Retrouver le sens de l'Avent
Les années habituelles, une certaine ambiance de fête commence
a se; faire sentir avant même le 1er décembre. La période
s'ouvre par deux campagnes de solidarité, la Journée du Secours
Catholique et le Téléthon. Mais ensuite, il est surtout question
d'achats, de menus, de voux, d'arbres de Noël... Les vitrines
se décorent, les rues s'illuminent.
Il en sera sans doute ainsi, cette année comme les autres,
car c'est une énorme mécanique collective qui est enclenchée
et qu'une opinion publique ne se retourne pas aisément. Mais
dans cette ambiance, Noël sonnera faux.
Si nous voulons, pour nous-mêmes et pour les autres, que
Noël sonne juste dans quelques semaines' il nous faut vivre
sérieusement l'Avent, brève période liturgique a haute signification
chrétienne mais d'ordinaire court-circuitée.
L'Avent nous dit que nous sommes en route, en attente. Non
seulement en attente de la fête qui va venir, immanquablement,
le 25 décembre, mais en attente du Royaume. Le Messie est
venu : c'est Jésus, fils de Marie, ne à Bethléem de Judée.
II ne nous a pas abandonnes : « Je suis avec vous tous
les jours jusqu'à la fin des temps. » Mais les textes
de la liturgie de l'Avent, comme l'acclamation qui suit la
consécration eucharistique nous font; désirer le Jour du Seigneur,
sa venue dans la gloire. Pour l'instant, nous veillons. Nous
sommes des serviteurs qui préparent le retour de leur maître.
Le chrétien, comme déjà le juif, son frère aîné, est certain
de l'engagement de Dieu dans l'histoire des hommes. Son espérance
n'est pas un rêve. Mais il fait partie de la création tout
entière qui a « gémit en travail d'enfantement ».
II sait que la promesse des Béatitudes a été adressée a « ceux
qui ont faim et soif de justice ».
L'Avent n'est pas un paradis artificiel. C'est au contraire
le temps ou nous pouvons communier aux attentes les plus profondes
de nos frères humains. Si le prophète Isaïe - le grand prophète
de l'Avent - a chante la paix qu'apporte le Messie, c'est
parce qu'il faisait corps avec un peuple sans cesse menace
par des envahisseurs successifs.
Nos contemporains sont « en recherche de sens »,
lit-on un peu partout. L'Avent, qui ouvre l'année liturgique,
est le moment ou la communauté chrétienne repart a la recherche
de Celui qui donne sens a l'Histoire, qui donne sens a nos
vies, en-deçà et au-delà de la mort.
Ne manquez pas le 14 décembre
Comme c'est un temps de recherche, de veille, d'attente,
I'Avent est un temps de pénitence. Comment entendre cet appel
alors que toute la machine publicitaire invite a sur-consommer
? Dans la situation économique présente, il nous est même
explique que c'est un devoir civique que de consommer: sinon,
nous précipitons la récession et nous multiplions le nombre
des chômeurs.
La pénitence, symbolisée par le mot « jeûne »,
est le signe de l'attente. Le repu n'attend rien: il dort.
C'est pourquoi je vous demande de prendre au sérieux l'appel
que le pape vient de lancer pour le 14 décembre. Je laisse
de cote, pour l'instant, le nouvel Assise auquel il convie
toutes les religions, le 24 janvier: nous y reviendrons. Mais,
d'ici la, il nous invite a une journée de jeûne et de pénitence
le 14 décembre, vendredi de la troisième semaine de l'Avent.
Le pape a noté la coïncidence avec les derniers jours du
Ramadan. II ne s'agit pas, pour les catholiques, de faire
un jour de Ramadan. II nous est propose de faire corps -le
jeûne est corporel - avec l'humanité en attente de paix et
de lumière.
Cette journée de jeûne peut donner lieu a une rencontre de
prière. Elle doit aussi permettre de faire un geste de solidarité
à l'égard de frères, proches ou lointains.
Si nous approfondissons ainsi le sens de l'Avent, Noël ne
sera pas une fête de clinquant et de paillettes. Ce sera l'apparition,
au cour de la nuit, d'une lumière fragile mais joyeuse.
Les bergers ne s'attendaient pas a entendre les anges chanter
le Gloria. Mais ils veillaient.
Jacques Perrier,
évêque de Tarbes et Lourdes
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