Halte au nouveau crime de lèse-mer!
Récemment, un pétrolier chargé de
25000 tonnes de pétrole brut sest cassé
en deux, au large de lAtlantique, sous les assauts
de la tempête, avec les conséquences humaines,
économiques et écologiques de cette catastrophe.
Heureusement que la solidarité internationale a joué
pour sauver les hommes du bord. Hommage au sauveteurs.
Pourtant le Comité épiscopal de la Mer ne
peut rester indifférent devant ce fait, ni devant
quelques autres dailleurs, qui pour être moins
connus ou spectaculaires sont tout aussi nocifs : guerres
de la pêche, des filets, des quotas, destruction des
ressources marines, trafics occultes sous pavillon de complaisance,
mise en service de bateaux usés devenus dangereux,
abandon, dans les ports, de bateaux bloqués par sécurité,
et de leurs équipages, exploitation des marins.
Avec dautres organisations maritimes, la Mission
de la Mer ne peut ni ne doit garder le silence devant ces
faits.
Nous attirons donc lattention sur lesprit de
rapine et de concurrence impitoyable qui violence de plus
en plus le monde la mer.
,ous dénonçons lirresponsabilité
de certains détenteurs de la finance et du commerce
international qui transforment ce secteur de léconomie
en un marché juteux, et parfois mafieux, dont les
plus vulnérables font les frais. De ce point de vue,
lincarcération du capitaine du pétrolier
naufragé, pose vraiment question : est-il coupable
et complice ou comparse et bouc émissaire ?
Car nous devons le dire haut et fort : il y a de nouveaux
négriers et de nouveaux esclaves.
Trop peu le savent. Lhexagone se croit terrien; il
est aussi côtier; son sort dépend beaucoup
de celui de la mer.
Dautre part, lélément marin est
liquide : ceux qui lexploitent savent se dérober.
Ceux qui sont exploités ne peuvent être entendus,
puisquoccupés à trimer, sans être
connus, ni vus, ni entendus. A nous de faire entendre leur
voix. Cest la raison pour laquelle la Mission de la
Mer organisera les 6-7-8 mai 2000 à Lourdes, pour
la première fois, une rencontre-pèlerinage
ouverte à toute personne et organisation attachés
au monde de la mer et à son devenir.
- Impossible donc de croire quon peut braver la mer
déchaînée et envoyer de pauvres gens
au large, dun bout à lautre de la planète,
sur des bateaux anciens, par tous les temps, dans le seul
but, pour les spéculateurs, de faire de largent
ou, pour les pauvres, de survivre.
- Impossible de continuer ainsi et de constater émotivement
les dégâts en hommes, en matériel et
en pollution de ces bateaux quand ils échouent. Leur
casse est prévisible et de nouveaux navires «
doubles coques » devraient les remplacer pour éviter
ce genre dincident.
- Urgence de mettre au clair les causes de ces faits; de
nommer et poursuivre les responsables et leurs réseaux,
de dénoncer sans cesse ce système dexploitation,
dalerter lopinion.
- Nous demandons aux gouvernants, non seulement français
mais européen, dimaginer une politique de la
pêche internationale à base déquité,
de solidarité humaine et de respect des ressources;
une mise à jour dun droit international, avec
les moyens de lappliquer. Sans cette double dimension
juridique et éthique, le XXIe siècle pourrait
devenir celui de la pollution mortifère de la mer,
et sa mise en otage par quelques compagnies de requins.
En cette époque de lannée, la presse
publie les menus de réveillons au prix fort, où
figurent toujours poissons et fruits de mer. Que les réveillonneurs
pensent quentre leur assiette et la mer, il y a le
matelot, trop souvent mal considéré, mal traité,
mal payé.
Heureusement que nous sommes témoins dune
culture de la mer et de valeurs admirables vécues
par les Gens de Mer qui, un peu partout, prennent conscience
de cet état de chose et essaient, avec dhumbles
moyens, de sorganiser et de faire entendre leur voix.
Répercutons-là.
Comment notre pays, celui des Droits de lHomme, pourrait-il
ignorer et rester indifférent devant ces conduites
irresponsables de navigation risquée, de pillage
et doppression? Nous faisons appel à sa raison
et à son cour.
En tout cas, la Mission de la Mer se fait un devoir de
signaler fortement à lopinion cette vérité
de bon sens : dis moi comment tu traites la mer et ses marins,
je te dirai qui tu es; dis-moi comment vont la mer et ses
marins, je te dirai létat du monde, son devenir,
et le tien avec eux.
+ Pierre Moleres
Evêque de Bayonne,
Président du Comité épiscopal
de la mission en Monde Maritime
le 21 décembre 1999
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