Lettre de Benoît
XVI à l’Eglise catholique en Chine : éclairages Le
27 mai, le Pape Benoît XVI a adressé une lettre aux évêques,
prêtres, consacrés et laïcs de l'Eglise catholique en République
populaire de Chine. Publiée en chinois, anglais, français et italien,
elle se compose de deux parties ("Situation de l'Eglise. Aspects théologiques",
"Orientations pour la vie pastorale") et d'une conclusion. Elle est
accompagnée d’une note explicative qui retrace, notamment, la situation
de l’Eglise en Chine ces 50 dernières années. Quelle est
la portée de ce texte ? Dans quel contexte s’inscrit-il ? Regards
croisés du père Charbonnier et de Régis Anouil, des Missions
étrangères de Paris. *** Interview du père
Charbonnier, Directeur du Service Relais France Chine aux Missions étrangères
de Paris Quelle est l’importance de cette
lettre ? Elle était attendue depuis janvier puisqu’elle
avait été annoncée à la réunion qui a eu lieu
à Rome avec des évêques chinois. Elle a été
présentée au gouvernement chinois un peu à l’avance,
ce qui explique peut-être le délai qu’il y a eu avant publication.C’est
un événement important qui marque une étape historique. C’est
une clarification de la part du pape, car il y a eu beaucoup de confusion ces
dernières années en Chine du fait de la division entre les catholiques. Entre
l’Eglise officielle et l’Eglise clandestine ? On parlait
injustement de deux Eglises et un point important de la lettre est de marquer
qu’il
n’y a qu’une seule Eglise en Chine. A travers cette lettre le Pape
s’adresse à tous les évêques, prêtres et fidèles.
Il parle des divisions entre clandestins et officiels, mais il ne parle pas de
deux Eglises. En quoi y a-t-il une clarification ?
La lettre indique les voies de coopération avec le gouvernement chinois
en appréciant les progrès qui ont été réalisés
ces dernières années, en souhaitant que les catholiques chinois
puissent remplir leur rôle de citoyens, tout en demandant au gouvernement
de leur laisser la liberté religieuse. Il rappelle au gouvernement que
l’Eglise est gouvernée par les évêques et que le gouvernement
n’a pas à nommer les évêques ni s’ingérer
dans les affaires religieuses. Il souhaite une coopération entre Etat et
Eglise dans le respect de l’autonomie de chacun. Que devient
le contentieux sur les nominations d’évêques ?
Le pape recommande aux évêques secrètement approuvés
par Rome de mieux faire connaître qu’ils sont en union avec le Siège
apostolique et aux évêques clandestins de chercher à être
reconnus officiellement par l’Etat. Il souligne que les ordinations
illicites des évêques qui n’ont pas fait de demande pour être
reconnus, n’en sont pas moins valides, comme sont valides les sacrements
qu’ils administrent.Il rassure ainsi les fidèles « clandestins
» qui craignaient de pêcher en recevant les sacrements administrés
par ces évêques. Les restrictions antérieures publiées
en 1988 sont révoquées et remplacées par de nouvelles dispositions
qui constituent de nouvelles bases pour une meilleure entente entre les catholiques
et entre l’Eglise catholique et le gouvernement. Ces directives de 88 portaient
notamment sur la communion avec les évêques non reconnus par Rome.
Depuis ils ont été pratiquement tous reconnus. Quel
peut être l’effet immédiat de cette lettre auprès des
catholiques et du gouvernement chinois ? Aujourd’hui les choses
sont plus claires. Les directives s’adressent à tous les catholiques
en essayant de favoriser leur communion. Le gouvernement n’a pas opposé
de rejet à la lettre du pape. Sa réponse est mesurée. Le
ministère des Affaires étrangères s’abrite encore officiellement
derrière la condition répétée que tout accord passe
d’abord par une rupture du Vatican avec Taïwan. Mais pour Rome c’est
une question secondaire. Le Vatican a déjà annoncé que si
le gouvernement de la République populaire de Chine était d’accord
avec sa position sur les nominations d’évêques et pratiquait
une véritable liberté religieuse, l’ambassade serait déplacée
de Taïwan à Pékin.Dans l’ensemble cette Lettre est amicale
pour la Chine. C’est une base de discussion sur des questions précises. ***
Repères
sur l’Eglise en République populaire de Chine Bien
que les statistiques en la matière restent difficiles à vérifier,
les estimations portent sur un nombre de catholiques oscillant entre 10 et 12
millions. Selon les provinces, les catholiques affiliés à l’Eglise
officielle représenteraient 60 % et les catholiques clandestins 40 % mais
de nombreux catholiques « clandestins » fréquentent les église
officielles où le prêtre et l’évêque sont reconnus
par le Vatican. La Chine compte 138 diocèses avec plus de 40 sièges
vacants et 60 % des évêques ont plus de 75 ans. On compte plus de
2 200 prêtres « officiels » dont les trois quarts ont été
ordonnés durant ces 12 dernières années, tandis que 1 300
séminaristes étudient dans 19 grands séminaires approuvés
par le gouvernement. On estime que près de 800 autres étudient dans
une dizaine de séminaires clandestins. Sur les 5 200 religieuses, très
jeunes pour la majorité d’entre elles, les « clandestines »
sont estimées au nombre de 2 000. Les répressions contre les
catholiques et plus particulièrement les « clandestins » n’ont
jamais cessé ; en dépit des progrès réalisés
en matière de liberté religieuse, les observateurs parlent de 18
évêques et 19 prêtres incarcérés. La dernière
incarcération connue est celle de Mgr Wu Qinjing, évêque de
Zhouzhi, âgé de 38 ans, dans la province de Shaanxi, le 17 mars dernier. Pour
aller plus loin sur
le site du Vatican, note
explicative retraçant les 50 dernières années de l’Eglise
en Chine |
*** « Avance au large » par
Régis Anouil Rédacteur en chef d’Eglises d’Asie,
agence d’information des Missions Etrangères de Paris « Duc in altum. » (Luc, 5, 4) ‘Avance
au large’. Telle est l’invitation que Benoît XVI a adressée
samedi dernier « aux évêques, aux prêtres, aux personnes
consacrées et aux fidèles laïcs de l’Eglise catholique
en République populaire de Chine ». Sa lettre était attendue
depuis plusieurs mois, elle fera date par sa portée – elle annule
« toutes les facultés qui avaient été concédées
pour faire face à des exigences pastorales particulières, nées
en des temps spécialement difficiles » – et par sa signification... Au
fil d’une lettre longue de 24 pages, Benoît XVI n’apporte aucun
élément nouveau ou contraire à ce que son prédécesseur
avait pu dire aux catholiques de Chine durant son long pontificat. Pas plus qu’il
n’indique un changement de direction dans ce qu’est « la politique
» du Saint-Siège vis-à-vis de Pékin. Non, il se saisit
de l’occasion pour rappeler aux catholiques de Chine, et au premier chef
à leurs évêques, l’urgence du temps présent :
« la nouvelle évangélisation ». Si normalisation il
doit y avoir au sujet des questions concernant l’Eglise de Chine, elle est
bien là : le pape note que « le peuple » chinois « s’est
mis en marche pour parvenir à des objectifs significatifs de progrès,
dans les domaines économique et social, suscitant l’intérêt
du monde entier » ; ce réveil économique – et «
la recherche de modernité » qu’il induit – s’accompagnent
d’un double phénomène : « D’une part, on note,
spécialement parmi les jeunes, un intérêt croissant pour la
dimension spirituelle et transcendante de la personne humaine, avec comme conséquence
un intérêt pour la religion, particulièrement pour le christianisme.
D’autre part, on remarque, en Chine aussi, la tendance au matérialisme
et à l’hédonisme, qui, à partir des grandes villes,
est en train de se répandre à l’intérieur du pays.
»
Lire la suite. Pour aller plus loin : Sur
le site du Vatican, la lettre
de Benoît XVI ainsi qu’une note
explicative. Portail
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