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Assemblée plénière,
Conférence des Évêques de France
Lourdes, 4-10 novembre 2000
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Mgr Ricard  
le choeur de ND du Rosaire

HOMELIE DE LA MESSE D’OUVERTURE DE L’ASSEMBLEE PLENIERE

Lourdes  -  Samedi   4  novembre  2000
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Chers amis,

Au moment où nous allons réfléchir en assemblée sur les initiatives nouvelles que  prennent nos Eglises pour que l’Evangile soit mieux annoncé et mieux vécu, je crois qu’il est bon de raviver  notre flamme missionnaire à ce feu apostolique intérieur qu’on sent brûler dans toute la vie de l’apôtre Paul. Lorsque Paul écrit cette lettre aux Philippiens, il est en captivité. Sa liberté de manœuvre est réduite. Les difficultés ne manquent pas. Critiques et coups bas ne lui sont pas épargnés par ceux à qui il fait ombrage. Et pourtant sa passion est intacte : « Du moment que le Christ est annoncé, je m’en réjouis et je m’en réjouirai toujours. » Paul est un passionné de l’annonce de l’Evangile : « Annoncer l’Evangile, c’est une nécessité qui s’impose à moi, écrit-il aux Corinthiens, malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile ! »
(1 Cor 9, 16)

Cette annonce, c’est la révélation de l’amour du Père qui, en Jésus Christ, est offert à tout homme, c’est la communication de cette puissance de salut qui, dans l’Esprit, est capable de transformer le cœur de l’homme. Pour Paul, cette annonce est intimement liée à sa propre expérience de foi, à la fécondité de ce que cette puissance transformante de l’Esprit a suscité dans sa propre vie. Il peut dire sans se payer de mots : « Pour moi, vivre c’est le Christ » Il vit en Christ, comme il aime à le dire. Il nous rappelle que l’évangélisateur est d’abord un évangélisé, quelqu’un qui n’en a jamais fini de se laisser éclairer, guérir, transformer, dynamiser de l’intérieur par la puissance de l’Evangile.

Cette annonce, elle prend l’homme tout entier. Ouvrir des chemins nouveaux pour l’Evangile fait appel aux qualités de cœur et d’esprit de l’apôtre. Quand nous suivons Paul en mission, marchant sur ces voies qui sillonnaient tout l’empire romain, on perçoit bien que cette tâche apostolique d’annonce de l’Evangile, d’initiation à la foi et à la vie chrétienne, de fondation des communautés ecclésiales, demande écoute, analyse des situations, imagination pastorale, discernement des signes des temps, amour des personnes, audace, courage, assurance et persévérance (surtout quand on rencontre  l’incompréhension, l’hostilité ou l’échec apparent). Paul compare le travail de l’apôtre à celui du cultivateur qui, avec passion, patience, amour et ténacité, sens du temps et des maturations nécessaires, cultive son champ, sème, arrose, moissonne, collabore ainsi à l’œuvre de Dieu. Dans une homélie prononcée lors de la consécration épiscopale d’un évêque, saint Charles Borromée médite sur la charge de l’épiscopat. Et passant en revue les différents noms qui peuvent être donnés aux évêques : « pasteurs », « pêcheurs »,  « chasseurs », il s’arrête plus longuement sur celui d’  « agriculteurs ». Il dit : « On attribue aussi aux évêques le nom « d’agriculteurs ». Seigneur Dieu ! Quel nom mieux que celui-là exprimera-t-il l’activité de l’évêque ? Quand donc l’agriculteur s’arrête-t-il de travailler ? Quand donc ses membres prennent-ils quelque repos ? En hiver, le voilà qui prépare le sol, répand la semence, fume champs et vignes. L’été arrive. S’endort-il alors sous les frais ombrages,  sous la caresse de la brise ? Loin de là ! son labeur se multiplie, car il faut couper le foin, moissonner le froment, recueillir le fruit de la vigne. De telle sorte que, si nous considérons l’activité de cet homme, au cours des mois et des années, sa vie nous apparaît comme un perpétuel retour de travail, sans aucune relâche, puisque les travaux de chaque saison se succèdent sans rémission. Les voilà, Révérendissimes Pères, les voilà bien les exemplaires de notre vie ! » (Saint Charles Borromée, Textes choisis. Editions du Soleil levant pp.155-156)

Paul lui-même n’a pas épargné sa peine. Vous connaissez ce passage de la 2° épître aux Corinthiens ( 6, 1-10) où il énumère toutes les tribulations par lesquelles il est passé, les tribulations qui guettent l’apôtre. Et pourtant, Paul n’est jamais écrasé, abattu, déprimé ou amer. Il y a toujours chez lui comme une fraîcheur, une légèreté, une espérance, une confiance, un dynamisme sans cesse renaissant. Son secret, c’est sa conviction profonde que dans la mission fondamentalement, c’est Dieu qui est à l’œuvre. Certes, l’apôtre sert l’action de Dieu, son service n’est pas inutile, il est même suscité par Dieu, mais à travers lui, c’est Dieu qui agit. Paul écrit aux Corinthiens : « Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé, mais c’est Dieu qui faisait croître. Ainsi celui qui plante n’est rien, celui qui arrose n’est rien : Dieu seul compte, lui qui fait croître. Celui qui plante et celui qui arrose, c’est tout un, et chacun recevra son salaire à la mesure de son propre travail. Car nous travaillons ensemble à l’œuvre de Dieu et vous êtes le champ que Dieu cultive, la maison qu’il construit. » (1 Cor 3, 6-9) Oui, Paul fait l’expérience qu’il y a dans l’annonce de l’Evangile une puissance qui ne vient pas de nous mais qui vient de Dieu, qui touche les cœurs, qui convertit, qui fait naître la foi. Combien de fois avec les catéchumènes, avec des convertis, avec des personnes qui se remettent en route dans la vie chrétienne, n’avons-nous pas nous-mêmes découvert avec  émerveillement, sans que nous y soyons toujours pour grand chose, que l’Esprit nous avait devancés et que la Parole proclamée, entendue, reçue, portait des fruits surprenants ? Ne nous laissons pas gagner par la hantise de ceux qui  se prennent finalement pour les maîtres de la moisson et qui ont l’impression que tout se joue dans l’évaluation de leurs propres forces ! Paul  sait  qu’il y a une fécondité apostolique mystérieuse qui est liée à notre participation  au mystère pascal du Seigneur.

Puisse cette eucharistie que nous célébrons ensemble ce matin renouveler notre disponibilité à Celui qui nous dit : «  Allez, je vous envoie ». Qu’elle nous aide à vivre comme Paul cette disponibilité dans la paix, dans  la confiance et la foi profonde en celui qui nous dit aussi :  « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » (Mt 28, 20). Amen.

+ Jean-Pierre RICARD
Evêque de Montpellier

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