Mardi 10 novembre

DISCOURS DE CLOTURE

par Mgr Louis-Marie Billé

Président de la Conférence

10 novembre 1998

 

Je voudrais ouvrir ces quelques propos en parlant à la première personne: quitte à passer pour un adepte de la méthode Coué, j'ose être heureux de l'Assemblée que nous venons de vivre. Sans doute, rien n'y-a-t-il été parfait, mais je crois qu'au total, notre Assemblée n'a pas été médiocre. Nous le devons avant tout, me semble-t-il, à la manière rigoureuse, documentée et précise dont les dossiers ont été introduits. Nous repartons avec un certain nombre de clarifications, d'éléments de discernement pour notre pastorale, de recherches à poursuivre. Avec vous, je demande à l'Esprit Saint de féconder, pour les mois et les années qui viennent, le travail que nous venons d'accomplir.

Malgré ce que je viens de dire, je souhaite mettre d'abord en relief la célébration que nous avons vécue dimanche. On se laisse volontiers prendre par le chant de ceux et celles qui vivent le bonheur de chanter, mais nous avons vécu plus que cela: la joie d'une vraie célébration, la joie du peuple de Dieu rassemblé. Le 31 mai dernier, Jean-Paul II publiait une Lettre Apostolique sur le Jour du Seigneur. Cette Lettre, après bien d'autres textes, après surtout la Constitution conciliaire sur la Liturgie, nous a redit l'importance de la vie de prière et de contemplation, l'importance de ces actions liturgiques, où chacun participe avec ferveur à l'exercice du ministère sacerdotal du Christ, dans la rencontre du Père par l'accueil de cet Esprit inspirateur du Livre de la Parole et invoqué sur le pain et le vin eucharistiques. Dimanche dernier, j'ai perçu une fois de plus la force de la liturgie issue du concile Vatican II.

Cette célébration m'a fait penser une nouvelle fois à l'Alleluia des soucis et à l'Alleluia du repos, selon l'homélie bien connue de Saint Augustin. Pourquoi nier que notre vie d'évêques est parfois difficile… Pas forcément plus difficile que celle de beaucoup d'autres, mais difficile quand même. Nous pourrions, à certains moments, être comme guettés par la lassitude, par l'inquiétude, par le sentiment que la réalité nous échappe, que sais-je encore. Nous ne sommes pas des surhommes, et c'est tant mieux. Que la célébration de dimanche nous invite, je cite Saint Augustin, à "chanter l'Alleluia au milieu de nos soucis afin de pouvoir le chanter un jour dans la paix… Même ici bas, au milieu des dangers, au milieu des tentations, nous-mêmes et les autres chantons Alleluia… Chantons … non pour agrémenter notre repos, mais pour alléger notre travail. C'est ainsi que chantent les voyageurs: chante, mais marche."
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Nous allons donc poursuivre la marche, avec l'aide du travail que nous avons réalisé pendant ces jours. Peut-être est-il utile de revenir sur les dossiers que nous avons ouverts.

Catholiques et musulmans: un chemin de dialogue

La recherche était commencée depuis l'année dernière. Si l'on regarde la situation religieuse d'un pays comme la France, comment la caractériser? Qu'on le veuille ou non, notre culture est profondément marquée par la foi chrétienne et, plus particulièrement, imprégnée par la tradition catholique. Elle deviendrait hermétique aux jeunes générations si certaines références ne leur étaient plus proposées. En même temps, dans ce contexte dont fait partie aussi la sécularisation, d'autres traditions religieuses sont désormais présentes et, parmi elles, l'Islam, pas seulement des musulmans, mais bien l'Islam, avec ses courants et ses organisations.

Cette présence, relativement récente, peut avoir des effets inattendus. Elle peut par exemple amener à réévaluer la place de la religion dans une société quelle qu'elle soit. Pour nous chrétiens, dès l'instant que nous essayons de comprendre ce voisinage nouveau, nous sommes devant des questions nouvelles. Faut-il entrer en dialogue? Et si oui, comment? Au nom de quoi devons-nous le faire? Est-ce à cause d'un appel de notre foi ou pour d'autres raisons? Ce dialogue, sur quoi doit-il porter? Et puis, comment oublier la situation de certains pays où des chrétiens sont marginalisés (et le terme est parfois bien faible) à cause de leur foi?

Rien de tout cela n'est simple. Nous ne pouvons taire notre réprobation devant des situations où il est porté atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, dont la plus fondamentale est la liberté religieuse. Mais, en même temps, si nous croyons à la liberté, nous ne pouvons pas la monnayer. A la fois, nous souhaitons, pour les musulmans qui sont en France, la possibilité de trouver place en notre pays, et nous voulons progresser avec eux dans l'approfondissement des droits de l'homme et dans la revendication de ceux-ci partout où il leur est porté atteinte.

De toute façon, ce n'est pas parce que le dialogue est difficile que nous pouvons ne pas le rechercher. Mais le temps du dialogue, c'est aujourd'hui le temps de la patience, des obstacles dépassés, de l'expérience spirituelle partagée. Je suis tout à fait sûr que beaucoup de chrétiens qui, sur le terrain, rencontrent des musulmans, rencontrent l'Islam, seront aidés par les propositions issues de nos échanges à cette Assemblée.

Nous ne cherchons pas, dans la société française, à faire face à toute une part de cette société une sainte alliance des religions. Mais nous voulons contribuer à ce que tous, quelle que soit leur croyance religieuse, s'engagent comme citoyens d'un état de droit. Cela aussi fait partie d'un héritage de notre histoire, héritage où le christianisme a apporté une notable contribution.

Communication

Nous avons porté une bonne part de notre réflexion sur les relations entre l'Eglise catholique et les médias. Nous avons opéré des clarifications dans nos dispositifs de communication et d'information, en distinguant mieux d'abord ce qui relève de l'information voulue et assumée par la Conférence des Evêques ou l'Eglise de France, d'une part, et ce qui relève, d'autre part, de la pastorale de la communication. Nous avons mieux distingué les compétences et les rôles des services mis en place par la Conférence ou l'une de ses instances, et ceux des associations qui, de manières diverses, dans l'Eglise, peuvent s'intéresser aux médias.

Mais ce n'est pas à ces précisions institutionnelles que je souhaite m'arrêter. Au terme de nos échanges, je voudrais m'adresser d'abord aux fidèles, aux communautés, mouvements et services de l'Eglise catholique en France. C'est dans une société marquée par les médias, que l'Eglise propose aujourd'hui la foi en Jésus, Christ et Seigneur. Pour cette mission, impossible de ne pas tenir compte de la culture, des mentalités, des valeurs que peu à peu les médias contribuent à forger. La communication médiatique n'est ni à idolâtrer, ni à diaboliser. Tant de choses dépendent de la mise en œuvre et de l'utilisation. Nous sommes invités à un discernement critique, pour retenir et favoriser tout message apte à faire grandir l'homme et à rendre le monde plus solidaire.

A ces mêmes personnes ou groupes, je voudrais dire aussi: vous pouvez être parfois surpris, voire blessés, par la manière dont certains médias traitent - ou ignorent - la vie et la foi de l'Eglise. Nous partageons ce sentiment. En même temps, nous vous invitons à relever le défi d'une communication possible de l'expérience chrétienne par les médias et à vous former aux méthodes et aux langages qui leur sont propres. Comment un chrétien se déroberait-il a priori, si l'occasion lui est offerte, de rendre compte "médiatiquement" de l'espérance qui est en lui?

Oserais-je m'adresser aux responsables des médias? Vous faites souvent le constat d'une réticence des instances religieuses face aux sollicitations et à la logique propre aux médias. De notre côté, nous ressentons un déficit fréquent, parfois grave, dans la manière dont vos supports se font l'écho de l'enseignement et de la vie de notre Eglise, même s'il peut arriver (je pense aux JMJ) qu'à la satisfaction de tous, une rencontre entre nos univers respectifs produit d'heureux fruits.

Comment ne souhaiterions-nous pas un nouveau style de relations mutuelles, marquées à la fois par la confiance et la vigilance réciproques? Nous croyons que les médias sont à même de comprendre la vitalité de nos communautés, de mesurer l'importance de leurs paroles et de leur expérience au cœur des débats qui animent aujourd'hui la société française. Ne pourrions-nous pas travailler ensemble à des chantiers toujours ouverts: déontologie, éducation aux médias, que sais-je encore.

Une information religieuse de qualité suppose la formation des journalistes concernés. Comparée à d'autres domaines de l'actualité (politique, économique ou sportive), il nous apparaît que la religion est devenue peu à peu le parent pauvre de l'information en France. Nous sommes prêts à contribuer, dans toute la mesure de votre attente, à répondre à de tels besoins de formation.

Je voudrais m'adresser enfin aux journalistes catholiques. Nous sommes conscients, comme évêques, de la difficulté que vous pouvez éprouver, à maintes occasions, pour tenir à la fois les exigences de votre profession et vos convictions personnelles, particulièrement pour ceux d'entre vous dont le domaine de compétence inclut les questions religieuses et éthiques.

Certains parmi vous travaillent dans les médias de l'Eglise; d'autres dans des supports clairement identifiés comme catholiques, mais qui ne relèvent pas de l'autorité ecclésiale; d'autres, enfin, la plupart d'entre vous sans doute, dans des médias qui n'ont aucun lien avec l'Eglise. Quel que soit votre statut, vous êtes tous investis à nos yeux d'une responsabilité irremplaçable pour favoriser une authentique communication sociale, ainsi que la rencontre entre l'Evangile et le monde de ce temps. En ce sens, nous vous considérons comme des partenaires dans la mission qui, sous la responsabilité des évêques, est celle de toute l'Eglise.

Des incompréhensions peuvent surgir entre vous et nous au sujet de la conception ou de la mise en œuvre d'une telle mission: soit que vous adoptiez dans vos médias des positions différentes de celles des responsables de l'Eglise, soit que nous réagissions négativement au traitement de l'actualité religieuse par vos supports. Puissent les distances ne jamais marquer une rupture de confiance entre l'Eglise et les médias, mais être l'occasion d'intensifier le dialogue entre nous, pour une meilleure compréhension de nos responsabilités respectives et un meilleur service de la mission qui, selon des modalités diverses, nous est confiée à tous.

Catéchèse

Au début de cette Assemblée, j'ai parlé des jeunes. Ils se sont manifestés avec force au cours de ces dernières semaines. Chaque génération, dit-on, affirme tous les quatre ans son besoin d'aide, de cadres, de repères. Ce qui se passe alors n'est pas étranger, c'est le moins qu'on puisse dire, aux préoccupations qu'une fois de plus nous avons manifestées à propos de la catéchèse. Comment la transmission des valeurs et des convictions chrétiennes se fait-elle, dans notre société, pour les enfants et les adolescents? Pour la réponse à de telles questions, les responsabilités sont diverses. Il y a la responsabilité de l'école. Non, bien sûr, que nous demandions à l'école d'assurer la catéchèse. Nous souhaitons seulement, et c'est capital, que dans les nouvelles organisations du temps des enfants, on trouve les moyens de maintenir clairement la perspective qui était celle de la loi Jules Ferry de respecter le droit des enfants à une éducation religieuse et spirituelle.

Mais il est des responsabilités d'un autre ordre. Je pense en particulier à celles des parents, qui sont considérés par l'Eglise comme les premiers évangélisateurs de leurs enfants. Dans combien de cas, les jeunes baptisés qui arrivent à la profession de foi n'ont-ils même pas eu, du fait des coutumes locales ou à cause de simples négligences, les cent heures de catéchèse dont il sont censés avoir bénéficié. Comment éclairer les jeunes parents sur leurs responsabilités, tant pour l'avenir de l'Eglise que celui de notre société?

Je ne m'attarde pas sur deux chantiers que nous allons poursuivre l'année prochaine. Nous avons entrepris une réflexion sur l'apostolat des laïcs, que nous poursuivrons avec les responsables de mouvements, de communautés, d'associations. Au moment où de nombreux diocèses de France ont modifié ou modifient l'organisation de leurs paroisses, c'est une manière d'affirmer la finalité apostolique et missionnaire de tels changements que de voir ce que devient l'engagement des laïcs, de voir comment leur vocation s'exprime dans leur libre association en mouvements ou groupes divers, qui rendent témoignage au Christ.

Le paysage a beaucoup changé. Des groupes nouveaux sont nés au cours de ces dernières décennies. Des mouvements plus anciens subsistent et n'ont pas envie de mourir. Les catégories mises en place sont un peu moins assurées qu'elles le furent. Bref, le paysage change. Nous avons commencé à prendre la mesure de ce changement, en attendant d'aller plus loin, nous invitons de nouveau les baptisés à prendre une part active à l'évangélisation et à la proposition de la foi. Ils peuvent rejoindre des mouvements à l'expérience confirmée ou des associations plus jeunes en âge. Ils sont attendus dans les communautés humaines qu'ils connaissant depuis longtemps déjà. Ils le sont encore davantage dans les réalités qui sont trop peu touchées ou qui ne sont pas touchées par l'Evangile du Salut.

La question de l'appel au ministère de prêtre diocésain continue à nous mobiliser. Nous savons trop bien que notre propre ministère ne peut prendre ses dimensions dans ce monde sans ces coopérateurs qui, avec les diacres permanents, sont promis à tout le peuple de Dieu.

Si trop peu de jeunes hommes manifestent leur disponibilité pour le ministère presbytéral, n'est-ce pas le reflet, au cœur de l'Eglise, d'une crise de civilisation? Si cela est vrai, il n'y a pas de moyens simples ou rapides. Si cela est vrai, il est vain d'attendre que notre civilisation, notre culture, notre société, aient achevé leurs mutations, pour appeler, pour manifester, envers et contre tout et dans un langage renouvelé, le sens du ministère des prêtres diocésains, pour dévoiler les besoins spirituels des hommes. Nous ne pouvons nous situer ni dans une perspective de recrutement, ni dans une perspective de fonctionnement. Nous ne pouvons nous situer que dans une logique de vie, la vie même d'une Eglise qui cherche à devenir ou à redevenir une communion missionnaire. Nous le savons depuis longtemps, pour qu'il y ait des apôtres, il faut qu'il y ait des disciples. C'est d'un même mouvement que les communautés chrétiennes ont à prendre conscience qu'elles ne sont chrétiennes que dans la mesure même où elles répondent à l'appel du Christ et que, de leur sein, peuvent se lever des hommes qui désireront consacrer leur vie à Jésus et à l'Evangile et lier leur destinée à cette portion du peuple de Dieu, à cette portion d'humanité que constitue un diocèse. Dans un pareil renouvellement, ce ne sont pas seulement les prêtres déjà faits qui essaieront, tant bien que mal, de se trouver des successeurs. Ce sont les baptisés qui deviendront porteurs de l'appel au ministère de prêtre diocésain.

Secours Catholique

Nous avons parlé du Secours Catholique. Nous avons écouté son Président, Monsieur Joël Thoraval, nous redire les objectifs et les priorités de ce vaste service de la charité. Pour mieux comprendre les difficultés qu'il a pu connaître, nous avons relu son histoire. Nous avons retrouvé dans cette histoire déjà longue les signes d'un ancrage dans l'Eglise de France, dont la conscience n'a cessé de grandir.

Le Secours Catholique n'est évidemment pas le seul organisme caritatif auquel nous soyons attachés. Il n'est pas le seul à faire partie du conseil de la solidarité. Si nous avons parlé de lui, c'est simplement parce que ses évolutions institutionnelles et ses priorités d'action appelaient un dialogue entre lui et nous. Son appartenance ecclésiale, qui apparaît avec clarté à l'échelon de chaque délégation et de chaque diocèse, nous voulons la réaffirmer au plan de la Conférence épiscopale tout entière.

Nous disions, dans la Lettre aux Catholiques de France: "Pour donner corps et visibilité sociale aux réalités qu'elle annonce, l'Eglise, aujourd'hui comme hier, se dote d'organismes et d'institutions qui prennent place dans l'ensemble de la société." (Page 89) Le Secours Catholique est de ceux-là. La manière la plus simple de le qualifier au plan ecclésial est de dire qu'il est un service d'Eglise, selon l'expression qu'employait déjà en 1979 notre Conférence épiscopale. Cela veut dire qu'il porte une part de la mission de l'Eglise. Cela veut dire que cette mission, il la reçoit. Il la reçoit de l'Eglise entière, par ceux qui ont eux-mêmes reçu le ministère apostolique. Cette mission n'est pas simplement le produit des débats internes, si importants que puissent être ces derniers. S'il existe un Secours Catholique, c'est pour que, dans l'Eglise, le Christ Ressuscité continue à être le Bon Samaritain de l'humanité d'aujourd'hui, c'est pour que l'option préférentielle pour les pauvres ne soit pas un vain mot.

Nous n'ignorons évidemment pas que le Secours Catholique a un statut dans la société française, celui d'une association reconnue d'utilité publique. Ses normes de fonctionnement comme ses jeux institutionnels ne sauraient, en quoi que ce soit, enfreindre la législation qui régit de telles associations. Mais, sans renoncer au respect rigoureux des lois françaises, à l'intérieur même des jeux institutionnels dont je parlais, l'ensemble des acteurs du Secours Catholique, non seulement tiennent à ne pas contredire pas la logique de la qualification ecclésiale de l'institution, mais vont puiser, pour agir, aux sources de l'Evangile et de la tradition ecclésiale, et acceptent de servir dans la communion de l'Eglise, peuple des disciples de Celui qui n'est pas venu pour être servi mais pour servir.

M'appuyant sur ces données fondamentales, je voudrais, au nom des évêques de France, redire deux choses à tous les acteurs du Secours Catholique. D'abord notre très grande confiance. Si le Secours Catholique a connu des difficultés, nous pensons que les passages les plus rudes sont derrière vous et que vous aurez les moyens et la patiente audace de faire face aux questions de l'avenir. Par ailleurs, les axes qui ont été définis à l'occasion du cinquantenaire doivent continuer à orienter votre action et votre recherche. Ces axes ne sauraient relever d'une construction idéologique. Ils sont l'expression d'une relation aux pauvres, relation appelée à la fois par une compréhension renouvelée de ce qu'est la pauvreté et de ce que sont les pauvres, et par une reconnaissance vraiment évangélique de leur dignité.
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Parmi les temps forts de notre Assemblée, je ne peux pas ne pas retenir ce que le 150ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage nous a permis d'entendre avec l'intervention des évêques de Guadeloupe et de Guyane. Je les remercie l'un et l'autre de ce qu'ils nous ont partagé, de l'histoire et de l'actualité, des séquelles insoupçonnées ou difficilement perceptibles de l'esclavage, du rôle de l'Eglise dans la libération des esclaves, après que de nombreux baptisés aient participé à la traite. Ils nous ont permis de nous redire qu'on n'en a jamais fini avec le combat pour le respect de l'égale dignité des hommes.
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Je ne voudrais pas que nous nous quittions sans que nous ayons au moins fait allusion à deux réalités de l'actualité proche, qui touchent notre société tout entière. Je pense d'abord au cinquantième anniversaire, le 10 décembre 1998, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. L'histoire de la relation de l'Eglise aux droits de l'homme est, nous le savons, complexe. Récemment, un Pape polonais n'a pas eu à se libérer du contentieux historique entre les catholiques et la Révolution. Grâce à lui; grâce à la déclaration sur la liberté religieuse du concile Vatican II; parce que la déclaration de 1948 s'inscrivait dans un contexte tout différent du contexte passionnel de 1789, nous pouvons rejoindre les défenseurs des droits de l'homme, tout en puisant au cœur de la Révélation l'inspiration qui donne au chrétiens de s'engager pour que soit respectée la dignité de toute personne humaine. Pendant des siècles, l'expression "droits de l'homme" n'existait évidemment pas, mais la réalité vécue dans les communautés chrétiennes était déjà là , même s'il n'y a pas eu que cette réalité là.

Aujourd'hui, à la lumière de l'histoire du peuple de Dieu, l'Eglise assume une conception solidaire des droits de la personne humaine. Ceux-ci ne peuvent être le fait d'individus qui s'affirmeraient de manière isolée ou séparée des autres. Les droits de la personne ne peuvent être reconnus et respectés que dans une réciprocité de droits et de devoirs.

Pour les chrétiens, le chemin des droits de l'homme commence par la proximité des plus petits, des exclus, des pauvres. C'est dans cette relation de solidarité que chacun est appelé à vérifier son respect effectif pour la dignité de toute personne humaine. Entre autres aspects, l'Eglise accorde une attention particulière aux chemins de vie humaine qui s'amorcent dans l'enfant appelé à grandir dans la liberté. Nous pourrions arriver à cette situation paradoxale où, au nom des droits de l'homme, considérés du seul point de vue de l'individu renvoyé à sa seule subjectivité, on ne soutiendrait plus l'institution familiale, au cœur de laquelle sont mis en œuvre, à l'aube de la vie, les droits de l'enfant à la tendresse, à l'éducation et au respect.

Ce n'est là évidemment qu'un aspect d'un domaine immense. Jean-Paul II soulignait, dans sa lettre du 1er janvier 1998, que "cet anniversaire était assombri par certaines réserves exprimées sur deux caractéristiques essentielles des droits de l'homme: leur caractère universel et leur caractère indivisible. Ces traits distinctifs, disait le Pape, doivent être réaffirmés vigoureusement pour rejeter les critiques de ceux qui essaient d'exploiter l'argument de la spécificité culturelle pour couvrir les violations des droits humains, et aussi de ceux qui appauvrissent le concept de dignité humaine, en déniant toute consistance juridique aux droits économiques, sociaux et culturels." De par le monde, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.

Peut-être ne sommes-nous pas si loin du thème des droits de l'homme, avec la décision de l'ONU de faire de l'année 1999 l'année internationale des personnes âgées, dont le thème sera: "Vers une société pour tous les âges". Nous ne pouvons que souhaiter que le vœu de l'ONU soit entendu. Le champ est immense, dans lequel on rencontre les nouveaux retraités encore pleins de vigueur, les grands-parents qui s'occupent si volontiers de leurs petits-enfants et les personnes âgées dépendantes, dont le nombre s'accroît et dont la présence suscite chez les plus jeunes, parfois beaucoup d'amour, mais parfois aussi beaucoup de crainte ou de rejet.

Je ne veux évidemment pas ramener la perspective de l'ONU à ce qui nous est, à nous évêques, le plus proche: la présence dans nos diocèses, de prêtres âgés. Mais il n'était pas possible que je n'y fasse pas allusion. Beaucoup travaillent encore à un âge, qui certes les qualifie pour être les anciens de la communauté, mais qui pourrait aussi les inviter au repos. Je n'oublie pas non plus ceux d'entre eux qui ont quitté le ministère presbytéral et qui portent dans la prière le ministère de leurs frères. Qu'ils sachant tous que même si notre suroccupation ne nous permet pas de leur accorder le temps auquel ils auraient peut-être droit, nous savons le prix de leur présence à nos côtés, de leur expérience et de leur vie donnée.
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Durant ces jours, nous avons parlé de l'Europe. Au mois de septembre prochain aura lieu, à Rome, la deuxième Assemblée du Synode Spécial pour l'Europe. Depuis la première Assemblée synodale, en 1991, l'Europe a connu beaucoup de changements, beaucoup d'espérances, beaucoup de désillusions. Le thème du synode sera: "Jésus-Christ vivant dans son Eglise, source d'espérance pour l'Europe". Ce sera là un thème de réflexion et d'étude. Mais c'est le sens même de cette évangélisation nouvelle à laquelle nous sommes appelés. Notre espérance pour l'Europe rejoint ici notre préparation, à travers l'année 1999, année du Père et année de la solidarité, de la célébration du Jubilé. Célébrer le Jubilé, c’est se rappeler que le Verbe de Dieu s’est incarné dans le temps, se faisant notre unique chemin vers le Père de Miséricorde. Puissent les temps qui viennent être des temps de conversion à la liberté et à la vérité du Christ, pour la gloire du Père qui nous aime.

Peut-être ne sommes-nous pas si loin du thème des Droits de l’Homme, avec la décision de l’ONU de faire de l’année 1999 l’année internationales des personnes âgées, dont le thème sera : « Vers une société pour tous les âges ? » Nous ne pouvons que souhaiter que le voeu de l’ONU soit entendu. Le champ est immense, dans lequel on rencontre les nouveaux retraités encore pleins de vigueur, les grands parents qui s’occupent si volontiers de leurs petits enfants et les personnes âgées dépendantes, dont le nombre s’accroît et dont la présence suscite chez les plus jeunes, parfois beaucoup d’amour, mais parfois aussi beaucoup de crainte ou de rejet.

Je ne veux évidemment pas ramener la perspective de l’ONU à ce qui nous est, à nous évêques le plus proche : la présence, dans nos diocèses, de prêtres âgés. Mais il n’était pas possible que je n’y fasse pas allusion. Beaucoup travaillent encore à un âge, qui certes les qualifie pour être les anciens de la communauté, mais qui pourraient aussi les inviter au repos. Je n’oublie pas non plus ceux d’entre eux qui ont cesser le ministère actif et qui portent dans la prière le ministère de leurs frères. Qu’ils sachent tous que même si notre suroccupation ne nous permet pas de leur accorder le temps auquel ils auraient peut-être droit, nous savons le prix de leur présence à nos côtés, de leur expérience et de leur vie donnée. Ils demeurent auprès de nous, quel que soit leur âge, les collaborateurs qu’au jour de leur ordination, ils pour toujours devenus.
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Durant ces jours, nous avons parlé de l’Europe. Au mois de septembre prochain aura lieu, à Rome, la deuxième Assemblée du Synode Spécial pour l’Europe. Depuis la première Assemblée synodale, en 1991, l’Europe a connu beaucoup de changements, beaucoup d’espérance, beaucoup de désillusions. Le thème du synode sera : « Jésus-Christ vivant dans son Eglise, source d’espérance pour l’Europe ». Ce sera là un thème de réflexion et d’étude. Mais c’est le sens même de cette évangélisation nouvelle à laquelle nous sommes appelés. Notre espérance pour l’Europe rejoint ici notre préparation, à travers l’année 1999, année du Père et année de la solidarité, de la célébration du Jubilé. Célébrer le Jubilé, c’est se rappeler que le Verbe de Dieu s’est incarné dans le temps, se faisant notre unique chemin vers le Père de Miséricorde. Puissent les temps qui viennent être des temps de conversion à la liberté et à la vérité du Christ, pour la gloire du père qui nous aime.