Editorial : Quelle présence du Christ aujourd’hui ?
En cette année où nous célébrons le soixantième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et rappelons l’horreur d’Hiroshima, nous avons réentendu le cri des survivants, repris par Paul VI, "plus jamais la guerre !" Mais en de trop nombreux pays, sur tous les continents, ce cri reste couvert par le bruit des armes et la détresse des victimes.
Le congrès de Sant’Egidio, à Lyon, appelant au "courage d’un humanisme de paix", puis la journée de prière du 21 septembre, à l’occasion de la Journée internationale de la Paix instaurée par les Nations-Unies, nous ont rappelé récemment l’urgence de nous engager, avec tous les hommes et les femmes de bonne volonté, à surmonter la violence qui menace, hélas, plus que jamais l’avenir de l’humanité.
Dans ces conflits passés et présents, les chrétiens ont leur part de responsabilité. Lorsque l’on a vécu des décennies de violences absurdes entre baptisés, comme le peuple irlandais, on le sait mieux que quiconque ! Malgré l’annonce de l’abandon de la lutte armée par l’IRA, le silence des armes tarde à revenir en Ulster et les chrétiens de l’Eire voisine, en choisissant
Mt 18,20 comme thème principal de la Semaine de prière pour l’unité 2006, ont voulu nous rappeler les conditions fondamentales de cette paix à laquelle aspirent tant de peuples aujourd’hui : l’écoute commune du Christ, l’importance des initiatives ecclésiales si petites soient-elles, la prise en compte des blessures du passé.
Plus largement, ils nous invitent à nous interroger sur le témoignage que nous donnons de la présence du Christ, Prince de la Paix, dans un monde où il paraît si absent. Certes, pour le croyant, les signes de sa présence sont multiples. Sans oublier la figure du pauvre, de l’exclu auquel Jésus s’est identifié, la tradition chrétienne a spécialement mis en valeur ces signes dans la liturgie : la Parole proclamée, le pain et le vin partagés dans le repas du Seigneur, le ministre signe pour l’assemblée qu’elle est convoquée par un Autre… Mais sur l’importance et la signification de chacun de ces signes, les chrétiens se sont déchirés depuis deux mille ans, et le contentieux n’est pas encore réglé malgré les progrès du dialogue œcuménique !
Bien plus, sur la définition de la communauté qui célèbre, c’est-à-dire du signe par excellence de la présence du Christ selon Mt 18,20, nous ne sommes pas non plus d’accord : chaque famille confessionnelle a sa propre conception de l’Eglise, de la continuité de l’unique Eglise fondée par Jésus-Christ, et son appréciation des autres communautés par rapport à cette définition.
Et pourtant, en achevant ses travaux, il y a quarante ans, le Concile Vatican II nous le rappelait déjà : "C'est à l'Eglise qu'il revient de rendre présents et comme visibles Dieu le Père et son Fils Incarné, en se renouvelant et en se purifiant sans cesse, sous la conduite de l'Esprit Saint. (…) Ce qui contribue le plus à révéler la présence de Dieu, c'est l'amour fraternel des fidèles qui travaillent d'un cœur unanime pour la foi de l'Evangile et qui se présentent comme un signe d'unité." (Gaudium et spes n°21 § 5).
A l’heure où les religions sont fortement soupçonnées d’être davantage des facteurs de violence que des instruments de paix, où tant d’hommes et de femmes remettent en question l’existence d’un Dieu créateur d’un tel monde, puissions-nous prendre davantage conscience de l’urgence pour les disciples du Christ de frayer, par leur unité, un chemin d’espérance à l’humanité déchirée !
Exergue :
Nous devons nous interroger sur le témoignage que nous donnons de la présence du Christ, Prince de la Paix, dans un monde où il paraît si absent
Fr. M. Mallèvre
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