Editorial : «Je vous donne ma Paix »
Comment témoigner du don que le Christ
nous a fait de sa Paix dans un monde déchiré par
les guerres, où beaucoup dénoncent
le rôle néfaste des religions dans
la montée de la violence et la menace
d’un choc des civilisations ? Quelle crédibilité ce
témoignage pourrait-il avoir si les Églises
qui le proposent demeurent divisées ?
Ces questions nous sont souvent venues à l’esprit,
tout particulièrement au cours de ces
derniers mois. Elles expriment bien l’un
des enjeux de la prochaine Semaine de prière
pour l’Unité.
Le thème, tiré du discours d’adieu
de Jésus dans l’évangile
de Jean, a été choisi par des chrétiens
de Syrie ; de ce Moyen-Orient meurtri, où pourtant
a retenti la promesse biblique de la Paix. Cette
paix, et l’unité, ils en connaissent
le prix et savent la nécessité d’une
supplication de tous les disciples du Christ
pour qu’il vienne y chasser les démons
de la guerre et de la division.
Leur espérance est largement partagée
par les chrétiens du monde entier. De
fait, une très large majorité d’Eglises
a su récemment faire cause commune pour
refuser la guerre en Irak et dénoncer
l’instrumentalisation de la foi chrétienne
par ceux qui voulaient la justifier. A l’heure
où l’on se plait à parler
d’une stagnation de l’œcuménisme,
cette démarche commune pour « vaincre
la violence » mérite d’être
soulignée.
Sans doute serait-il préjudiciable à notre
avancée vers la pleine communion de nous
détourner d’un dialogue théologique
patient et laborieux pour privilégier
le seul œcuménisme de la vie et de
l’action. Il n’en demeure pas moins
nécessaire de manifester aussi par de
telles démarches, face aux drames de notre
monde, les progrès déjà accomplis.
Prier ensemble, œuvrer ensemble contre une
guerre, ce sont là des témoignages
significatifs du chemin déjà parcouru.
Mais il s’agit encore de démarches épisodiques
qui ne manifestent pas le don de la Paix dont
témoignerait cette pleine communion des
Eglises, unies dans une diversité réconciliée.
La Semaine de prière pour l’Unité nous
invitera ainsi à dépasser la seule
préoccupation du règlement des
conflits actuels, lorsque nous demanderons ensemble
la grâce de cette Paix du Christ.
En nous invitant à prier pour la promotion
du droit international, le premier jour de ce
même mois de janvier 2004, le pape Jean-Paul
II nous rappelle qu’il n’y a pas
de perspectives de paix sans la médiation
des institutions reconnues par tous les hommes
de bonne volonté. Mais ces derniers ont
aussi besoin de « voir » qu’elle
est possible et comment elle se construit entre
des communautés longtemps opposées
par la peur ou le refus de leurs différences.
Le témoignage de l’unité des
communautés chrétiennes serait à cet égard
un grand signe d’espérance. Le Concile
Vatican II, il y a près de quarante ans,
n’affirmait-il pas : « Plus l’unité des
chrétiens grandira dans la vérité et
dans l’amour, sous l’action puissante
de l’Esprit-Saint, et plus elle deviendra
un présage d’unité et de
paix pour le monde entier » (Gaudium et
Spes n° 92 §3) ?
Réalisé en collaboration avec le
Centre Unité chrétienne de Lyon,
ce numéro voudrait nous aider à préparer
cette Semaine de prière pour l’Unité.
En complément d’une proposition
de schéma de célébration
et d’un florilège de prières,
les articles offrent diverses approches de son
thème. Ils nous rappellent notamment que
la Paix donnée par Jésus n’est
pas celle du plus fort ni celle du compromis,
mais un changement d’attitude opéré par
sa présence. Ils nous font aussi mieux
percevoir comment en vivre dans les conflits
inévitables suscités par nos différences,
qu’elles soient ethniques, culturelles
ou…religieuses. C’est dire qu’ils
nous montrent bien la corrélation entre
la recherche de la paix et la promotion de l’unité des
chrétiens.
Vous y trouverez bien entendu un écho
de l’actualité œcuménique,
en particulier de la douzième Assemblée
générale de la Conférence
des Eglises européennes (KEK) et de la
désignation du pasteur Samuel Kobia comme
nouveau secrétaire général
du COE. Il nous offre enfin un document exceptionnel
: une interview du métropolite Philarète
de Minsk, personnalité de premier plan
au sein de l’Orthodoxie russe.
Ce numéro, que je présente pour
la première fois, a bénéficié de
l’expérience du père Christian
Forster qui, comme directeur de la rédaction,
avait encore participé activement à son élaboration.
Nous lui exprimons notre reconnaissance pour
le travail qu’il a accompli pendant six
ans au service de la Revue, et plus largement
de l’unité des chrétiens
en France. Nous l’assurons de notre prière
et lui souhaitons un heureux nouveau ministère.
Père Michel Mallèvre
|