Parabole du cardinal de Richelieu (1585-1642)

"Je descends le fleuve de ma vie comme si j'étais embarqué sur un esquif léger et fragile. Un jour, je le sais, je déboucherai dans l'océan sauvage, et ma petite embarcation, renversée et culbutée, me jettera dans la mort. Mais d'ici là, il m'est donné de descendre de tout son long le fleuve de ma vie.

Il y a deux manières de descendre ce fleuve. La première, c'est de rester à l'avant de la barque, les yeux fascinés par le moment où tout culbutera vers la mort. Je ne pense pas que ceci soit souhaitable. La deuxième manière, c'est de s'asseoir à l'avant de la barque mais en tournant le dos à la mort qui vient, c'est-à-dire à l'aval du fleuve vers lequel on descend. C’est cette manière que j’ai choisie.

Ainsi, adossé à la mort, je regarde la barque de la vie qui est là devant mes yeux. Et dans la barque, il y a ceux qui sont embarqués avec moi. Je m'accule à la mort qui vient pour mieux ouvrir les bras au présent de la vie.J’allume dans la barque quelques bougies pour mieux voir les visages de mes compagnons embarqués avec moi. Et je me hâte de vivre l'essentiel au milieu des futilités.
Certes, je sens toujours la mort dans mon dos, mais c’est justement la raison pour laquelle je choisis la vie et ce qui fait vivre (Dt 30, 11-20)