L' année prochaine va être occupée
par des élections qui vont mobiliser états-majors
politiques et médias. Nous allons être
abreuvés de promesses et saturés de sondages.
L'actualité est meublée de tant d'affaires,
les propos rapportés se font si facilement polémiques,
les réalités quotidiennes apparaissent
à beaucoup si lourdes que le jugement sur la
politique et les politiques se fait sévère.
Et l'envie de ne pas voter gagne certains.
Le vote est un devoir de citoyen. Même imparfaite,
la démocratie est une chance offerte. Ne la gâchons
pas, ne nous dérobons pas. Soyons cependant vigilants
: le fait de voter ne libère pas de la participation
habituelle à la vie de la cité. Le bien
commun réclame l'engagement de chacun.
Il est vrai que notre marge de manuvre de citoyen
est très étroite : mais elle est le lieu
de notre responsabilité au quotidien.
Il est sûr que l'attention portée à
la chose publique permet d'agir sur l'opinion, elle-même
relais pour influencer les hommes et les femmes politiques
dans leurs choix.
Il est nécessaire que nous apportions à
notre démocratie un supplément d'âme
et à nos concitoyens une ouverture à l'universel.
Dans les mois qui nous attendent, pour les choix à
faire, j'attire votre attention sur plusieurs points
:
La mondialisation
Elle est déjà un fait. Les mouvements
anti-mondialistes attirent l'attention sur ses excès
et sur ses manques. Il s'agit d'appréhender la
mondialisation et de la gérer en reconnaissant
aux organismes internationaux existants une véritable
autorité et les moyens de l'exercer.
L'Europe
Des "camps" politiques existent et les
questions sont nombreuses : fédéralisme
ou non ? régionalisation développée
ou non ? Nous devons nous intéresser à
l'Europe. Ne pas y chercher notre seul profit national
ou régional
Ne pas y perdre son identité
culturelle
mais s'enrichir du partage en tout
domaine. Et être une force réelle à
l'échelle du monde.
L'économie
Il convient de se refuser au tout économique.
De dire non à l'économie au détriment
de l'homme "Une économie plus humaine est
nécessaire." (MCC). De ne pas penser "minimum
vital" seulement dans le domaine des ressources.
De penser activement au développement des pays
pauvres. L'Euro est à la porte. L'Euro, c'est
demain. Symboliquement la monnaie unique va faire bouger
beaucoup de choses.
La vie sociale
La politique est au service du vivre ensemble et
du progresser ensemble. Mais les politiques ne peuvent
pas grand chose sans un consensus actif des citoyens.
Le danger actuel est dans une gestion de la vie collective
sous la domination d'un principe de précaution
en pleine inflation, avec les moyens de la réglementation
et de la répression
sans que l'éducation
des personnes soit assez prise en compte et sans que
la cellule familiale ait retrouvé une vitalité
forte.
L'exclusion
Dans toute vie collective il y
a d'inévitables exclusions. C'est à l'honneur
des hommes politiques et des personnes engagées
dans les associations de lutter pour les réinsertions
et pour les soutiens. Le nombre des "exclus"
reste inacceptable et pas un exclu ne doit être
tenu pour quantité négligeable.
Les effets d'annonce, lorsqu'il n'y a pas de suite,
sont une hypocrisie.
Les étrangers
Ils sont là. Quelle politique convient-il de
suivre : insertion, assimilation, intégration
? Beaucoup deviennent français et font souche
chez nous. Les étrangers avec les diversités
culturelles et religieuses qu'ils apportent sont une
chance pour notre pays. Une chance mais aussi un risque
(ghettoïsation, communautarisme)
La laïcité
dans notre pays la laïcité a son histoire
et ses notes propres. Demander une laïcité
plus ouverte à la dimension religieuse de l'homme
et à l'apport des religions, ce n'est pas mettre
en cause l'autonomie séculière des pouvoirs
politiques, c'est refuser la marginalisation de la religion.
Au risque de ne pas faciliter les choix à faire,
je vous partage quelques réflexions.
1 - Il n'y a pas de partis politiques qui appuient leur
programme sur l'enseignement de l'Église : autrement
dit, il n'y a pas chez nous de parti politique dûment
reconnu comme catholique. C'est sans doute préférable.
Mais s'il fallait - pour un catholique - refuser sa
voix aux partis politiques contrevenant à quelques
points essentiels de cet enseignement, sans doute n'y
aurait-il plus qu'à s'abstenir ! Pensez aux questions
de la vie (avortement - euthanasie) à la façon
de voir la famille (la législation autour du
couple) à la place laissée à l'argent
dans la gestion économique, à la façon
dont les personnes handicapées sont reconnues
(problèmes de stérilisation).
2 - La complexité des choses, la mondialisation,
les contraintes de l'économie du marché,
la communication limitent les marges de manuvre
des gouvernants. Les programmes des partis politiques
ont des habits différents pour vêtir des
projets souvent proches.
Les clivages sont plus flous aujourd'hui qu'hier.
3 - Nous ne savons plus où va le monde
Les oppositions entre l'Est et l'Ouest ont cessé
au moins dans la forme connue jusqu'à la chute
du mur de Berlin, les mouvements de population peuvent
s'amplifier d'un continent à l'autre, les risques
fabriqués par les progrès techniques et
scientifiques mal ou non gérés sont à
nos portes : réchauffement de la planète,
surpopulation, pollution, instabilité des marchés,
conséquences imprévisibles des manipulations
génétiques. Nous sommes a-t-on écrit
: "dans un monde en fuite".
Y a-t-il un programme politique pouvant donner des indications
claires et fiables ? Il est permis d'en douter. Il est,
en tout cas permis de demander que les projets communiqués
ne nous cachent pas la réalité et ne trichent
pas avec elle.
Que conclure ?
Je crois qu'il y a à être de plus en plus
attentif à tout ce qui se passe, attentif à
tout ce qui est engagé dans la gestion du temps
présent pour veiller à ce que celle-ci
n'hypothèque pas l'avenir.
Je crois qu'il y a à être participant à
notre niveau à la vie économique, à
la vie sociale, à la vie culturelle afin que
nous soyons en mesure de vivre positivement les évolutions
en cours.
Je crois qu'il y a à ouvrir des espaces de dialogue
pour que nous nous intéressions ensemble à
ce monde qui est le nôtre et pour que nous cherchions
un accord sur l'homme à éduquer et à
développer.
+ Mgr François Favreau,
Évêque de Nanterre
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