Editorial : "L’oecuménisme à la une !"
Au lendemain de l’élection de Benoît XVI, le quotidien Le Monde reprenait en titre les paroles centrales du premier message du nouveau pape sur l’urgence de la recomposition de l’unité. Un tel titre, à la une, dans une référence de la presse francophone : le fait est trop rare pour que l’on n’ait pas plaisir à le souligner. Quelques semaines plus tard, la presse s’emparait de nouveau des propos du pape en glosant sur le message qu’il venait d’adresser au Synode national de l’Eglise Réformée de France. Fait sans précédent, qui méritait effectivement d’être salué, mais dont les commentaires finissaient par étouffer malheureusement les travaux de ce synode… Ces coups de phare médiatiques auront eu au moins le mérite de rappeler le défi de l’unité à des chrétiens tentés de se résigner à leur division après les rêves qui suivirent immédiatement Vatican II. A travers les exposés parfois embarrassés des journalistes appelés à dresser un état des lieux des relations entre les Eglises, ils auront montré aussi combien l’oecuménisme est un domaine complexe, technique, qui suppose une formation.
Se former à l’oecuménisme ? Peut-on vraiment former à la dynamique de l’unité ? Ne s’agit-il pas d’abord d’un état d’esprit, d’une attitude spirituelle, faite d’une conversion profonde disposant à vivre un échange de dons, comme aimait à le rappeler le pape Jean-Paul II. Sans doute l’oecuménisme est-il en effet d’abord fécondé par des rencontres personnelles nous laissant éblouis par le travail de l’Esprit au cœur de ces hommes et femmes qui vivent leur foi au Christ ressuscité autrement que nous, et dans les institutions ecclésiales au sein desquelles s’est façonnée cette autre manière d’être chrétien. Mais cette attitude oecuménique suppose aussi une connaissance de l’histoire, une attention à des enjeux théologiques et un apprentissage de méthodes de dialogue qui exigent une formation. En insistant sur l’importance du travail théologique, et sur sa réception, pour surmonter les causes de divisions, certains acteurs, comme l’Eglise catholique, rappellent cette dimension fondamentale de la formation oecuménique.
Cependant, nous mesurons mieux aujourd’hui combien l’oecuménisme ne peut être séparé d’autres aspects de la vie des Eglises dans un monde de relations multiculturelles et multireligieuses, confronté à tant de violence, d’injustices. Dès lors, une véritable formation oecuménique ne peut se réduire à la transmission d’un savoir : elle doit être surtout une initiation à une pratique de dialogue et de solidarité entre chrétiens qui féconde toutes notre vie. A travers ses multiples actions, surtout auprès des jeunes, le Conseil oecuménique des Eglises insiste sur cette dimension globale de la formation oecuménique.
En honorant ces deux perspectives complémentaires, notre dossier voudrait rappeler cette urgence de la formation oecuménique et ses différents aspects. Il évoque ainsi quelques réalisation internationales emblématiques, qui sont d’abord des lieux de rencontres : l’Institut de Tantur, belle aventure trop peu connue ; l’Institut de Bossey, expression d’un souci du COE depuis sa fondation. Il présente ensuite quelques exemples de lieux de formation théologique, comme l’Institut pour les Eglises orientales de Ratisbone, pont entre les chrétientés d’Orient et d’Occident, et l’ISEO, à Paris. Mais les possibilités sont multiples comme celles offertes par les cours par correspondance FOI, de Lyon. Elles touchent aussi à la formation humaine, comme le montre une expérience originale pour animateur de centres de jeunes. Bien d’autres "lieux" auraient pu être mentionnés, comme ceux présentés dans le dernier numéro de Unité chrétienne (n° 158 – Mai 2005) : "Oecuménisme aux mille visages". Faut-il rappeler également l’importance des nombreuses sessions organisées, surtout l’été, par des centres prestigieux (Strasbourg, Bose…) ou des Associations (Avents, Amitiés…), dont notre revue veut être le modeste complément ?
Fr. M. Mallèvre
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