Texte d’envoi en mission
de Mgr Housset
Lors de la semaine sociale de novembre dernier portant
sur le «développement durable et solidaire
», il a été dit que les Chinois
estiment les Européens geignards et incapables
de se décider. Tel n’est pas le cas du
CCFD. Ses membres sont heureux, pour ne pas dire enthousiastes,
de travailler à la solidarité internationale
et prennent leurs décisions en conséquence.
Compétence reconnue du CCFD
Plus que jamais, le CCFD a sa raison d’être.
Plus que jamais, le CCFD a toute sa place dans notre
Église en France.
Les émeutes sanglantes de la faim qui ont
éclaté dans 37 pays nous montrent la
gravité et l’ampleur de la crise alimentaire
mondiale. Ce choc démontre la pertinence de
vos analyses et de vos actions. Par exemple lorsque,
durant quatre ans, vous avez insisté sur la
souveraineté alimentaire comme élément
essentiel pour résorber la faim dans le monde.
En 43 ans d’expérience, vous avez acquis
une compétence reconnue en ce domaine, selon
même le titre qui est le vôtre : «
Comité Catholique contre la Faim et pour le
Développement ».
D’ailleurs, dans son encyclique « Dieu
est Amour », le pape Benoit XVI, à plusieurs
reprises, nous rappelle que « l’exercice
de la charité est un acte de l’Église
en tant que telle » (n°32). Il utilise ce
mot en son sens le plus fort, celui de l’amour
qui vient de Dieu, qui s’est révélé
dans le Christ crucifié et ressuscité
et nous pousse à servir nos frères jusqu’aux
extrémités du monde. Les trois axes
de la mission de l’Église sont indissociables
: annoncer le Christ, célébrer le Christ
et servir la société au nom du Christ.
Pour ce service de la charité, l’expertise
acquise par le CCFD est appelée à se
déployer dans les années qui viennent
et à donner toute sa mesure, avec les autres
organismes de solidarité nationale et internationale,
bien entendu.
Education à un développement
authentique
Je vous invite particulièrement à continuer
d’avancer sur deux points. Tout d’abord,
l’éducation ici au développement,
un de vos objectifs dès votre fondation. Il
s’agit non seulement de sensibiliser notre opinion
publique mais de former à un développement
humain authentique, c’est-à-dire durable
ou soutenable et solidaire.
La prise de conscience en effet a commencé
de se faire que tout se tient : la faim et la crise
alimentaire, l’épuisement des ressources
non-renouvelables, l’injustice des relations
commerciales, le réchauffement de la planète,
les migrations, etc… Mais beaucoup ne se rendent
pas encore compte que, si nous voulons avancer sur
la voie d’un authentique développement
humain sur le plan mondial, nous sommes appelés
à remettre en cause notre propre modèle
occidental. Ici, nous ne pourrons plus continuer comme
avant si nous voulons que là-bas il y ait un
vrai développement.
C’est la responsabilité historique de
nos générations que de chercher ensemble
un nouvel art de vivre ici et là-bas, aujourd’hui
pour demain. Par des comportements individuels et
des décisions politiques. Un art de vivre qui
:
Ré-oriente nos manières de produire
et de consommer en visant la sobriété.
Ne compromet pas les possibilités de développement
des générations futures. Ce qu’un
proverbe africain dit fort bien « Nous n’héritons
pas de la terre de nos ancêtres, nous empruntons
celle de nos enfants ».
Soit respectueux de notre environnement au lieu de
l’exploiter inconsidérément. Et
relève le défi des ressources naturelles,
à commencer par celui de l’eau, un des
grands défis de l’avenir, inimaginable
il y a quarante ans.
Lutte pour un nouveau contrat social au niveau mondial
pour une production et un partage économiques
dans la justice en faveur de tous les membres de la
famille humaine, y compris les plus démunis.
Agit pour le remboursement de la dette des pays pauvres.
Le cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga, dans son livre
« La voix de l’Amérique latine
», écrit en 2007 : « la guerre
en Irak coûte un milliard de dollars par semaine.
L’argent dépensé jusqu’ici
dans ce conflit suffirait à éponger
la dette extérieure de bien des pays sous-développés
» (page 251, aux Éditions Anne Sigier).
Appelle, sans se lasser, à ce que 0,70 % de
l’aide publique soit consacrée aux pays
pauvres, alors que, malgré toutes les promesses,
nous en sommes loin.
Ce nouvel art de vivre pour une mondialisation de
la solidarité ne se réalisera pas aisément.
Cette tâche est considérable et démesurée
par rapport à nos forces. Mais elle ne dépend
pas que de nous. C’est en nous recevant de Dieu
et de sa charité ou agapé inépuisable
qu’est l’Esprit Saint que nous y parviendrons.
Spiritualité de la solidarité
Je vous invite donc à continuer de stimuler
votre spiritualité de la solidarité.
Car vous n’êtes pas une simple organisation
humanitaire. Vous croyez que la source et le but de
la solidarité que vous cherchez à développer
se trouve dans la Trinité. Vous agissez certes
de manière désintéressée,
sans aucun prosélytisme. Mais vous êtes
animés par une spiritualité enracinée
explicitement dans l’Évangile.
Par exemple, vous êtes persuadés, grâce
à l’expérience du partenariat,
que donner, c’est aussi recevoir. Aucune personne,
aucun pays ne serait trop pauvre pour n’avoir
rien à donner et apporter aux autres. Cette
spiritualité de l’échange se base
sur l’Alliance de Dieu qui, en Jésus-Christ,
nous donne sa divinité pour recevoir notre
humanité.
Votre spiritualité vous permet peu à
peu de prendre en compte les obstacles spirituels
à la solidarité. Car celle-ci ne comprend
pas que des facteurs économiques, techniques
et spirituels. Ces obstacles sont la recherche de
pouvoir et de profit « à tout prix qui
mettent en place des structures de péché
» (Jean-Paul II dans « La question sociale
», chap. 5). Pour avancer réellement
vers une mondialisation de cette solidarité,
une véritable conversion est nécessaire,
comme en œcuménisme, pour progresser vers
l’unité visible.
Continuez de méditer et de vous approprier
l’encyclique de Benoit XVI « Dieu est
Amour », particulièrement sa seconde
partie qui est consacrée à « l’exercice
de l’Amour de la part de l’Église
» et concerne directement les responsables de
l’action caritative de l’Église.
Votre union au Christ en sera renforcée.
Et, de tout cœur, je vous souhaite, pour continuer
à agir, une foi de courage et le courage de
la foi.
+ Bernard Housset
Evêque de La Rochelle et Saintes
Président du Conseil pour la solidarité