Très Saint Père, nous sommes heureux de nous trouver auprès
de vous et de pouvoir ainsi manifester notre communion en Eglise. Il
m'appartient de vous présenter les deux Provinces de Rouen et
de Rennes qui constituent toute la partie Nord-Ouest de notre pays, bordée
par la Manche et l'Océan Atlantique. Environ neuf millions d'habitants
répartis sur quinze diocèses. Rouen, Le Havre, Evreux,
Bayeux, Coutances et Sées dans la Province de Rouen ; Rennes,
Nantes, Vannes, Quimper, Saint-Brieuc, Angers, Laval, Le Mans et Luçon
pour la Province de Rennes.
Par rapport à d'autres lieux du monde, notre région
jouit de la paix et du bien-être, nous en avons conscience.
La trop rapide transformation de la société poussée
par le développement économique bouscule
pourtant les hommes et les femmes de nos pays. L'urbanisation
vide les campagnes, les industries se renouvèlent,
la culture bouge. Cela ne se fait pas sans de profonds
changements dans les modes de vie qui souvent laissent
de côté les plus faibles. Dans la fidélité à l'Evangile,
les chrétiens avec d'autres sont présents
pour défendre la dignité de la personne,
la valeur du mariage, l'accueil de l'étranger, la
solidarité indispensable.
La partie la plus occidentale de notre région est
marquée par une tradition chrétienne vivante.
La partie orientale, plus proche de la capitale, a déjà une
population plus variée et plus déracinée
dans laquelle la tradition chrétienne est moins
implantée.
Les catholiques de notre temps sont en train de vivre
une grande mutation. Ils ont pris conscience de plus en
plus de la sécularisation et prennent acte qu'ils
ne vivent plus guère dans une société fortement
influencée par le christianisme. Dans tous nos diocèses,
avec plus ou moins de rapidité, les paroisses ont été réaménagées.
Désormais, ce n'est plus une paroisse par village,
mais une paroisse pour plusieurs villages et plusieurs
clochers. Les catholiques sont amenés à se
regrouper davantage pour célébrer l'Eucharistie
et partager leur expérience croyante. Ils éprouvent
davantage leur responsabilité dans l'Eglise pour
qu'elle vive et remplisse sa mission. Cela exige d'eux
un approfondissement de leur foi, une formation spirituelle
et théologique plus forte, un engagement ecclésial
plus grand. Sous l'impulsion des services de catéchèse,
une importante démarche est en cours pour "aller
au cœur de la foi" afin que chaque chrétien
fortifie sa foi en Christ pour mieux la vivre et mieux
en témoigner.
Des efforts importants sont faits pour rejoindre la génération
des 25-40 ans. Ces hommes et ses femmes ont reçu
une formation chrétienne très légère.
Emportés par un rythme de vie très rapide,
ils ont grandi dans une société où Dieu
est caché. Ils demandent pourtant à l'Eglise
de les marier, de baptiser leurs jeunes enfants, de leur
donner des rudiments de catéchèse. Nous cherchons à les
aider à s'initier vraiment à la foi chrétienne
afin que le Christ demeure leur force et leur espérance.
Une autre manière de témoigner du Christ
aujourd'hui dans notre région, est de donner vitalité à tous
les hauts lieux chrétiens que beaucoup fréquentent
par curiosité et peut-être aussi par quête
de sens : les pèlerinages connus comme Lisieux,
Pontmain, Le Mont Saint Michel, les pardons bretons et
vendéens, les cathédrales et les églises,
les chapelles de bord de mer. Beaucoup qui n'ont pas la
possibilité d'être actifs dans l'Eglise et
d'en pratiquer régulièrement les rites aiment
trouver en ces lieux une expression de leur aspiration
spirituelle. Nous essayons de donner à leur visite
et à leur rencontre le plus de signification vraie
et enrichissante.
Nos deux provinces ouvrent sur la mer. Les chrétiens
de nos diocèses ont souvent beaucoup voyagé avant
de se retirer dans leur pays natal. Beaucoup de missionnaires
surtout dans des Congrégations religieuses, sont
partis de nos régions, de nombreux coopérants
laïcs s'en vont à leur tour vers des pays qui
ont besoin. Cela empêche nos Eglises de rester confinées
et ouvre de nombreuses relations avec les Eglises de toutes
les parties du monde.
Nos diocèses se diversifient de plus en plus. Les
Mouvements plus anciens ou des institutions fortes comme
l'Enseignement Catholique, le Secours Catholique durent
et travaillent, parfois avec beaucoup de renouvellement,
toujours avec fidélité. En même temps
naissent et se développent des initiatives à partir
de la Pastorale des Jeunes, à partir de nouveaux
moyens de communication, à partir des activités
des Communautés nouvelles, à partir de la
vie consacrée.
Cela retentit sur la tâche des prêtres. Plus âgés
et moins nombreux, ils voient les formes de leur ministère
changer ; ils ont de plus en plus à favoriser l'unité de
groupes de chrétiens divers et à soutenir
des laïcs dans les missions ecclésiales qu'ils
remplissent. Ils ont à promouvoir des ministères
et des engagements nouveaux au service de l'Eglise, à participer à la
formation spirituelle catéchétique et pastorale.
Devant vous, Très Saint Père, je voudrais
rendre hommage à leur travail apostolique et à leur
fidélité.
Cela nous incite à veiller particulièrement à la
formation des futurs prêtres. Moins d'une centaine
sur nos deux provinces, ils sont répartis sur quatre
séminaires. Les jeunes hommes qui aujourd'hui se
préparent au ministère presbytéral
ont déjà derrière eux de longues études
et souvent une vie professionnelle. Ils n'ont pas toujours
baigné durant leur jeunesse dans un environnement
chrétien et ils se donnent au service de l'Eglise
avec piété et générosité.
Leur formation pose des questions anciennes et nouvelles.
Les prêtres et les laïcs qui les préparent
et les accompagnent vers l'Ordination ont conscience de
cette délicate mission.
Le manque de vocations sacerdotales et religieuses demeure
notre souffrance et notre handicap. C'est en même
temps un défi. Vous nous suggériez dans votre
exhortation sur "l'Eglise en Europe", de mieux
présenter aux jeunes la figure du Christ. Cela demeure
l'objet de notre conversion et de celle du peuple de Dieu
que nous servons. Dans la mutation que vit l'Eglise de
notre pays, nous expérimentons qu'Il est la source
de l'espérance et nous apprenons toujours plus à Lui
faire confiance. Merci, Très Saint Père,
de nous donner jusqu'au bout l'exemple de cette confiance.
+ François SAINT MACARY
Archevêque de Rennes, Dol et Saint-Malo
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