Tout le monde en parle. L'alerte est générale.
Pourtant la prise de conscience de la gravité du sida
n'est sans doute pas assez profonde ni assez générale.
Responsables de santé, soignants et chercheurs, malades
et leurs familles savent les conséquences de cette
nouvelle maladie. Ils nous interrogent.
Nous croyons, au nom de l'Évangile, devoir nous exprimer
sur cet événement. Pour ceux qui connaissent
l'angoisse et la souffrance, le Christ a ouvert une voie
d'espérance.
Nous sommes membres d'une famille humaine universelle, appelée à vivre
la solidarité dans l'épreuve et le refus de
toute exclusive.
Un défi nouveau
Le sida menace gravement la santé publique de la France
et des autres pays, en particulier ceux du tiers monde. C'est
un fait. Les informations sont à notre disposition:
comment les recevons-nous ?
Le combat contre ce mal est engagé. Il convient de
rendre hommage aux efforts des chercheurs et des soignants
ainsi qu'aux pouvoirs publics qui appuient leur lutte. Celle-ci
ne peut être menée qu'avec les personnes malades
et leurs familles. Tous ensemble, nous pouvons rompre le
cycle infernal du fatalisme.
Accueillir les malades et leurs familles
Jésus Christ a accueilli tous les malades: ce doit être
notre attitude vis-à-vis des malades du sida, comme
pour tous les autres.
Une société gagne en dignité humaine
si elle gère, sans discrimination, la santé de
tous les citoyens. Une société qui rejetterait
ceux qui font peur et qui dérangent ouvrirait la voie à toutes
les exclusives.
Les personnes malades réclament des soins appropriés,
mais pas de marginalisation. Ne nous laissons pas gagner
par l'affolement qui ferait naître des réactions
d'intolérance à leur égard.
Les personnes séropositives ne sont pas des malades.
Elles sont partagées entre l'espoir et l’angoisse,
parce qu'elles peuvent le devenir.
Sans doute, les unes et les autres doivent-elles prendre
conscience des risques de propagation de la maladie.
La présence de la famille et des amis est le soutien
naturel et indispensable pour vivre et conserver toutes les
activités possibles.
L'insécurité de ceux que le sida a frappés
exige de tous un effort constant d'attention et une écoute
fraternelle.
À
chacun de dépasser ses réflexes de peur. À chacun
d'apprendre à vivre dans le respect de l'autre, tel
qu'il est en lui-même. À chacun d'inventer l'accueil
fraternel qui s'impose.
Le sida n'est pas une malédiction
Le sida atteint l'homme dans ce qui est la source de sa vie:
le sang et la sexualité.
Mais le sida n'est pas un châtiment divin; c'est une
maladie qui a ses propres causes. Dieu n'est pas "sadique"!
Dieu est Amour. Il ne veut pas la souffrance et la mort de
l'homme.
Le sang qui fait vivre est susceptible d'être contaminant
s'il est porteur du virus. Nombreuses et précises,
les précautions à prendre relèvent de
décisions humaines.
Le sida nous transmet un signal d'alarme : chacun engage
sa responsabilité dans sa manière de vivre
et toute personne a besoin de références éthiques.
L'existence humaine est une histoire d'amour
Au cours des dernières années, des changements
se sont manifestés dans la manière de concevoir
le bien-être corporel : ce fut un gain pour beaucoup.
Par contre, la soi-disant libération sexuelle a laissé croire
que la sexualité pouvait se vivre sans véritable
amour. "L'autre" n'est-il pas souvent devenu
aujourd'hui le "grand absent" des relations
interpersonnelles ?
Toute société court à sa perte si les
relations humaines sont vécues seulement à travers
des rencontres éphémères. La montée
des solitudes les échecs affectifs et leurs cortèges
d'agressivités n’en sont-ils pas le signe ?
Une relation d’amour se construit au jour le jour,
c’est elle qui donne tout son sens au mariage et à la
famille, pour toute la vie et pour donner la vie. Sans amour
et sans fidélité l'existence humaine ne peut
réellement s’épanouir. Il faut toujours
apprendre à aimer.
Une commune humanité
Défi pour les personnes et pour la société,
pour les Etats et pour l'Eglise, le drame du sida atteint
l'existence humaine dans son origine et dans son développement.
Il interroge chacun sur son comportement personnel, familial
et social: l'indifférence et l'égoïsme
n'en sont-il pas trop souvent les notes dominantes ?
C'est un problème médical et social qui nécessite
un maximum d'efforts dans la recherche scientifique, comme
dans l'investissement économique, pour chaque pays
comme au plan international. Ce processus est en route.
Nous souhaitons qu'un dialogue s'instaure, par-delà les
réactions de panique, pour permettre à tous
les hommes de bonne volonté de manifester la solidarité de
la famille humaine et reconnaître la valeur irremplaçable
de l'amour qui fait vivre.
"Une fois que nous avons vraiment compris que nous
sommes frères et soeurs dans une commune humanité,
nous pouvons, à la lumière de la solidarité qui
nous unit, déterminer nos attitudes envers la vie"
(Jean-Paul II).
C'est dans cet esprit que nous voulons agir et que nous lançons
cet appel, affirmant notre confiance en tout homme, aimé de
Dieu.
Didier-Léon Marchand,
évêque de Valence,
président de la Commission sociale
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