1. Après quelques jours passés en Terre Sainte,
c’est de Jérusalem que nous vous écrivons.
Notre pèlerinage a été bref mais particulièrement
riche en rencontres et en échanges. Car ce ne sont pas
d’abord des sites que nous avons visités, mais
des hommes et des femmes, partageant notre foi.
Dans leur grande diversité, ils savent qu’ils
sont sur cette Terre Sainte « les descendants de la
première Eglise fondée par Jésus Christ,
les fils des témoins de la Résurrection »
(propos du jeune accueillant Jean-Paul II à Nazareth
le 24 mars 2000). Leur vocation est unique et nous concerne
tous. Ils célèbrent et annoncent le Christ sur
les lieux même de l’Incarnation. Ils proclament
la Résurrection là-même où, vainqueur
de la mort, le Seigneur Jésus est apparu aux femmes,
à ses apôtres, et a cheminé avec les disciples
d’Emmaüs, réveillant l’espérance
et le courage de chacun. Avec ces frères en Christ,
à Jérusalem, à Nazareth, à Bethléem,
dans le village d’Aboud, nous avons échangé,
prié et célébré.
2. Eux-mêmes et bien d’autres rencontrés
au long de ces jours nous ont exprimé leurs joies et
leurs souffrances, qu’ils vivent en Israël ou dans
les territoires de l’autonomie palestinienne. Epreuves
et conflits ne les épargnent pas. La désespérance
les guette. Pourtant, venant de la part de chrétiens,
de juifs ou de musulmans, le même cri nous est parvenu
: « Que vienne la paix ! Que s’arrête la
violence ! Que le sang cesse de couler ! Que règne
la justice ! Que reprenne le dialogue nécessaire !
»
Nous avons rencontré des hommes et des femmes qui,
aujourd’hui, engagent leur vie sur ce chemin du dialogue.
Ils sont semeurs d’avenir. Ce n’est pas d’eux
qu’on parle le plus et, pourtant, ils tissent au jour
le jour les liens de l’amitié, du respect, de
la compréhension. Ils dominent leur peur. Ils empruntent
les chemins risqués de la confiance. Ils démontrent
que vivre ensemble est possible. Ils préparent les
cœurs à la réconciliation nécessaire.
Nos frères chrétiens, et parmi eux beaucoup
de religieux et religieuses, ont fait notre admiration. Malgré
leur situation minoritaire en Terre Sainte, ils ont souvent
un rôle déterminant pour permettre des initiatives
et des réalisations, peut-être impossibles autrement.
Les écoles, les hôpitaux, les lieux de rencontre
sont très précieux à cet égard.
3. Nous lançons un vibrant appel à la paix.
Elle est possible, elle est la seule solution, elle est à
la portée de ceux qui osent les chemins de la confiance,
du dialogue vrai, de la justice, de la sagesse. Le cœur
des peuples y est plus disposé qu’on ne veut
bien le dire. Nous reprenons les paroles du pape Jean-Paul
II s’exprimant ainsi au sujet du Moyen-Orient et de
la Terre Sainte dans son message pour la journée de
la paix de ce 1er janvier 2003 : « La lutte fratricide
qui ébranle chaque jour la Terre Sainte, opposant les
forces qui tissent l’avenir immédiat du Moyen-Orient,
fait comprendre l’exigence urgente d’avoir des
hommes et des femmes convaincus de la nécessité
d’une politique fondée sur le respect de la dignité
et des droits de la personne. Une telle politique est sans
conteste plus avantageuse pour tous que le maintien des situations
concrètes de conflit. »
4. Nous vous transmettons enfin quelques suggestions ou invitations.
Après avoir écouté les uns et les autres,
nous avons mieux perçu que les réalités
étaient très complexes. Ne tombez pas dans des
analyses trop simplistes ou dans des partis pris. Ils durcissent
les cœurs, empêchent le dialogue vrai et la recherche
de solutions durables.
Nous ne pouvons pas nous contenter d’encouragements
lointains. Nos frères chrétiens et ceux qui
vivent sur cette Terre Sainte ont besoin d’être
visités et de sentir à leur égard affection
et intérêt. Nous vous invitons à devenir
des pèlerins de la paix et de la fraternité.
Allez à la rencontre de vos frères dans la foi
qui témoignent en ces lieux mêmes de «
Celui qui en sa personne a tué la haine » (Ep
2, 16). Il y va de leur survie, ils nous l’ont dit et
redit.
Que des jeunes n’hésitent pas à donner
un ou deux ans de leur vie dans des projets de coopération.
Nous en avons rencontrés. Ils rendent un réel
service. Ils nous disent qu’ils reçoivent plus
qu’ils ne donnent.
Manifestez aussi votre solidarité. En particulier,
soutenez financièrement les organismes de notre Eglise
et ceux qui permettent des projets d’aide et de développement.
Priez régulièrement pour la paix en Terre Sainte.
Qu’en ce lieu où vivent nombreux les fidèles
des trois grandes religions monothéistes, les signes
de la fraternité et du respect rayonnent pour le bien
de toute l’humanité.
Nous venons de vivre en Terre Sainte une profonde expérience
humaine et spirituelle : là, aujourd’hui, le
mystère de mort et de résurrection se poursuit.
L’espérance pascale qui nous habite est grande.
La vision de « la foule immense de toute nation,
race, peuple et langue rassemblée par l’Agneau
vainqueur » (Ap 7, 9) nous a habités. C’est
l’œuvre de Dieu. Elle est en train de s’accomplir.
Elle adviendra.
Puissions-nous y prendre tous notre part.
A Jérusalem, le 1er janvier 2003
Mgr Jean-Pierre Ricard, Archevêque de
Bordeaux,
Président de la Conférence des évêques
de France
Mgr Georges Pontier, évêque de La Rochelle et
Saintes,
Vice-Président de la Conférence des évêques
de France
Mgr Lucien Daloz, Archevêque de Besançon
Mgr Francis Deniau, Evêque de Nevers
Mgr André Lacrampe, Evêque d’Ajaccio
Mgr Bernard Panafieu, Archevêque de Marseille
Mgr Gaston Poulain, Evêque de Périgueux
PS : Le Président du Secours catholique, le Secrétaire
général de la Conférence des évêques
et le Secrétaire du Comité épiscopal
pour les relations avec le judaïsme faisaient également
partie de la délégation.
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