Il est important de bien comprendre le sens des deux initiatives
que le Pape Jean-Paul II a annoncées le 18 novembre
dernier. Elles s'inscrivent dans le cadre des démarches
spirituelles que nous pouvons entreprendre pour promouvoir
la paix.
Une journée de jeûne
Elle aura lieu le vendredi 14 décembre et s'adresse
aux catholiques. Le Pape invite à la prière
et demande que ce dont on se privera pendant le jeûne
soit mis à disposition des pauvres. En liant jeûne,
prière et partage Jean-Paul II continue une tradition
déjà bien repérable dans les quatre premiers
siècles de l'Église d'Occident. Le jeûne
nous donne l'occasion d'être solidaires des nécessiteux
et de partager avec eux. Il nous permet de laisser croître
l'amour (la charité) que Dieu a déposé
dans nos curs par l'Esprit de Jésus (cf. Romains
5, 5) pour que nous soyons de plus en plus assimilés
à Dieu qui est Amour et en soyons les témoins.
Dans une perspective chrétienne le jeûne est
au service de la prière et du partage. Il permet une
plus grande ouverture à Dieu et aux autres. Il n'a
pas sa fin en lui-même.
Cette conception du jeûne a de solides racines dans
les messages des prophètes du temps des premières
Alliances. N'hésitez pas à relire les versets
4 à 10 du chapitre 58 d'Isaïe !
Le jeûne est pratiqué dans la plupart des religions.
Chez certains croyants l'accent est mis avant tout sur l'ascèse,
la pénitence, le renoncement, le sacrifice. (À
certaines époques ce fut l'accent principal chez les
catholiques). Chez d'autres croyants il est avant tout une
obéissance à un ordre de Dieu. C'est le cas
chez les musulmans mais "soit dans l'éducation
familiale, soit dans l'enseignement et les manuels, on indique
que, pour respecter pleinement l'esprit du mois de Ramadan,
il ne suffit pas de jeûner mais il est aussi conseillé
de faire l'aumône, de prier..." (Michel LAFON ;
Prières et fêtes musulmanes ; CERF 1982 ; p.
54).
Nous éprouvons respect et estime pour le jeûne
pratiqué par les musulmans durant le Ramadan. En annonçant
la journée du 14 décembre, le Pape a tenu à
rappeler que les fidèles de l'Islam avaient commencé
ce temps de jeûne et de prière mais que les chrétiens
allaient commencer le temps de l'Avent préparant à
la célébration de la naissance du Prince de
la Paix, Jésus le Fils de Dieu né de la Vierge
Marie. Contrairement à ce que certaines informations
hâtives ont pu laisser croire, le Pape ne nous a pas
demandé de "faire le Ramadan avec les musulmans".
Connaissant les risques d'incompréhension et d'opposition
entre chrétiens et musulmans suite aux événements
du 11 septembre, Jean-Paul II a simplement constaté
que nous sommes dans une période opportune pour vivre
un jour de jeûne pour la paix et que nous ne sommes
pas les seuls à jeûner.
Une rencontre des représentants des religions du
monde
Elle aura lieu à Assise le 24 janvier 2002. On se souvient
qu'une première rencontre de ce genre a eu lieu le
27 octobre 1986 dans la ville de Saint François, apôtre
de la joie et de la fraternité.
Cette rencontre veut être un signe qui contribuera,
dit le Pape, à proclamer devant le monde que la religion
ne doit jamais devenir un motif de conflits, de haine ou de
violence... En ce moment historique l'humanité a besoin
de voir des gestes de paix et d'entendre des paroles d'espérance.
Ce sera une rencontre de prière qui se déroulera
dans la clarté sans confusion ni syncrétisme.
"Etre ensemble pour prier" ne signifie pas "prier
ensemble". Les croyances des religions ont des points
communs mais nous n'avons pas une foi commune. En 1986 les
chrétiens des différentes Églises ont
prié ensemble à Assise parce qu'ils confessent
que Jésus-Christ est l'unique médiateur entre
Dieu et les hommes. Les musulmans ont prié en un lieu,
les juifs en un autre lieu et ainsi pour chaque religion représentée.
Cependant après avoir tous jeûné à
midi, les participants avaient, en soirée, écouté
avec respect chaque groupe des représentants d'une
religion exprimer sa prière ou son message de paix
selon sa foi et sa tradition. Les musulmans tiennent autant
que nous à cette vérité et à ce
respect mutuel. Se réjouissant de la nouvelle initiative
du Pape, le Recteur de l'Institut musulman de la Mosquée
de Paris, dans une interview à La Croix (28.11.2001)
a rappelé clairement : "Dans l'Islam, il ne peut
y avoir de prière commune, chrétiens et musulmans.
En revanche, nous pouvons prier côte à côte,
ou assister à la prière de l'autre. Il n'y a
pas de sacré sans rite, et nous devons respecter les
rites". Etant donné notre parenté spirituelle
unique avec les juifs, il n'y a, par contre, selon la foi
catholique, "aucun obstacle à ce qu'on puisse
prier ensemble avec les juifs, si l'on s'adresse au Dieu créateur
du ciel et de la terre, qui s'est révélé
aux patriarches et aux prophètes. Et à cette
fin pourraient être utilisées les prières
qu'actuellement juifs et chrétiens récitent
chacun pour leur compte. Mais on comprend facilement qu'il
y a des limites à cette prière commune. En effet
toute prière chrétienne passe, au moins implicitement,
par le Christ et n'est donc pas, comme telle, compatible avec
une attitude de prière dans laquelle ce 'passage' est
ignoré sinon carrément exclu. Or, le judaïsme
ne reconnaît pas les médiations qu'affirment
au contraire les chrétiens. Et ceci ne peut être
pour ainsi dire systématiquement mis entre parenthèses
dans un engagement commun de prière". (Cardinal
Jorge MEJIA)
Ces nécessaires distinctions étant appliquées,
notre foi catholique affirme : il est beau et salutaire de
penser que, partout où l 'on prie dans le monde, l'Esprit
Saint souffle vital de la prière est présent.
(Jean-Paul II ; Encyclique sur le Saint Esprit ; n° 65).
+ Gérard DAUCOURT
Evêque d'Orléans
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