Déclaration de la présidence
de la COMECE
Un appel à la justice, à la responsabilité,
et à la conversion des curs
1. Un profond deuil s'est abattu sur le monde depuis le
11 septembre. Il s'avère au début du nouveau
millénaire que le mal reste un compagnon permanent
de l'humanité. En Europe, la population a exprimé,
de multiples façon sa compassion envers les parents
des victimes et sa solidarité avec les Etats-Unis
d'Amérique. Dans un grand élan de solidarité
avec les Etats-Unis, l'Union Européenne s'est jointe
à cette compassion.
2. En tant qu'évêques, nous sommes aux côtés
de ceux qui sont endeuillés et désespérés.
Sous la croix et face aux victimes, nous appelons à
la prière et à la solidarité. La religion
ou la foi ne peuvent en aucun cas justifier les attentats
en Amérique. Celui qui vise la mort d'êtres
humains, qui couvre ou qui tolère cette attitude
ne peut pas prétendre agir au nom de Dieu. Ni dans
le christianisme, ni dans l'islam ni dans le judaïsme
existent de justification de violence et d'anéantissement.
Il n'y a pas de théologie de la terreur,. Nous condamnons
ces actions.
3. En ce moment de profond deuil et de grandes préoccupations,
nous nous tournons, en tant que présidence de la
Commission des Episcopats de la Communauté Européenne
(COMECE), vers les responsables politiques de l'Union Européenne
et de ses Etats membres avec un triple appel à la
justice, à la responsabilité et à la
conversion des curs:
Justice
4. Tous ceux qui sont responsables des attentats doivent
être identifiés et punis. Notre sentiment collectif
de la justice serait bafoué, si face à la
souffrance indicible, on ne demandait pas des comptes à
ceux qui l'ont causé et y ont incité. Les
critères habituels semblent inadéquats pour
prendre la mesure des attentats terroristes de New York
et de Washington. L'emploi massif de force doit être
exclu comme réponse pour rétablir le droit
et la justice. Les hommes d'Etat responsables se trouvent
ici en face de questions de conscience des plus difficiles.
C'est pourquoi nous prions les responsables politiques au
sein de l'Union Européenne d'essayer de faire tout
pour empêcher le début d'une spirale de revanche
et de guerre.
5. Une injustice terrible et inouïe a été
commise. Mais d'autres injustices existent aussi dans le
monde entier; elles sont la cause des conflits politiques
et sociaux. La division du monde se manifeste avant tout
entre la richesse et la pauvreté, et ne pas entre
les religions et les cultures. La réponse à
l'enjeu actuel est une nouvelle politique du développement
des pays plus pauvres. Une des voies vers de nouvelles structures
mondiales plus justes et vers la réduction des l'inégalités
matérielles peut être trouvée dans la
recherche de nouvelles formes de gouvernance mondiale. Le
plus grand danger serait de renoncer à la vision
d'un monde juste et réconcilié. Le but de
la mondialisation n'est pas le bien-être de quelques-uns,
mais la justice pour tous.
Responsabilité
6. Nous mettons en garde contre toute accusation collective.
Les attaques en Amérique ont été barbares
- elles se dirigent en général contre la civilisation
tout court qui est d'inspiration judéo-chrétienne
et musulmane. Nous refusons avec force tout jugement global
contre la foi islamique et sa culture. Notre solidarité
dans la foi en un Dieu unique nous incite au dialogue entre
chrétiens, juifs et musulmans. De nombreux musulmans
résident en Europe, l'Islam fait aussi partie de
l'héritage religieux de l'Europe.
7. Le terrorisme - peu importe sa motivation - est un danger
réel et mortel. La communauté internationale
doit collaborer en toute confiance pour endiguer la menace
du terrorisme. Nous accueillons positivement l'annonce de
la Commission européenne de soumettre dans les plus
brefs délais sur la base d'une définition
commune du terrorisme des propositions pour renforcer la
coopération des polices et des tribunaux. Europol,
la police de l'UE, a besoin de contributions plus énergiques
de la part des Etats membres.
Conversion des coeurs
8. La puissance et la richesse occidentale et leurs symboles
ont fait naître l'inimitié et la haine. Ces
symboles de richesse et de puissance contrastent fortement
avec la misère et l'impuissance de beaucoup d'hommes
pour lesquels l'Occident semble avoir un cur de pierre.
C'est pourquoi nous sommes convaincus, qu'en dernier lieu,
il n'y aura pas d'autres voies vers la paix qu'une conversion
à la solidarité.
9. Nous proposons d'intensifier la coopération avec
les pays de la Méditerranéenne au sein du
" processus de Barcelone ", qui doit absolument
inclure Israël. Les efforts pour le dialogue interreligieux
dans cette région doivent être intensifiés
et méritent plus de soutien de la part des politiques.
De plus, nous demandons à nos chefs d'Etats et de
gouvernement de déterminer, lors du Conseil européen
de Laeken en décembre prochain, une méthode
et un calendrier pour atteindre l'objectif de consacrer
0,7 % du PIB pour l'aide au développement.
10. Notre communauté de valeurs universelles va
bien au delà de la richesse matérielle et
de la force militaire, dont les symboles viennent d'être
attaqués. Elle se fonde sur des valeurs communes
qui sont fortement enracinés dans nos croyances et
nos confessions. Un élément essentiel de ces
valeurs est " d'exercer sincèrement la compréhension
mutuelle, afin de défendre et de promouvoir ensemble,
pour tous les humains, la justice sociale, les valeurs moraux,
la paix et la liberté " . Nous nous tournons
alors vers tous ceux qui, en tant que poètes ou penseurs,
en tant qu'artistes, en tant qu'écrivains ou journalistes,
en tant que théologiens ou chercheurs, portent une
responsabilité dans l'expression des symboles qui
signifient notre civilisation. Se tourner vers cette richesse
spirituelle et l'exprimer est la conversion la plus importante.
* * *
11. Dans ces heures et ces jours sombres, de nombreux hommes
et femmes se sont tournés vers Dieu dans une prière
spontanée pour demander la consolation et la paix.
Nous aussi nous prions pour que le Dieu de Jésus-Christ
" aide l'homme à ne pas succomber à la
tentation de la haine et de la violence, mais d'uvrer
au service de la justice et de la paix " .
Bruxelles, le 17 septembre 2001
Mgr Josef Homeyer, Evêque de Hildesheim
(Allemagne), Président de la COMECE
Mgr Adrianus van Luyn, Evêque de Rotterdam (Pays Bas),
Vice-président de la COMECE
Mgr Attilio Nicora, Conférence épiscopale
italienne, Vice-président de la COMECE
Mgr Noël Treanor, Secrétaire général
de la COMECE
Traduit du texte original en allemand
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