Voici 50 ans, la Convention de Genève a donné
naissance à un système de protection sans précédent
des réfugiés. Signée par la France, elle
applique le terme de " réfugié " à
toute personne " qui, craignant avec raison d'être
persécutée du fait de sa race, de sa religion,
de sa nationalité, de son appartenance à un
certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve
hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut,
ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de
la protection de ce pays ".
En 1998, la France a créé une nouvelle protection
- appelée " asile territorial " - pour l'étranger
qui est en mesure d'établir que sa vie ou sa liberté
est menacée dans son pays d'origine ou qu'il y est
exposé à des " traitements cruels, inhumains
ou dégradants ". Cette protection permet de prendre
en compte certains types de persécution, notamment
ceux dont les responsables ne sont pas des Etats, mais des
groupements comme les GIA algériens par exemple.
Ce droit d'asile est actuellement malmené en France.
Les demandes d'asile ont fortement augmenté depuis
quelques années : 22 500 personnes en 1998, 38 000
en 2000, probablement 48 000 en 2001.
Aujourd'hui, pour obtenir l'autorisation provisoire de séjour
(APS), passage obligé pour pouvoir ensuite déposer
un dossier à l'OFPRA (office français de protection
des réfugiés et apatrides), il faut un rendez-vous
en Préfecture, fixé dans des délais de
plusieurs mois (jusqu'à douze mois). Les délais
de traitement du dossier par l'OFPRA et par la Commission
de Recours des Réfugiés, peuvent attendre de
18 mois à deux ans, avant d'obtenir une carte de séjour
de 10 ans. Ceux qui n'obtiennent pas le statut espéré
deviennent des " déboutés de droit d'asile
" qui peuvent être reconduits à la frontière
ou deviennent des " ans-papiers ".
Les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) sont
littéralement débordés (3500 places en
1998, 8500 espérées en 2002). Durant ce temps
d'attente, les demandeurs d'asile n'ont pas le droit de travailler.
Ils sont placés dans des situations d'endettement ou
de dépendance vis-à-vis de compatriotes ou sont
contraints de recourir au travail clandestin. Lorsqu'ils obtiennent
leur autorisation provisoire de séjour (APS), ils peuvent
tout de même bénéficier d'une allocation
d'insertion dont les montant est dérisoire et ne tient
pas compte des enfants : 282 € (1850 FF) par mois et
par adulte.
Les mineurs isolés qui arrivent sur le territoire
sans être accompagnés d'une personne détenant
l'autorité parentale sont accueillis dans des conditions
déplorables. Nombre d'entre eux deviennent une proie
facile pour les réseaux de travail clandestin ou de
prostitution.
En conscience, tout homme ne peut que protester contre ces
situations. Combien plus tout chrétien qui se laisse
inspirer et provoquer par le message tant de l'Ancien Testament
que du Nouveau Testament. Israël a vécu l'errance
et l'exil. Sa législation fait droit à l'émigré
(cf. Dt 24, 18). Jésus s'est lui-même identifié
à l'étranger : " J'étais un étranger
et vous m'avez accueilli " Mt 25, 35
Aussi tous les citoyens sont-ils invités à
transformer le regard qu'ils portent sur les demandeurs d'asile.
Mais les pouvoirs publics sont tout particulièrement
appelés à prendre certains mesures d'urgence
:
1 - Réduire la durée des procédures
et les délais d'attente afin que les demandeurs d'asile
sachent rapidement si leur demande est agrée. A cet
effet, il importe de renforcer les moyens de l'OFPRA et de
la Commission des Recours, spécialement en augmentant
leur personnel et leur budget.
2 - Accorder aux demandeurs d'asile le droit de travailler
lorsque le délai de réponse à leur demande
dépasse six mois (à compter de la date de dépôt
de leur première demande en préfecture).
3 - Rendre plus transparents les procédures et les
critères d'attribution de l'asile territorial (loi
de 1998).
4 - Prendre en considération les droits sociaux et
l'hébergement des demandeurs d'asile. Pour cela, il
importe d'accroître le nombre des logements spécialisés
afin que le demandeur d'asile puisse être accompagné
dans sa demande. Il importe également d'augmenter la
prestation financière allouée car elle ne prend
pas en compte la famille.
5 - Prendre davantage en compte la situation des mineurs :
il importe de trouver des solutions adaptées pour assurer
leur protection.
Résumé de la Déclaration faite conjointement
par :
Mgr Jean-Luc BRUNIN, évêque-auxiliaire de Lille,
Président du Comité épiscopal des Migrations
Mgr Olivier de BERRANGER, évêque de Saint-Denis,
Président de la Commission sociale des évêques
de France,
Mgr Lucien DALOZ, évêque de Besançon,
Président de Justice et Paix-France
dans l'ouvrage "L'asile en France - Etat d'urgence"
-Le Cerf-Bayard-Mame-Fleurus
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