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L'écart social n'est pas une fatalité

 

"Une société est jugée au regard qu'elle porte sur les blessés de la vie et à l'attitude qu'elle adopte à leur égard".(Jean-Paul II à Tours, 21.09.96).

Chaque jour, comme évêques, nous rencontrons dans nos diocèses des hommes et des femmes qui souffrent de leur situation économique et sociale. Des responsables politiques, des militants d'associations et d'organismes confessionnels ou non, nous disent leur inquiétude. Ceux et celles qui affrontent ces malaises sociaux ne savent souvent plus que faire.
Célébrants de l'Eucharistie, nous partageons le Pain de la Vie. Réunis en frères aimés par un même Père, nous annonçons le Royaume qui sera terre fraternelle. Toute forme de rupture entre les hommes est ressentie comme contraire à l'Eucharistie.

I - UN ÉCART QUI SE CREUSE SILENCIEUSEMENT


Un écart grandit aujourd'hui entre ceux qui gardent la possibilité de s'adapter et de bénéficier des évolutions, et une part croissante de la population dont la cohésion sociale se défait. Elle en subit précarité et parfois exclusion. Cet écart nous inquiète. Il nous pousse à nous adresser aux hommes et aux femmes de notre pays, en particulier, à ceux qui ont une influence sur la vie de notre société.
Cet écart sépare de plus en plus ceux qui participent à la construction de l'avenir de notre société de ceux qui subissent leur sort. Il éloigne du fonctionnement économique et social ceux qui ne participent plus à son élan. Il met à part les personnes qui, marquées par un handicap, sont marginalisées : la vie les blesse de plus en plus. Vivre ensemble devient problématique.
Qu'une société traverse des moments difficiles est inévitable. Ce que nous voyons en France n'est pas étranger à ce qui se passe au plan mondial. La croissance s'est ralentie dans notre pays, alors que beaucoup d'entreprises s'efforcent courageusement de résister. On entend dire qu'il n'y a pas de crise, mais seulement un ajustement nécessaire à un nouvel ordre économique et social. Un tel discours est généralement tenu par ceux qui ne sont pas trop atteints.
Il demeure insupportable de voir grandir la séparation entre ceux que favorise cette évolution et ceux qu'elle écrase. Cet écart interroge toute conscience soucieuse de la dimension humaine de la vie sociale. Les personnes et les organismes qui ne s'en accommodent pas et luttent contre lui, ont notre soutien et nos encouragements.

Dieu a confié la terre à toute l'humanité. Cette confiance rend vigilant. Elle appelle à un devoir de discernement et d'interrogation envers toute organisation économique afin de l'évaluer selon le coût humain de sa démarche. On parle de "guerre économique". Elle n'est avare ni de violences ni de manifestations de puissance envers trop d'hommes et de femmes. Les difficultés économiques n'excusent pas de traiter les hommes plus mal que les outils de production.
C'est le fond de l'être qui est atteint par les dysfonctionnements sociaux et économiques. L'individu se retrouve seul, sans repères, pour construire sa personnalité.
A ceux qui souffrent de cette exclusion, nous tenons à dire notre confiance et notre espérance. Nous avons déjà constaté leur volonté et leur capacité de réagir.

II - UN ÉCART DIFFICILE A COMPRENDRE


Jamais notre société n'a connu autant de plans, de moyens contre l'exclusion. Et celle-ci ne cesse de s'étendre. L'écart qui se creuse entre les bénéficiaires de la croissance et ceux qui en sont exclus, perdure et s'aggrave malgré bien des initiatives qui le combattent. Voilà qui est difficile à comprendre.
Pour réintroduire dans une cohésion sociale les victimes des choix et du fonctionnement de cette société, interrogeons-nous sur les fondements implicites et les principes qui régissent son organisation.
1 - Un pragmatisme qui s'en tient à l'immédiat règne en maître. Il prend pour du réalisme une loi du marché économique obsédée par une rentabilité à court terme et souvent sans morale. La finance finit par se retourner contre l'économie. Mettre des hommes à l'écart devient ainsi "normal". L'oubli des conséquences humaines abandonne à la protection publique ou à la générosité privée le soin de s'occuper de ceux que délaisse un courant libéral pressé de se défaire d'obligations sociales qu'il juge abusives.
Ainsi en est-il pour le chômage. Malgré les plans successifs et les sommes considérables consacrées à l'indemniser, la situation continue à décliner. Certaines familles en sont à la troisième génération de chômeurs et des jeunes ne parviennent pas à fonder leur foyer. Le travail se fait de plus en plus rare, ce qui augmente l'inquiétude devant l'avenir.
L'inégalité des revenus est présentée comme un stimulant de la croissance. Cette logique est étrangère aux possibilités de millions de personnes. Les règles financières comme les lois du marché échappent à une maîtrise que certains refusent même. Il en résulte une quasi impossibilité de parler d'un projet de société. Où allons-nous ? Cette question paraît aujourd'hui utopique, voire incongrue.
2 - Le silence sur un projet de société révèle une sorte de paralysie du corps social tout entier. Comment dialoguer avec celui qui tient cette situation pour fatale ?
La vie politique, si indispensable pour une nation, traite au quotidien de réglementations de plus en plus complexes. Le pouvoir administratif ne saurait remplacer la responsabilité politique pour donner un souffle et un espoir.
Favoriser une dérèglementation très large augmenterait les souffrances des plus fragiles. Mais redonner à la vie politique sa responsabilité et sa dignité pour créer une communauté confère à l'État une réelle possibilité d'action, comme l'Église l'a si souvent rappelé.
3 - L'aggravation de l'écart social renforce l'individualisme : celui-ci blesse les personnes incapables de se défendre, mais favorise les plus habiles. Dans cette distorsion entre les situations, surgissent, comme autant de symptômes, des manifestations de violence, le désir du chacun pour soi et le rejet de l'étranger. Toute autre personne devient une concurrente : on se protège contre elle, on la charge de tous les soupçons... Ainsi se renforce une exclusion, conséquence du manque de projet commun.
4 - Une société fragilisée par ses divisions devient plus disponible aux dominations.
Domination d'une logique économique qui cherche un résultat rapide sans s'inquiéter des conséquences à plus long terme, marginalisant ceux qu'elle écarte de son mouvement.
Domination d'une recherche de l'audience qui fausse l'information, permettant à ceux qui ont accès à la maîtrise de la communication de se faire entendre, mais enfonçant les autres dans le mutisme.
Domination de théories étroites et sectaires qui trient entre les hommes et flattent des appétits de violence.
Sur ces bases, des idéologies faciles peuvent faire lever leurs ambitions démagogiques. La déchirure sociale fragilise la résistance à l'inacceptable. Est inacceptable ce qui porte atteinte à la dignité d'un homme.
5 -L'écart social mutile ceux qui, pour garder un emploi, connaissent des rythmes de vie excessifs et, comme cela arrive, des conditions de travail et de rémunération à la limite de l'injustice. Il mutile aussi ceux qui, soumis à la domination de l'argent, attentent à leur humanité. Il blesse davantage ceux qui sont écartés de l'emploi, se jugent inutiles et sont conduits à ne consommer que les miettes d'une croissance qui avance sans eux.
De soi le progrès est aveugle, le profit neutre : ce sont des mécanismes.
Quelques-uns s'en emparent. Beaucoup y ont peu de part. Dans le domaine socio-économique, de meilleurs moyens d'analyse et de connaissance n'entrainent pas nécessairement une plus grande capacité d'action efficace. Nous ne pouvons justifier notre inaction par la complexité des mécanismes.
Devenues quotidiennes, ces inégalités finissent par ne plus choquer. Notre société se fragmente en groupes vivant en parallèle. Ces séparations accroissent les inégalités : ceux qui sont assistés vivent de ressources dont la production leur échappe.

III - UNE SOCIÉTÉ POUR TOUS

Il est urgent de revenir à ce qui est souhaitable pour l'homme. "Il faut trouver de nouveaux modes de vie personnels et collectifs qui permettent de surmonter les crises" (Jean-Paul II à Tours).
1- Il nous faut aller ensemble au-delà des palliatifs. Si nécessaire que soit l'indemnisation du chômage, elle attend surtout qu'on explore de nouveaux champs d'emplois. La lenteur à inventer de nouvelles activités provient de ce qu'en France la reconnaissance sociale découle surtout d'un emploi bien défini. Une autre conception du travail demande à être développée pour favoriser une avancée des mentalités. Sans plus attendre, on changera les mentalités en suscitant des exemples de fécondité sociale, dans des tâches au service de la qualité de la vie, dans la participation de chacun à la construction commune de la société. Chacun possède une fécondité pour participer à l'élaboration de la société où il vit.
2- Soutenir ces actions créatrices amène à s'interroger sur le partage. Trop de cumuls, d'avantages divers, d'habitudes entravent une réflexion sur le partage du travail. Il restera impossible de progresser tant que ne sera pas abordée la question centrale, celle du partage des revenus. Il nous faut réapprendre une certaine tempérance commune afin de répartir les avantages du progrès. Sans régulation, le progrès aliène.
3- A qui va l'argent ? A qui profite-t-il ? L'idée même d'un contrôle paraît inconvenante, mais y a-t-il une justice sans un droit de regard ? Sans ce droit de regard, on favorise la corruption et la perversion de la vie démocratique. Trop d'argent échappe à toute finalité humaine.
Face à la misère, les Pères des premiers siècles de l'Église annonçaient courageusement qu'il existe une limite à la jouissance privée de ses biens. Sans réflexion sur la destination de l'argent, il ne se produira aucune modification du rapport au travail qui produit cet argent. Créer des biens n'est pas un objectif suffisant. C'est une vie sociale commune qu'il s'agit de bâtir, dégagée des groupes de pression. Nous redisons ici l'importance des corps intermédiaires pour structurer une société. Long travail à poursuivre sans relâche.
Faute de cette vision respectueuse de chaque personne, notre société réduit des hommes à lutter pour leur survie : du travail informel apparaît, des commerces illicites se développent et un être aux abois cède à la violence...

IV - L'HOMME EN PREMIER


Aujourd'hui comme hier, des choses vont bien et d'autres mal. En rester à ce double regard fait croire à un équilibre. Il fait passer pour acceptable ce qui n'est qu'une moyenne apparemment normale. Il se cache la distance qui sépare des hommes. Plutôt que de choisir entre une vision optimiste et une vision pessimiste, nous avons tenu à être, avec d'autres, les témoins lucides de la différence croissante des conditions d'existence.
Réduire les inégalités sociales n'est pas seulement affaire de moyens techniques, mais d'intelligence et de coeur. Le savent tous ceux et celles qui placent le sens de l'homme comme objectif premier de leur action. Des hommes et des femmes, dans diverses responsabilités, ne se résignent pas à considérer l'écart social comme une fatalité. Ensemble, si nous ne mettons pas l'homme en premier, avec la dimension de sa vie communautaire, notre société perdra une part importante de ses valeurs. Honorer notre patrimoine, c'est retrouver la raison profonde de son existence : la vie de l'homme, digne et libre.