tout l’autre. Délicate alchimie du cœur.
Mais c’est bien en assumant ces contrastes que nous
avançons. Créativité et stérilité
de l’artiste, opiniâtreté et hésitations
du chercheur, enthousiasme et désillusions de l’enseignant,
réussite et lassitude du politique, lumière
et nuit obscure du croyant. A tous niveaux nous apprenons
à construire quels que soient la fragilité ou
l’aléatoire de nos matériaux.
Serait-ce là, en renouvelant chaque jour en nous ce
mystérieux souffle de vie et de confiance en l’avenir,
que Dieu nous fait signe ?
Mgr André Dupleix, Secrétaire
général adjoint de la Conférence des
évêques de France
Billet paru dans le Courrier français, septembre 2007
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