L'Eglise et les médias:
une interview de Mgr Jean-Michel Di Falco Léandri
Dimanche prochain le 4 mai, sera la 42ème
journée chrétienne de la communication avec
pour thème « la vérité vous rendra
libres ». Comment l’Eglise catholique doit elle
se situer par rapport à eux et comment doit-elle les
utiliser ?
Rencontre avec Mgr di Falco, évêque de Gap et
Embrun et président du Conseil pour la communication
de l’Eglise de France, ainsi que de la commission des
évêques d'Europe pour les médias.
Un
sujet préparé par Sabine de Rozières
sur Radio Vatican
*****
Message de Mgr Jean-Michel di Falco
Léandri
«
Les médias : au carrefour entre rôle et service.
Chercher la Vérité pour la partager. »
« La Vérité vous rendra libres
»
« Ce qui était depuis le commencement, ce que
nous avons entendu, ce que nous avons contemplé de
nos yeux, ce que nous avons vu et que nos mains ont touché,
le Verbe, la Parole de Vie [...], nous vous l’annonçons,
à vous aussi, pour que vous aussi, vous soyez en communion
avec nous. Et nous, nous sommes en communion avec le Père
et avec son Fils Jésus Christ. C’est nous qui
écrivons cela afin que nous ayons la plénitude
de la joie » (1 Jn 1,1-3).
La vie humaine se construit dans la relation,
se nourrit de communication, est communion. Tout l’édifice
repose sur la confiance. On croit ce que l’autre dit
parce qu’on a confiance en lui. On a confiance en lui
parce qu’on sait qu’il n’a pas le désir
de tromper même s’il est faillible. Par la confiance
donnée, la prise de parole sait faire toute sa place
à l’écoute de l’autre, la relation
s’exempte de toute manipulation, la liberté de
chacun et le respect de l’autre deviennent les maîtres
mots. La communication se nourrit alors de la vérité.
La relation devient communion, union respectueuse du parcours
et de l’intime de chacun.
Ce qui vaut des relations entre les personnes
vaut tout autant pour la société toute entière.
Liberté et respect président aux lois régissant
la presse et les médias. La loi du 30 septembre 1986
sur l’audiovisuel, par exemple, souligne que «
la communication audiovisuelle est libre. [Mais que] l’exercice
de cette liberté [est] limité […] par
le respect de la dignité de la personne humaine, de
la liberté et de la propriété d’autrui,
du caractère pluraliste de l’expression des courants
de pensée et d’opinion et […] la sauvegarde
de l’ordre public ». C’est pourquoi l’Eglise
se réjouit du talent des journalistes et des professionnels
de la presse comme de leur créativité éditoriale
donnant corps à cette exigence éthique : sans
l’apport des médias « il serait vraiment
difficile de donner un souffle universel aux dialogues de
paix, de garantir à l’homme le bien primordial
à l’information » (Benoît XVI, Message
pour la 42ème journée mondiale des communications
sociales, 4 mai 2008). L’Eglise s’associe à
toutes celles et tous ceux qui défendent la liberté
de la presse au même titre qu’elle défend
la liberté religieuse. L’une comme l’autre
de ces libertés demandent un libre accès de
tous à la vérité, l’une comme l’autre
revendiquent la liberté d’expression, l’une
comme l’autre demandent d’être librement
exercées du moment qu’un ordre public juste est
respecté et que le Bien commun donne sens au vivre
ensemble (cf. Concile Vatican II, Dignitatis humanae, 2).
Souligner l’exigence de la liberté
et du respect dans une pleine reconnaissance de l’altérité
comme la condition de tout dialogue fécond, c’est
se faire témoin jusqu’au bout de la vérité
dans la reconnaissance de la dignité de la personne,
au point que s’agissant des médias l’on
peut souligner « qu’un certain nombre de gens
pensent qu’une « info-éthique » est
aujourd’hui nécessaire, de la même façon
qu’il existe la bioéthique en médecine
et dans la recherche scientifique liée à la
vie » (Benoît XVI, Message pour la 42ème
journée mondiale des communications sociales, 4 mai
2008).
C’est tout autant tracer le chemin
qui nous conduit, chrétiens, à l’impératif
intérieur de ne pas garder pour nous seuls la foi qui
anime et éclaire la vie. Le chrétien serait
infidèle à sa foi s’il n’offrait
au monde ce qui le libère. Il ne peut pas garder le
don de l’Evangile, don d’amour et de vérité,
uniquement pour lui-même. Il doit l’offrir. L’apôtre
Jean, dès le début de l’Eglise, témoigne
que si l’être humain est un être de relation,
de communication, de communion, c’est parce que Dieu
l’est lui-même et qu’il nous appelle à
communier à sa vie. Comment alors ne pas proclamer
cette Bonne nouvelle sur les toits ? Comment ne pas partager
une telle foi, une telle espérance, un tel amour avec
toutes et tous ? On comprendra alors que le chrétien
veuille témoigner de sa foi, et que ce serait lui faire
violence que de l’en empêcher. Dans un monde en
quête de sens, nous voulons témoigner que la
vérité est Jésus-Christ, et que cette
vérité rend libre. « La vérité
qui nous rend libres est le Christ, car lui seul peut répondre
à la soif de vie et d’amour qui est dans le cœur
de l’homme » (Benoît XVI, Message pour la
42ème journée mondiale des communications sociales,
4 mai 2008) : nous en faisons chaque jour l’expérience.
Mais en son nom même nous nous interdisons
d’imposer à quiconque cette vérité
d’amour. Dialogue respectueux et affirmation de la foi
sont pour nous profondément compatibles, mieux ils
s’appellent mutuellement. Comment en effet pourrions-nous
ne pas être respectueux de la liberté des autres,
puisque Dieu respecte la nôtre ? Communiquer avec les
femmes et les hommes d’aujourd’hui, être
pleinement présent dans l’univers médiatique,
ce n’est pas vouloir asséner notre foi à
tout prix. Pour nous chrétiens, annoncer l’Evangile
n’est pas imposer mais proposer, l’acte de foi
étant de par sa nature un acte libre : « les
uns exposent aux autres la vérité qu’ils
ont trouvée ou pensent avoir trouvée, afin de
s’aider mutuellement dans la quête de la vérité
; la vérité une fois connue, c’est par
un assentiment personnel qu’il faut y adhérer
fermement » (cf. Concile Vatican II, Dignitatis humanae
).
Témoigner c’est d’abord
se convertir soi-même, c’est avoir l’audace
d’être présent au monde avec le ferment
de la foi en laissant Dieu agir où Il veut, c’est
proposer à ceux qui le souhaitent, par un échange
dans la confiance, la liberté et le respect, comme
par les moyens de communication, de connaître et de
suivre le Christ.
+ Jean-Michel di Falco Léandri
Evêque de Gap et d'Embrun
Président du Conseil pour la communication.
Pour aller plus loin :
Le
Conseil
pontifical pour les communications sociales
Les
messages
annuels du pape à l’occasion des Journées
mondiales des communications sociales
L’Eglise
catholique et les médias : décrets, instructions
pastorale, lettres ….
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