«
Le prix de la vie »
Il n’est pas interdit de penser, sans avoir pour autant
une vision pessimiste de l’existence, que le prix de
la vie est soumis à une baisse constante. Mais, contrairement
à bien des produits de marché, c’est ici
la baisse qui devient inquiétante…
Certes, les atteintes à la dignité, la sauvagerie
ou la barbarie ne sont pas des phénomènes récents
– ils appartiennent à la mémoire la plus
ancienne des civilisations – mais la banalisation de
la mort d’un côté et les progrès
de la science de l’autre conduisent à une lente
érosion de la considération et du respect auxquelles
a droit tout être humain, par nature et jusque dans
les situations d’opposition ou de conflit.
Dans le premier cas, si les guerres meurtrières jalonnent,
hélas et de manière récurrente, l’histoire
des peuples, elles atteignent aujourd’hui, sous des
formes multiples, un degré inouï de violence.
Au moment où l’on se félicite des efforts
en faveur de la paix et d’une certaine pause dans les
grands conflits mondiaux – oubliant peut être
trop vite qu’ils ont seulement changé de forme
– nous avons notre lot quotidien de massacres et d’attentats
à grande échelle où la vie est déchiquetée
sous nos yeux constamment distraits par autre chose.
Dans le second cas, au moment où l’on est plus
que jamais soucieux de l’amélioration non seulement
de l’environnement mais des conditions de vie et de
l’équilibre personnel, la tentation devient grande
et les tentatives nombreuses d’acquérir la maîtrise
la plus complète possible de cette vie en minimisant
ou en écartant les exigences éthiques et spirituelles,
pourtant nécessaires à tout développement.
La maîtrise pouvant alors signifier un alignement des
recherches biologiques sur des motivations philosophiques
ou économiques voire idéologiques, à
seule fin de manifester notre pouvoir illimité sur
les structures élémentaires de la vie.
Des suicides kamikazes aux génocides programmés,
des griseries du massacre aux fascinations des manipulations
génétiques, que deviennent le poids incommensurable
ou le prix de la vie ? Faut-il un sursaut de sagesse ou le
maintien, quoi qu’il en coûte, d’une légitimité
morale qui nous empêche d’agir sans mesure et
dans n’importe quelle direction ? Est-il nécessairement
répréhensible de défendre les valeurs
que sont la grandeur et le caractère unique de chaque
existence ?
Je ne puis oublier – elles deviennent obsédantes
– les paroles de Dieu à son Peuple, et à
chacun de nous, relayées par le prophète Isaïe
: Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et
je t'aime… (Is 43,4).
- Billet de Mgr Dupleix, paru dans le Courrier
Français, février 2008
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