Très Saint-Père,
Nous venons à Rome comme des pèlerins, à la
source de notre foi, pour prier aux tombeaux de Pierre
et de Paul, et raviver auprès d'eux notre service
apostolique. Nous ne sommes pas venus seuls, mais avec
tout le peuple qui nous est confié et qui est présent
en permanence en notre cœur et en notre prière.
Nous sommes heureux de rencontrer avec vous le successeur
de Pierre dont la mission est de confirmer ses frères
dans la foi. Et nous vous exprimons nos sentiments de profonde
communion dans le Seigneur.
Notre Région est une terre de contrastes. Sur
nos côtes méditerranéennes s'étale
souvent une richesse ostentatoire tandis que les populations
de nos banlieues sont marquées par une extrême
précarité matérielle et affective.
Des jeunes perdent leurs raisons de vivre et sombrent dans
la délinquance, alors que d'autres peuplent nos
Universités et nos sites de recherches technologiques.
La qualité du climat rend la vie souvent très
agréable pour ceux qui ont un travail, une famille,
une terre.
Les conditions d'existence des immigrés sont d'autant
plus difficiles que nombreux sont parmi eux les clandestins
et demandeurs d'asile. Ils sont l'objet de l'attention
privilégiée des organismes caritatifs que
l'Église catholique a mis en place en vue de leur
assurer un accueil et un suivi administratif. Ce sont les
vrais "pauvres" de nos sociétés
occidentales venus depuis longtemps d'Afrique du Nord et
subsaharienne, et depuis peu de l'Europe de l'Est et du
Moyen-Orient.
Le tourisme se développe de plus en plus, notamment
les croisières, les sports de voile sur nos côtes,
et le ski dans nos stations alpines. Il est une des ressources
essentielles pour notre Région qui attire par la
douceur de son climat.
Nos terres ont été labourées par
le christianisme qui s'est implanté dès les
premiers siècles comme en témoignent les
fouilles archéologiques.
Notre province ecclésiastique de Marseille est
de fondation récente. Elle prend corps peu à peu
et cette visite "ad limina" permet de consolider
entre nous évêques, et avec vous, cette collégialité effective
et affective dont vous nous rappelez souvent la valeur
sacramentelle. Nous tenons à vous remercier pour
votre dernière exhortation post synodale "Pastores
Gregis", dont la lecture méditée nous
aide à raviver notre conscience de successeurs des
Apôtres et, malgré les difficultés
de notre tâche, à garder au cœur l'espérance
des germinations. Vous nous rappelez opportunément
que "l'Évêque a besoin constamment de
la grâce de Dieu" et que "le ministère
apostolique est pour l'Évêque une source de
spiritualité, à laquelle il doit puiser les
ressources spirituelles qui le font croître en sainteté et
qui lui permettent de découvrir l'action de l'Esprit-Saint
dans le peuple de Dieu confié à sa sollicitude
pastorale". Et vous ajoutez cette parole qui a des
résonances de "Presbyterorum ordinis" sur
le ministère comme lieu de la sainteté du
ministre ordonné, "le cheminement spirituel
de l'Évêque coïncide, dans cette perspective
avec la charité pastorale elle-même qui, à juste
titre, doit être considérée comme l'âme
de son apostolat. Aucun Évêque ne peut ignorer
que le sommet de la sainteté demeure le Christ Crucifié,
dans son offrande suprême à son Père
et à ses frères dans l'Esprit-Saint. C'est
pourquoi la configuration au Christ et la participation à ses
souffrances devient la voie royale de la sainteté de
l'Évêque au milieu de son peuple".
Ces paroles, Très Saint Père, nous stimulent
d'abord dans notre être chrétien, et aussi
dans notre ministère épiscopal rendu souvent
aride par le contexte de sécularisation dans lequel
nous vivons. Notre province méditerranéenne
qui a pourtant d'antiques racines chrétiennes que
révèlent les découvertes archéologiques
récentes et qu'aime célébrer le peuple
chrétien autour des figures de saint Lazare, Marthe,
Marie-Madeleine, Jean Cassien, Césaire d'Arles,
réclame une nouvelle évangélisation
qui produit déjà des fruits en faisant naître
de nombreux catéchumènes de tous milieux
sociaux et en réveillant des adultes et des jeunes
dont la foi s'était peu à peu sclérosée.
Dans cette mission, nous rendons hommage aux prêtres
et aux diacres, aux religieux et religieuses, et aux nombreux
laïcs qui font preuve de dynamisme apostolique dans
un contexte souvent indifférent et parfois hostile,
de ferveur dans l'annonce de la Bonne Nouvelle, et de fidélité dans
l'attachement à l'Évangile. Ils font notre
admiration et nous confortent dans notre service apostolique.
Nous ne pouvons pas oublier que le monachisme occidental
est né chez nous au Vème siècle avec
Jean Cassien qui, ordonné diacre par Saint Jean
Chrysostome et prêtre par le Pape Innocent Ier, a
uni en lui les deux traditions de l'orient et l'occident
en fondant le monastère Saint Victor à Marseille,
et en favorisant le monachisme provençal à partir
du monastère de Lérins qui a été un
vivier d'évêques.
La vie religieuse apostolique et les instituts de vie
consacrée sont également très présents
dans nos diocèses, sous des formes variées,
et dans le respect du charisme fondateur de chaque Congrégation
ou Institut ils apportent un témoignage évangélique
spécifique, non seulement par le canal d'institutions
scolaires ou hospitalières, mais aussi par une présence
humble et discrète dans les quartiers urbains et
l'espace rural.
Il nous faut espérer que se multiplient les témoins
de la foi, jeunes et adultes, notamment au sein des familles
chrétiennes, pour ensemencer le champ du Seigneur,
et que se lèvent des vocations aux divers ministères
et charismes, singulièrement les vocations sacerdotales
dont nous avons un urgent besoin.
Très Saint Père, en ce 25ème anniversaire
de votre Pontificat comme successeur de Pierre et évêque
de Rome, nous vous redisons combien nous sommes heureux
de pouvoir vous rencontrer et vous témoigner de
notre attachement. Votre courage dans l'épreuve
de la maladie, votre souci d'être l'inlassable messager
de l'Évangile à la manière des Apôtres,
votre attention à notre égard et à l'égard
de nos Eglises locales nous touchent profondément.
Nous confions votre ministère pétrinien de
communion à Notre-Dame, Mère de l'Église
et Reine des Apôtres, et nous vous assurons de notre
fraternelle et respectueuse affection.
Cardinal Bernard PANAFIEU
Archevêque de Marseille
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